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Betteraves

Feu vert de l’Assemblée au retour des néonicotinoïdes, les LREM divisés


AFP le 07/10/2020 à 09:21
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Coup de semonce pour la majorité : l'Assemblée nationale a adopté mardi le projet de loi controversé permettant la réintroduction temporaire des néonicotinoïdes pour sauver la filière betterave, mais LREM a enregistré une contestation record dans ses rangs.

Au total, le texte a recueilli 313 voix pour, 158 contre et 56 abstentions. Il doit désormais être examiné au Sénat en première lecture. Chez LREM, 32 députés ont voté contre et 36 se sont abstenus, un record inattendu, tandis que seuls 175 du groupe macroniste dirigé depuis septembre par Christophe Castaner ont voté en faveur de ce texte prévoyant la réintroduction de ces insecticides. Cette contestation est le signe que ce « texte difficile, important », n’a pas pu réconcilier tous les tenants de l’écologie et de l’économie, y compris et surtout chez les « marcheurs », comme l’espérait pourtant Julien Denormandie, le ministre de l’agriculture.

Revoir : Néonicotinoïdes : le projet de loi « n’oppose pas économie et écologie » (Denormandie)
Néonicotinoïdes – Un plan de transition pour la filière betteraves 

« Ma position n’a pas été difficile à tenir dans le groupe. Tout le monde la comprenait », a déclaré à l’AFP Sandrine Le Feur, députée LREM agricultrice de profession. Le précédent record de « fronde » avait été atteint en juillet 2019 sur un sujet également agroécologique, la ratification du traité de libre-échange entre l’UE et le Canada (Ceta) : 9 députés LREM avaient voté contre et 52 s’étaient abstenus. Le groupe majoritaire aujourd’hui « s’affirme, a envie d’exprimer ses convictions », avait observé plus tôt le numéro un du parti LREM Stanislas Guerini, alors que plusieurs votes sensibles arrivent (IVG, bien-être animal…) L’ensemble de la gauche a voté contre le projet de loi sur les néonicotinoïdes, une majorité des LR et MoDem pour, mais la plupart des groupes se sont partagés.

« Il y a des votes qui échappent à la logique partisane car ils participent à des choix éthiques », avait fait valoir l’ex-ministre de l’environnement Delphine Batho (EDS), farouche opposante au retour des néonicotinoïdes. La nocivité de ces substances avait cependant fait consensus, de LFI au RN, lors de l’examen du projet de loi lundi soir. Mais l’élu LREM de la Creuse Jean-Baptiste Moreau a encore fait valoir mardi que le projet de loi était une « réponse pragmatique à la situation catastrophique dans laquelle se trouve la filière de la betterave française ».

En raison de la prolifération d’un puceron vert vecteur de la maladie qui affaiblit les plantes dans de nombreuses régions, les betteraves issues de semences non enrobées d’insecticide sont atteintes de « jaunisse ». La réintroduction de semences enrobées avec des néonicotinoïdes doit permettre de protéger les rendements sucriers. Le hic est que ce type de pesticides a été interdit en 2018. Et voilà le gouvernement obligé de rétro-pédaler, en s’appuyant sur le règlement européen sur les phytosanitaires qui permet de déroger à l’interdiction, potentiellement jusqu’en 2023. « On est bien embêté avec votre texte », avait relevé Thierry Benoit (UDI), qui a voté contre et déplore que « la France n’a(it) pas la maturité d’organiser la transition écologique ».

Lire aussi : [Témoignages] Jaunisse de la betterave – Jusqu’à – 80 % de rendement, les arrachages confirment des pertes historiques

À l’heure où l’exécutif voulait entamer un tournant écologique dans le sillage de la Convention citoyenne pour le climat, il bute sur la sauvegarde d’une filière assurant la « souveraineté » agroalimentaire du pays, avec à la clef 46 000 emplois. Pour Julien Denormandie, il n’y a pas d’« alternative » efficace. Hors de question également de « tuer une filière française pour importer des sucres polonais, allemands ou belges ».

Face à ce « renoncement », gauche et écologistes ont pilonné la majorité, LFI promettant même une plainte devant la Cour de justice de la République « pour mise en danger de la vie d’autrui », selon Mathilde Panot. « On n’aurait jamais dû en arriver là. C’est lié au retard et aux dysfonctionnements dans le suivi de la loi 2016. (…) Je ne peux pas donner un chèque en blanc au gouvernement », a confié le « marcheur » Guillaume Gouffier-Cha, qui s’est abstenu. Les réactions à ce vote ont été aussitôt nombreuses : la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) salue le « courage » et l’« ambition » du gouvernement. Une « décision responsable », également applaudie par le producteur de sucre Cristal Union.  À l’inverse, Greenpeace a fustigé une « régression écologique majeure ». Une « insulte » à « la protection du vivant », s’alarme l’association nationale de l’apiculture française.