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Covid-19

Les cinq principaux impacts du confinement sur la filière viande bovine


TNC le 03/06/2020 à 09:23
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Le coronavirus a modifié les débouchés habituels de la viande bovine française. (©TNC)

Les mesures de confinement mises en place dans la quasi-totalité des pays européens pour lutter contre le Covid-19 ont eu de multiples conséquences sur le marché de la viande bovine. Dans un webinaire réalisé le 28 mai dernier, Caroline Monniot, chef de projet conjoncture viande bovine à l’Idele, a fait un bilan sur la situation dans l’Union européenne.

Le confinement généralisé dans l’Union européenne a mis un coup d’arrêt brutal à la restauration hors domicile (RHD) pendant plus de deux mois et a bousculé les débouchés habituels. Si la part de la RHD dans les dépenses des consommateurs varie fortement selon les pays, elle est relativement importante pour ceux qui ont le plus d’importance sur le marché de la viande bovine.

À lire : Le coronavirus bouscule l’équilibre des marchés

« Dans un pays comme l’Espagne, presque 50 % des dépenses alimentaires sont réalisées hors domicile, 45 % au Royaume-Uni, 34 % en Italie, 28 % en France , 26 % en Allemagne, et 21 % en Grèce », explique Caroline Monniot. D’autant plus que « ce qui est dépensé par les touristes n’est pas pris en compte, alors que c’est considérable. En Grèce, la moitié de la consommation de viande bovine se fait par les touristes. » La reprise du secteur sera de ce fait un élément déterminant.  

Les conséquences de la crise sont considérables, dont cinq principales :

  • 1/ Report sur la consommation à domicile

Un report de la consommation hors domicile s’est fait sur la consommation à domicile, donc sur les achats des ménages et sur les ventes des boucheries et des supermarchés. En Italie par exemple, d’après le panel IRi, les ventes de viandes (toutes viandes confondues, y compris volaille) ont progressé de 24 % dans les GMS sur les semaines 8 à 20 (du 17 février au 17 mai) par rapport à l’année précédente. « Ça ne veut pas dire pour autant que la filière se porte bien ».

Autre exemple, celui du Royaume-Uni. Selon le panel Kantar qui mesure les achats des ménages, les ventes dans la catégorie « primary beef », qui comprend principalement les découpes de bœuf et la viande hachée pur bœuf, « on est entre 30 et 40 % de hausse par rapport à l’année dernière ». Les « burgers and grills » arrivent de leur côté à une hausse de près de 50 %.

Au Royaume-Uni, les ventes de burgers et grills ont fortement progressé ces dernières semaines. (©Idele)
  • 2/ Perte de valeur des pièces de l’aloyau

Dans plusieurs États, le report de consommation s’est fait principalement sur la viande hachée. C’est le cas notamment en France, au Royaume-Uni ou encore au Pays-Bas. En moyenne sur les semaines 12 à 19, les ventes de viande hachée fraîche ont progressé de 30 % dans l’Hexagone et celle de viande hachée surgelée, de 51 %. Dans d’autres pays, comme l’Italie, le report s’est fait sur les pièces du globe (Italie).

« Mais les pièces d’aloyau souffrent, puisque l’entrecôte, le filet, le faux-filet, ce sont des pièces qui se consomment essentiellement au restaurant. » Ce report a ainsi bousculé l’équilibre matière dans les abattoirs et perturbé la valorisation des carcasses.

La consommation de viandes hachées surgelées a augmenté de 51 % en moyenne en France pendent le confinement. (©Idele)

Ailleurs encore, le report ne s’est tout simplement fait pas, ce qui a conduit à une importante perte de valeur. Dans les pays de l’Est, il n’y a pas de consommation traditionnelle de viande bovine. « Le bœuf se consomme essentiellement soit dans les fast-foods, soit dans les steak houses. » En Pologne par exemple, malgré les campagnes du gouvernement incitants les citoyens à manger du bœuf polonais, la consommation à domicile n’a pas progressé.

  • 3/ Perte de valeur sur les cuirs et sur les abats

Au cours de la crise sanitaire, la valorisation des cuirs et des abats a été également perturbée. « Au Royaume-Uni, le prix du cuir est passé sous la barre des 15 US$/pièce en mai 2020. 

Le prix du cuir s’est fortement dégradé au Royaume-Uni. (©Idele)
  • 4/ Renationalisation des marchés

Presque 40 % de la viande bovine abattue au sein de l’Union européenne est échangée entre les pays membres. Une part « considérable », d’autant plus que « la viande importée dans chaque État membre est principalement consommée en restauration », souligne Caroline Monniot. « Avec le report sur les achats des ménages, on assiste à une renationalisation des marchés, ce qui pose problème aux États membres qui sont de gros exportateurs comme la Pologne et l’Irlande ».

À lire : « Où va le bœuf ? »

Le prix du jeune bovin O polonais s’est considérablement effondré, alors même que 2019 « n’avait pas été terrible ». Plusieurs scandales sanitaires avaient entaché la filière et fait chuter les cours. En 2020, les prix sont encore 11 % sous le niveau de 2019.

  • 5/ Ralentissement des abattages

Ce ralentissement a lieu « en particulier dans les pays qui sont de gros exportateurs et qui de ce fait ont perdu des débouchés importants ». En Irlande par exemple, la baisse des abattages tous bovins confondus sur les semaines 13 à 20 atteint 16 % par rapport à 2019. En Allemagne, le recul est similaire : – 17 %. « On ne s’en sort pas si mal finalement en France, parce qu’on est un pays qui consomme de la viande bovine. » D’où une baisse de « seulement » 7 %.

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« Mais dans certains pays, l’abattage de vaches a été quasiment arrêté puisque, contrairement à ce qu’on peut connaître en France, c’est une viande qui est consommée principalement dans les fast-foods, dans de nombreux états membres. »

Les abattages de jeunes bovins ont presque été divisés par deux en Irlande au cours des semaines 13 à 20 comparé à  la même période en 2019. (©Idele)

Pour autant, ces chiffres sont à « relativiser », d’après l’expert. « On s’attendait de toute façon à une baisse de production dans beaucoup d’États membres cette année ». En France, une baisse de 2 % était prévue, comme en Allemagne et en Irlande. Au global, « les experts qui s’étaient réunis à Bruxelles début mars, donc sans tenir compte de l’impact Covid-19, prévoyaient déjà une baisse de production pour l’Union européenne pour 2020 de l’ordre de 1 %. »

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