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Escroquerie à la viande chevaline

La faute à « la complexité » des règles européennes ?


AFP le 16/06/2022 à 17:04

La nostalgie d'un commerce « beaucoup plus facile » : Jean-Marc Decker, négociant belge de chevaux, principal mis en cause dans une vaste escroquerie européenne à la viande chevaline, a mis en cause jeudi devant le tribunal correctionnel de Marseille « la complexité » des règles européennes.

M. Decker, dont l’activité couvrait de nombreux pays européens, a pointé du doigt les normes de contrôle du commerce de chevaux dans l’Union, qui ont connu « beaucoup de changements, dans un pays ou dans l’autre, où chacun interprétait la législation », au début de cette période 2010-2015 durant laquelle il est soupçonné d’avoir introduit des animaux impropres à la consommation dans la filière alimentaire.

Le marchand belge vendait de 2 500 à 4 000 bêtes par an. Environ 70 % de ses revenus provenaient de la vente de chevaux pour la boucherie, a-t-il expliqué, précisant qu’il faisait un bénéfice de 50 à 75 euros par bête.

En bout de chaîne, plus de 400 chevaux « non conformes » ont été abattus à l’abattoir municipal d’Alès, où l’enquête avait débuté en 2013. Ce même abattoir utilisé par le « plus gros client » de M. Decker, la société de vente en gros Equi’d Sud (Gard), également mise en cause dans le procès.

Jean-Marc Decker, 58 ans, est officiellement poursuivi pour escroquerie en bande organisée et tromperie entraînant un danger pour la santé de l’homme.

« Jusqu’en 2008-2009, c’était beaucoup plus facile pour moi, il n’y avait pas besoin de papier pour les chevaux », s’est justifié le négociant : « On nous demandait une traçabilité pour l’avenir, pas pour le passé, parce qu’il n’y a personne qui savait ce que les animaux avaient eu avant ».

A partir de 2010 ont été mis en place de nouveaux documents, les feuillets de traitements médicamenteux (FTM) assurant le suivi médical des bêtes. Nécessaires pour abattre un animal en vue de sa consommation par l’homme, ils permettent de contrôler l’usage de produits potentiellement dangereux.

« Parole verbale »

« Je n’ai pas été vigilant, mais il n’y avait aucune mauvaise intention », a assuré M. Decker, assurant à la barre n’avoir « jamais falsifié un passeport ».

Dans les écoutes de M. Decker avec plusieurs de ses partenaires commerciaux lues par la présidente du tribunal Céline Ballerini, l’intéressé est pourtant apparu agacé des contrôles vétérinaires effectués à l’entrée des abattoirs.

Jean-Marc Decker, qui s’est défendu lors de l’instruction d’une quelconque fraude, se retranchant derrière les contrôles vétérinaires effectués à différents stades, semblait également déplorer dans ces écoutes les manques de conformité entre passeports et chevaux achetés, dans un métier « où la parole verbale vaut plus qu’un contrat », a-t-il souligné.

Parmi les 17 autres prévenus, maquignons, rabatteurs et vétérinaires, dont trois Belges et deux Néerlandais, figurent de nombreux fournisseurs et partenaires du marchand établi à Bastogne. Ils comparaissent notamment pour faux et usage de faux. Plusieurs auraient notamment modifié les documents d’identification des bêtes.

« Vous ne vous êtes pas demandé si la difficulté ne vient pas des contrôles vétérinaires mais aussi des gens qui vous fournissent ? », a interrogé la présidente, mettant en doute leur « bonne foi » tout en concédant au prévenu « un trou dans la raquette » de la part des autorités françaises et belges.

« Absolument », a répondu M. Decker, qui récupérait l’argent auprès des fournisseurs lorsqu’un cheval « pas bon » (non conforme) était euthanasié ou refusé. Il a notamment reconnu avoir cessé sa collaboration avec un de ses principaux fournisseurs français dès 2014, car ses bêtes lui causaient « trop de problèmes ».

Le réquisitoire du ministère public doit avoir lieu lundi ou mardi, après les plaidoiries des parties civiles. Le procès, entamé le 8 juin, doit se terminer vendredi, après les plaidoiries de la défense.