Lait et vin : quel avenir pour les segmentations face à l’inflation ?
TNC le 25/09/2023 à 05:01
AOP, HVE, agriculture biologique, les produits sous labels sont inégalement impactés par l’inflation. Pour y voir plus clair, l’Institut de l’élevage proposait, lors du Space, une conférence qui mettait en regard l’évolution de la segmentation face au choc de l’inflation. Pour cela, elle a choisi de mettre en regard deux productions : le lait et le vin.
Les produits laitiers et le vin ont en commun d’être particulièrement concernés par la segmentation des produits. Dans un cas comme dans l’autre, la production sous AOP, en agriculture biologique, ou encore sous labels privés, représentent des parts de marché importantes. C’était le sujet d’une conférence organisée par l’Idele lors du Space.
Christine Goscianski, spécialiste de l’économie des filières à l’Institut de l’élevage, observe que la segmentation des produits s’opère en premier lieu au sein de l’exploitation. Ce sont en effet les pratiques du producteur qui permettent la labellisation du produit.
Pour le lait, cette différenciation par le label, toutes appellations confondues, concerne un cinquième de la collecte. Dans le cas des produits laitiers frais, une deuxième segmentation intervient au stade du traitement par la laiterie : la composition (lait entier, écrémé…), le conditionnement (bouteille, brique…), éventuellement la recette. Cette deuxième segmentation est moins présente pour le vin, qui n’est pas un produit transformé ; seul le conditionnement peut changer.
Les prix montent, le lait bio trinque
Au sein de la filière laitière, c’est le bio qui pâtit le plus de l’inflation. La courbe des livraisons de lait biologique s’est en effet fortement infléchie en 2023, après une croissance spectaculaire, amorcée en 2016 – 2017. « Plusieurs facteurs se sont combinés pour expliquer ce fort ralentissement », explique Christine Goscianski, « en particulier la sécheresse de 2022 et le fait que ce sont les ménages qui tirent la consommation. Il s’agit d’un produit très exposé au déséquilibre des marchés ».
Le paysage est différent pour les AOP. Le prix des laits produits sous AOP est volontairement déconnecté de celui du conventionnel et reste beaucoup plus élevé. A ce jour, le dynamisme des ventes perdure, malgré le contexte inflationniste. Les achats des ménages sont stables et représentent à eux seuls 180 000 tonnes par an.
En vin, bien qu’il existe une segmentation ressemblant à celle des produits laitiers, la situation est bien différente. Dans un contexte de déconsommation régulière depuis les années 1960, beaucoup de producteurs ont opté depuis longtemps pour la montée en gamme. « La proportion des vins sous labels (agriculture biologique, HVE…) a connu une progression telle que les vins sous AOP représentent aujourd’hui un volume plus important que celui des vins sans appellation », révèle Etienne Goulet, directeur régional de l’Institut français du vin en Val de Loire Centre. Dans cette situation, l’inflation a entraîné une réduction de la consommation mais, contrairement à ce qui s’est passé pour le lait, les ventes ont baissé en parallèle sur tous les segments.
LSDH : s’adapter pour ne pas disparaître
Philippe Leseure, directeur filières chez LSDH pôle liquide, en connaît un rayon sur la segmentation. Il témoigne que la Laiterie de Saint Denis de l’Hôtel, à l’époque petite entreprise dans une région peu laitière, a été fortement déstabilisée par la mise en place des quotas laitiers. Elle a donc été contrainte de se diversifier pour ne pas disparaître.
La première étape a consisté, pour cette structure qui maîtrisait la mise sous emballage du lait, à embouteiller d’autres liquides : jus de fruits, boissons végétales, eaux aromatisées. Pour la deuxième, il s’agissait de segmenter le lait en proposant du lait biologique ou labélisé Bleu Blanc Cœur, en plus du lait conventionnel. Depuis 2016, LSDH prend en charge le conditionnement du lait et du beurre de la marque « C’est qui l’patron ?! ».
Loin d’être figée, cette segmentation évolue. Si aujourd’hui la consommation de lait bio est en baisse, Philippe Leseure se dit convaincu qu’elle remontera. « Les aliments santé, c’est fondamental », assure-t-il. Mais il voit aussi émerger chez le consommateur des revendications environnementales plus précises ; par exemple, une demande de traçabilité des protéines, au profit de protéines « non déforestantes ». « Cette demande va probablement croître », affirme-t-il.
Plusieurs types de consommateurs
« Il y a avant tout une segmentation des consommateurs », explique Philippe Leseure. « Celui qui ne regarde que le prix, celui qui est attentif au bien-être-animal… » Pour lui, la segmentation des produits veut répondre à celle des consommateurs et elle n’est pas figée. Elle est simplement une condition d’accès au marché, parce qu’elle permet de s’adapter au consommateur et de lui apporter satisfaction.