Accéder au contenu principal
Soja

La prime non-OGM ne suffit plus à convaincre les farmers brésiliens


TNC le 13/06/2022 à 04:48
fiches_Moisson_soja-1

À l'occasion des conférences marchés mondiaux de la viande organisées par l'Institut de l'élevage, Laurent Houis, directeur de Solteam, revient sur la diminution de l'offre en soja non OGM. (©Pixabay)

Entre poids de la demande chinoise, hausse des cours des protéagineux et différence de rendement entre variétés OGM et conventionnelles, les agriculteurs brésiliens sont de plus en plus nombreux à opter pour le soja OGM. Difficile alors de répondre aux demandes des filières qualité.

Depuis 2005, la partie non OGM de la production de soja brésilien s’amenuise pour ne représenter que 2 % du volume récolté sur la campagne actuelle. Dans ce contexte, difficile de faire perdurer la chaîne logistique du non-OGM et de trouver des opérateurs capables d’alimenter la filière en continu.

Si les farmers brésiliens se détournent des cultures non-OGM, c’est tout d’abord parce que « la prime non-OGM devient de moins en moins incitative », estime Laurent Houis, directeur de Solteam, une entreprise nantaise spécialisée dans le sourcing des protéines à l’occasion d’une conférence sur les marchés mondiaux organisée par l’idele. 

La prime non-OGM atteint cependant des niveaux records, flirtant entre les 250 à 300 €/t alors qu’elle représentait moins de 100 €/t en début 2020 pour les acheteurs français. En cause, le différentiel de rendement entre le soja OGM Roundup Ready, et le soja dit conventionnel. « Il y a peu de recherche en semences de soja non-OGM. Sans nouvelles variétés, le différentiel entre les deux productions finit par être dissuasif pour les producteurs ». La hausse des cours des protéagineux dissuade également les agriculteurs de produire du soja conventionnel dont le rendement est plus incertain, alors que la Chine propose des primes importantes à ses principaux fournisseurs pour satisfaire sa forte demande, quel que soit le mode de production. Dans ce contexte, les organismes de collecte sont de plus en plus réticents à affecter des silos pour le soja non-OGM qui demande une traçabilité particulière.

Le soja non-OGM représentait 10 % de la production brésilienne sur la campagne 2016-2017. Aujourd’hui, c’est à peine 2 % des volumes produits. (©Solteam)

La raréfaction du soja brésilien non-OGM a obligé les importateurs à diversifier leurs débouchés. L’Inde, dont la majorité des états mènent une politique anti-OGM, propose une offre compatible avec les standards français, mais entre covid, inflation, aléas climatiques et mauvaises récoltes, les disponibilités sont faibles. « Le gouvernement indien est coincé entre le poids des agriculteurs, dont il souhaite sauvegarder le revenu, et des problèmes d’inflation pour les consommateurs indiens. Difficile donc de s’inscrire sur ce marché volatil et incertain », commente Laurent Houis. Le marché indien reste une niche : l’Inde produit un peu plus de 10 millions de tonnes de soja par an, là où le Brésil, premier producteur mondial, flirte avec les 130 millions de tonnes.

Difficile de trouver des substituts

Le soja non-OGM en provenance de Russie ou d’Ukraine fait défaut, mais surtout leurs substituts. Difficile de mettre la main sur le tourteau de tournesol. « Au-delà des questions géopolitiques, nous n’avons plus accès à la mer Noire. Les armateurs ne veulent plus aller dans les ports russes, pas plus que les assureurs ». Solteam a su trouver des ressources au Nigéria, sans avoir beaucoup d’éléments quant à la pérennité de ce débouché : « on a de la visibilité à quatre ou cinq mois, pas plus ».

La grande distribution veut étiqueter des produits non-OGM, mais faut-il encore en trouver !

La consommation de soja non-OGM a diminué de 30 % sur les derniers mois. Faute de disponibilité, certaines filières se tournent vers des tourteaux OGM. Comme de nombreux acheteurs, l’Inde s’est résignée en 2021 à autoriser temporairement l’importation de soja OGM pour répondre au manque de produits conventionnels.

La rareté du produit fait que la prime non-OGM est de plus en plus décorrélée du cours du soja. « On a devant nous de très grosses récoltes en Amérique. On peut imaginer que les cours du soja soient orientés à la baisse, mais je ne vois pas la prime descendre en dessous des 200 €/t. Si la consommation est en net retrait, la disponibilité l’est également. »

« Certains vont se tourner vers des filières locales, mais on ne fera jamais les 3 millions de tonnes dont on a besoin en France. Il faudra importer » alors que la production française de soja avoisine les 450 000 t.

Du non-OGM au non déforestant ?

« Les distributeurs sont en train de changer leur politique pour orienter leurs gammes avec une communication autour du soja non déforestant. Mais la majorité du soja l’est au Brésil… Il est surtout cultivé dans le centre et le sud du pays. Ce sont surtout des questions d’audit pour avoir de la traçabilité sur les flux. Ça pourrait devenir un standard de marché, ou une faible prime », conclut Laurent Houis, tout en rappelant que la mise en place de solutions non déforestantes pour échanger avec le Brésil pourrait remettre sur la table la question de l’accord UE-Mercosur.