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Pac 2023-2027

Le PSN français a-t-il les moyens des ambitions environnementales de la Pac ?


TNC le 07/02/2023 à 08:50
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Pac 2023-2027 : faut-il arbitrer entre les ambitions environnementales et les objectifs économiques ? (©Pixabay)

La politique agricole commune doit répondre à de nombreux objectifs : revenu des agriculteurs, sécurité alimentaire, compétitivité, résilience face au changement climatique, renouvellement des générations, dynamisme des zones rurales… Comment la mise en œuvre de la nouvelle Pac en France pourra-t-elle y répondre ?

La nouvelle Pac 2023-2027 doit permettre au niveau national de renforcer la diversité des systèmes de production et d’améliorer leur résilience, tout en accompagnant la transition agroécologique. Avec 9 milliards d’euros par an, la France, plus gros bénéficiaire de la Pac, aura-t-elle les moyens de répondre à ces objectifs qu’elle s’est fixés ?

Des ambitions environnementales insuffisantes ?

Le plan stratégique national français (PSN) avait fait l’objet, en mars dernier, de critiques de la part de la Commission européenne, notamment sur le volet environnemental. Quelques modifications ont été effectuées, comme la réévaluation de l’écorégime pour l’agriculture biologique, et la nouvelle version du PSN a été adoptée par Bruxelles. Pour Petr Lapka, représentant de a DG Agri, invité à un webinaire organisé par Euractiv le 6 février, il s’agissait davantage de demandes d’explication et de clarification. « Nous avons bien compris la stratégie délibérée de massification de pratiques », explique-t-il.

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Un choix que défend d’ailleurs Arnold Puech d’Alissac, agriculteur et représentant de la FNSEA. « On voulait inclure un maximum d’agriculteurs dans l’écorégime, les faire rentrer tout en les faisant évoluer », et le choix des trois voies d’accès, qui devraient permettre à près de 80 % des agriculteurs d’atteindre au minimum le premier niveau (soit environ 55 €/ha) constitue pour lui un point de satisfaction.

« Les travaux qu’on a menés pour le Parlement européen concluent que si des outils ont été mis sur la table par la Commission pour aller dans le bon sens, on a toutes les chances de ne pas être au rendez-vous des « aspirations targets » », constate Cécile Détang-Dessendre, directrice scientifique adjointe Agriculture à l’Inrae. Les dix principaux objectifs de la Pac 2023-2027 (assurer un revenu équitable aux agriculteurs, renforcer la compétitivité, améliorer la position des agriculteurs dans la chaîne alimentaire, agir contre le changement climatique, protéger l’environnement, préserver les paysages et la biodiversité, soutenir le renouvellement des générations, dynamiser les zones rurales, garantir la qualité des denrées alimentaires et la santé, encourager les connaissances et l’innovation) « ne sont pas tous compatibles les uns avec les autres, donc il faut des arbitrages politiques », explique-t-elle, notamment entre les ambitions environnementales et les objectifs économiques.

Ainsi, « si on impose aux agriculteurs des pratiques plus vertueuses, dans un système qui n’est pas complètement recomposé, on va vers une diminution de rendement et à ce moment-là, quelqu’un doit payer, agriculteur, consommateur… ? On n’a pas dit ça clairement », ajoute-t-elle, regrettant l’absence d’évaluation pour anticiper ce que les exigences imposées aux agriculteurs entrainaient économiquement pour tous, agriculteur, consommateur, citoyen.

Une menace pour la souveraineté alimentaire ?  

En parallèle, la guerre en Ukraine a, dans la foulée de la crise sanitaire, remis l’accent sur l’importance de la souveraineté et de la sécurité alimentaire. Pour Arnold Puech d’Alissac, attendre l’ensemble des objectifs nécessite des moyens. Certains objectifs pourront selon lui être atteints, comme sur la réduction de l’utilisation d’engrais, d’autres ne sont plus d’actualité, comme les 25 % de production en agriculture biologique. Quant à la diminution de l’usage des pesticides, cela « dépendra des solutions qu’on aura, par exemple des variétés plus résistantes dont les NBT », souligne l’agriculteur. Au risque, selon lui, de perdre la sécurité alimentaire qui est « le grand succès de cette Pac depuis sa création ».  

Un risque à nuancer, pour Cécile Détang-Dessendre, qui rappelle que 700 Mt de blé tendre sont produites sur terre, et que l’Europe n’en exporte que 30 Mt. « Si on en enlevait un million, deux millions, on ne va pas remettre en cause la sécurité alimentaire mondiale », estime-t-elle.

Pour le député européen Jérémy Decerle, il n’est pas nécessaire de revoir les objectifs environnementaux à la baisse, mais il faut « les mettre en adéquation avec des moyens », et on n’arrivera de toute façon pas à les atteindre « sans renouveler les générations en agriculture, sans mesures innovantes, sans nouvelles techniques, sans nouvelles techniques génomiques », et si la DG Agri semble sur la même longueur d’ondes, ce n’est pas le cas partout au Parlement européen, estime-t-il, prônant une logique de construction plus réaliste, plus « terrain » des politiques.  

Clauses miroirs et protection commerciale

Enfin, si la Pac n’a pas les moyens de répondre à tous les enjeux définis par le Green Deal, « on ne peut pas demander des choses à l’agriculture européenne en le mettant en porte-à-faux par rapport aux pays tiers », souligne Cécile Détang-Dessendre, pour qui il faut nécessairement des clauses miroirs et des protections commerciales, notamment si les rendements sont en baisse. En parallèle, cette dynamique doit s’accompagner d’une réflexion sur un rééquilibrage de l’origine des protéines dans notre régime alimentaire, ajoute-t-elle.

Néanmoins, cette réflexion sera difficilement défendable dans un contexte « d’incohérence de certaines de nos politiques », prévient Jérémy Decerle en dénonçant les volontés contradictoires d’une DG Agri qui souhaite à la fois imposer de nouvelles normes aux élevages (par exemple la directive ICPE), et accélérer les négociations vers un accord de libre-échange avec le Mercosur.