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Marchés européens

Faut-il s’inquiéter des importations de grains ukrainiens en Europe ?


TNC le 19/05/2023 à 05:03
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La Commission européenne a promis aux pays de l'est de l'UE d'améliorer le transit des céréales ukrainiennes via les couloirs de la solidarité mis en place au début de la guerre pour pallier les blocages des cargos en Mer noire. (©manassanant, AdobeStock)

En Europe de l’est, l’arrivée de céréales et d’oléagineux sur les marchés locaux a provoqué de grosses difficultés logistiques et a « cassé les marchés ». Côté français, la baisse des prix et la question du respect des normes sanitaires inquiètent.

FranceAgriMer vient de revoir à la hausse son estimation des imports français de maïs grain sur l’ensemble de la campagne de commercialisation 2022/23, à 800 000 t  (contre 489 000 t en 2021/22 et 468 000 t en 2020/21), avec une hausse de la part consacrée à l’utilisation en amidonnerie.

Les importations ont de fait été dynamiques, notamment depuis les pays de l’est de l’Europe. À neuf mois de campagne, les imports de maïs grain de la France avaient dépassé les 613 000 t et presque la moitié était d’origine polonaise, fait très inhabituel. Une grande partie de ce maïs polonais est probablement d’origine ukrainienne, mais dans une proportion « difficile à estimer », précise Adèle Dridi, chargée d’études économiques au sein de l’unité Grains et sucre de l’établissement.

Cumul des importations françaises de maïs grain à neuf mois de campagne de commercialisation. (©FranceAgriMer, d’après les douanes françaises)

Cet afflux de maïs ukrainien en France est-il de nature à déstabiliser notre marché intérieur ? « On est déficitaire en maïs cette campagne, donc on les a pris : là-dessus, il n’y a pas de problème », relativise Benoît Piétrement, agriculteur et président du conseil spécialisé « Grandes cultures » de FranceAgriMer.

Si les capacités logistiques et de stockage des pays limitrophes de l’Ukraine ont été saturées par l’entrée massive de grains ukrainiens depuis le début de la guerre, côté ouest-européen et donc français, la problématique « n’est pas sur la logistique, mais sur les prix », indique Clémence Lenoir, également chargée d’études économiques à FranceAgriMer.

Craintes sur les prix et sur le respect des normes

« Les agriculteurs sont inquiets » des importations de produits agricoles ukrainiens en Europe, confirme Benoît Piétrement : « avec les importations sans droits de douane qui ont cassé les marchés en Europe de l’est », ils craignent qu’encore davantage de grains entrent sur le marché communautaire et précipitent les prix à la baisse.

L’autre inquiétude, c’est le respect des normes sanitaires : « les producteurs se demandent si c’est bien contrôlé, les opérateurs sont rassurants et disent que c’est le cas ».

Retour sur les suspensions d’importation

Rappelons qu’en mai 2022, l’UE avait décidé de suspendre pendant un an tous les droits de douane sur les importations ukrainiennes sur son territoire afin de soutenir l’activité économique du pays face à l’invasion russe. Conséquence : des excédents de produits agricoles ukrainiens dans les pays voisins, d’où des difficultés logistiques et un effondrement des prix locaux.

Estimation des stocks de fin de campagne, en 1 000 t. (©FranceAgriMer, d’après Stratégie grains)

Malgré une première aide de 56 M€ issue de la réserve de crise de la Pac, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie et la Bulgarie ont décidé, mi-avril, d’interdire l’importation de céréales et autres produits agricoles d’Ukraine.

La Commission européenne a alors promis de débloquer une aide de 100 M€ pour les agriculteurs mis en difficulté par les variations de prix. Fin avril, elle a conclu un accord avec ces quatre pays et avec la Roumanie, avec l’approbation de Kiev. Il prévoit la réouverture des frontières en échange de mesures de sauvegarde sur le blé, le maïs, le colza et les graines de tournesol, visant à réduire les goulets d’étranglement dans ces États.

Début mai, la suspension des droits de douane pour les importations ukrainiennes vers l’UE a été prolongée pour un an.