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Agriculture biologique

La politique de soutien au bio n’est pas à la hauteur, juge la Cour des comptes


TNC le 30/06/2022 à 13:00
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(©Pixabay)

Malgré ses externalités positives reconnues, l’agriculture biologique n’est pas assez soutenue en France, constate la Cour des comptes dans son rapport publié ce 30 juin. Au regard des ambitions affichées en matière de développement du bio, la Cour incite les pouvoirs publics à faire plus et mieux en matière d’investissement, de fléchage des aides, mais aussi de lisibilité pour le consommateur, fustigeant notamment la trop grande mise en avant du label HVE.

Après 10 ans de forte croissance, la consommation de produits issus de l’agriculture biologique ralentit et certaines filières connaissent des déséquilibres entre offre et demande, alors que de nombreux producteurs ont fait le choix de se convertir. En parallèle, la France ambitionne d’atteindre 18 % de surface agricole utile en bio en 2027. Dans son rapport sur le soutien à l’agriculture biologique, présenté le 30 juin, la Cour des comptes constate ainsi « un décalage entre des ambitions fortes et des moyens moins puissants ».

Une trop forte concurrence du label HVE pourtant moins vertueux

Si en 2021, les achats de produits biologiques ont diminué, c’est en partie lié, pour la Cour des comptes, à un manque de visibilité et de communication. « Nous constatons un recul de l’image du bio auprès de consommateurs déboussolés par de trop nombreux labels, alors que la majorité sont beaucoup moins ambitieux que le label bio », souligne Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes.

La Cour critique particulièrement la mise en avant de la Haute valeur environnementale (HVE), que le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire soutient au même niveau que l’agriculture biologique, alors que les externalités positives des deux labels ne sont pas comparables, indique le président de la Cour des comptes qui formule « une demande claire de lisibilité » vis-à-vis du consommateur.  

Les aides Pac insuffisantes

En outre, « les aides de la Pac ne sont pas à la hauteur des objectifs fixés », explique Pierre Moscovici, avec des aides à la conversion et au maintien qui ont été sous-dimensionnées, ce qui a conduit à des plafonnements. En 2019, 2,3 % du total des aides versées aux agriculteurs sont allées à la conversion vers l’AB, et 0,7 % au maintien. Par ailleurs, plus du quart des exploitations bio ne reçoivent aucune aide de la Pac alors que 80 % des exploitations agricoles ont perçu un versement en 2019, précise la Cour.

Et « si les enveloppes prévues pour les aides à la conversion sont en augmentation de 40  % dans la prochaine programmation de la Pac (2023-2027), la réalisation des objectifs de 18 % de SAU en bio en 2027 (objectif défini dans le projet stratégique national – PSN – transmis par la France fin 2021 à la Commission européenne) et de 25 % de la SAU en 2030 (objectif européen) est loin d’être assurée. En effet, non seulement les enveloppes dédiées aux mesures agro-environnementales et climatiques (Maec) seraient seulement maintenues, mais en outre le futur « écorégime » serait accessible au même niveau de rémunération à des exploitations engagées dans des démarches environnementales moins exigeantes que l’agriculture biologique », précise la synthèse du rapport. En ce sens, l’avis de la Cour des comptes ne diffère pas de celui de la Commission européenne qui a critiqué, dans la version française du plan stratégique national (PSN) de la future Pac, la mise en équivalence du bio et de la HVE pour accéder aux éco-régimes.

Réorienter les soutiens

Pour relancer la consommation et soutenir un modèle agricole aux externalités positives plus importantes (en matière de santé, de biodiversité, de qualité de l’air, de l’eau et des sols, ou de climat, liste la Cour des Comptes), le rapport liste plusieurs leviers d’action. Mieux éclairer les citoyens passerait ainsi par « rehausser fortement le niveau d’exigence du cahier des charges applicable à la certification environnementale », un plan de communication interministériel, ou une meilleure valorisation des bénéfices de l’agriculture biologique, par exemple dans le futur affichage environnemental des produits.

Il s’agit également de mieux orienter les soutiens, notamment en instaurant une rémunération pour services environnementaux de l’agriculture biologique dans le cadre de l’écorégime et en renforçant les mesures agroenvironnementales et climatiques, alors que la France est au dernier rang des pays européens pour la part consacrée aux MAEC. La Cour suggère également de renforcer les soutiens à la recherche et aux organisations comme l’Agence Bio ou l’Itab.

Enfin, le soutien au bio ne pourra se passer de création de valeur dans la filière toute entière. Pour cela, la Cour de comptes demande, entre autres, l’application de la loi Egalim 2 et « en particulier, inciter à la contractualisation entre producteurs, transformateurs et distributeurs », et la pérennisation du Fonds Avenir Bio à hauteur d’au moins 15 M€ par an.