Accéder au contenu principal
Guerre en Ukraine

La souveraineté alimentaire française recule, en dépit des besoins


TNC le 15/02/2023 à 05:00
fiches_tag-ukraine

Un an après le début de la guerre en Ukraine, quelle est la situation de l'agriculture française ? (©TNC/Pixabay)

Après un an de guerre en Ukraine, les conséquences du conflit sur les productions agricoles françaises, le commerce extérieur et la consommation sont en partie mesurables, et alors que le contexte géopolitique devrait appeler à un renforcement de la souveraineté alimentaire, les politiques européennes n’encouragent absolument pas la production agricole, regrette le président des Chambres d’agriculture.

A première vue, la guerre en Ukraine et la hausse des prix des productions agricoles qu’elle a entrainée s’est montrée profitable aux exploitations agricoles françaises, dont les résultats sont en nette hausse en 2022, après une longue période de baisse de la valeur ajoutée. « Mais derrière ces chiffres, on constate une décroissance en volume sur les productions », souligne Sébastien Windsor, président des Chambres d’agriculture. Le 14 février, les chambres ont dressé un premier panorama de la situation de l’agriculture française, près d’un an après le déclenchement du conflit.

Un recul conséquent sur certaines productions

On constate en effet, sur l’année 2022, un recul de certaines productions végétales par rapport à la moyenne quinquennale : blé tendre (- 2,8 % en surface, – 3,6 % en volume), maïs grain irrigué (- 18,5 % en surface, – 24,7 % en volume), betteraves industrielles (- 10,3 % en surface, – 14,6 % en volume), la baisse des rendements s’expliquant également par la sécheresse de l’été. En parallèle, d’autres productions progressent, comme le tournesol (+ 33,5 % en surface et + 19,1 % en volume).

La collecte laitière est également en recul (entre – 3 et – 4 % par rapport à la moyenne 2017-2021), en lien essentiellement avec le recul du cheptel, rappelle Marine Raffray, économiste à Chambres d’agriculture France, et la dynamique de décapitalisation en viande bovine se traduit également par une baisse des effectifs, mais aussi par des animaux moins conformés, donc une baisse des volumes carcasse.

Prix : de la volatilité encore à prévoir

La flambée des prix des productions végétales a été supérieure à celles de 2008, 2010 et 2021, explique de son côté Thierry Pouch, chef du service économie des chambres d’agriculture. Si une phase de déclin est amorcée depuis quelques mois, la tendance sera-t-elle durable en 2023 ? La hausse des prix du blé est en tout cas amorcée, avec les incertitudes quant à la reconduction de l’accord sur le corridor en mars 2023, les conséquences possibles des tremblements de terre en Turquie sur la production de farine de ce pays, mais aussi le rôle de la Chine qui, en constituant des stocks très importants, contribue fortement à l’instabilité des marchés.

La hausse des coûts de production reste, en parallèle, un facteur de vigilance, avec des incertitudes sur le prix du gaz naturel. Par ailleurs, si le prix des engrais reste à un niveau inférieur au pic du printemps 2022, on constate « le risque d’un ciseau des prix entre prix des engrais et prix des matières premières végétales », alerte Marine Raffray.

Consommation en berne, balance commerciale à la peine

La hausse des prix contraint également les Français à réaliser certains arbitrages dans leur consommation alimentaire : ils achètent ailleurs, moins et moins cher, ce qui met en difficulté les productions premium ou bio notamment, et pose plus généralement la question des débouchés pour l’agriculture et la transformation, souligne Thierry Pouch. Le recul des dépenses des ménages pour la consommation alimentaire à domicile atteint – 8 % en 2022 par rapport aux trois années précédant la pandémie.

Enfin, si la balance commerciale agroalimentaire reste positive, avec un excédent de + 11 milliards d’euros (+ 4,8 milliards d’euros pour les produits bruts et + 5,6 milliards d’euros pour les produits transformés), le déficit s’aggrave pour les fruits et légumes, la volaille et la viande.

Une souveraineté alimentaire encore plus dégradée

Au final, si dans ce contexte, « la France aurait pu compenser le rôle que l’Ukraine n’a pas pu jouer » en raison du conflit, « la souveraineté est en train de se dégrader encore plus vite que prévu en France », constate Sébastien Windsor.

Le président des chambres d’agriculture s’inquiète particulièrement des orientations de la Commission européenne, qui n’encourage pas la production agricole mais, au contraire, ajoute davantage de contraintes, comme l’illustrent les réflexions sur la directive IED, le bien-être animal, les systèmes alimentaires durables, la restauration de la nature, la directive concernant les pesticides. « Je ne vois aucune politique européenne sur la reconquête de souveraineté alimentaire », déplore-t-il. Dans ces conditions, le recours aux importations ne fera qu’augmenter, tant que Bruxelles ne se saisit pas davantage de la question des clauses miroirs pour protéger les producteurs, estime-t-il. En parallèle, des politiques d’encouragement à la consommation seraient également nécessaires, par exemple à travers l’étiquetage de l’origine, ou la possibilité de faire de l’origine un critère dans les appels d’offres des collectivités, rappelle enfin Sébastien Windsor.