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Crise de l’énergie

Engrais : le risque de pénurie est réel, prévient Yara


TNC le 28/09/2022 à 12:05
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Nicolas Broutin, président de Yara France, et Delphine Guey, directrice de la communication, des affaires publiques et de l'engagement sociétal, le 20 septembre à Paris. (©TNC)

Si les usines françaises de Yara, leader mondial des engrais minéraux azotés, tournent à plein, le risque de pénurie existe, explique le groupe, puisque le marché français importe 60 % de ses besoins, dans un contexte où l’envolée du prix du gaz a contraint un certain nombre d’usines européennes à fermer. Une situation qui rend d’autant plus urgent le soutien des pouvoirs publics pour permettre aux industriels du secteur de réaliser les investissements nécessaires à la décarbonation.

Avec une augmentation des coûts de l’énergie de l’ordre de + 500 % pour l’électricité et + 341 % pour le gaz entre 2021 et 2022, la production d’ammoniac en Europe ne permet plus de fabriquer des engrais de façon compétitive, explique Nicolas Broutin, président de Yara France, qui a tenu le 20 septembre une conférence de presse. Aujourd’hui, le coût de production d’une tonne d’ammoniac est de 2 500 à 3 000 dollars, « alors que cette même tonne vaut 1 300 euros sur le marché international », poursuit-il. Par conséquent, 65 % des productions du groupe norvégien sont à l’arrêt en Europe, « pour une durée indéterminée ».

En France, les usines tournent à plein

L’importation d’ammoniac, principalement depuis Trinidad, l’Amérique du Nord ou l’Australie, permet aux trois usines de Yara de fonctionner en France. Néanmoins, « la France importe 60 % de ses engrais », rappelle Nicolas Broutin. « La pénurie est possible », explique-t-il, car si la production se poursuit en France, elle s’arrête ailleurs, par exemple en Belgique, où l’usine du Tertre va stopper ses activités dans les prochains jours. Or, elle fournit 20 à 25 % des engrais de Yara sur le marché français, Yara représentant au total 45 % du marché français des engrais minéraux. Sans compter que des problèmes logistiques s’ajoutent, avec d’importantes difficultés à trouver des camions pour le transport.

Un appel à soutenir le secteur

Après l’emballement du marché en 2021, suite à une perte de capacité de production liée à la crise sanitaire, et à un marché des céréales bien orienté, la guerre en Ukraine a donc fait repartir les prix à la hausse, « et la perspective reste ferme », ajoute le président de Yara. « Ce qui pourrait le corriger, ce serait de la destruction de demande », explique-t-il, par exemple dans les zones d’élevage où les producteurs, fragilisés par la sécheresse, n’auraient plus les moyens d’acheter de l’azote. Une baisse de la demande qui serait de l’ordre de – 15 %, selon Yara. Or, « c’est de la production alimentaire qui disparait », alerte Nicolas Broutin, qui appelle les pouvoirs publics à soutenir les segments fragilisés de la production agricole, mais aussi l’industrie des engrais sur le long terme. « Construisons le soutien dans le temps à cette filière, il faut à tout prix éviter qu’elle ne s’effondre dans les mois à venir », prévient-il.

Soutenir l’industrie pour accélérer la décarbonation

Car l’augmentation des importations a des conséquences sur l’empreinte carbone et la souveraineté alimentaire. C’est en effet l’urée qui représente les trois quarts des engrais importés, or son efficacité agronomique est inférieure à celle de l’ammonitrate, et la production de ces engrais importés est moins vertueuse qu’en France.

« Nos activités sont considérées comme problématiques mais nous, nous disons qu’il y a énormément de solutions, dont une partie est déjà mise en place, pour la décarbonation, depuis 20 ans. L’industrie peut aller plus loin, si elle peut continuer à investir », insiste le président de Yara France.

Une décarbonation qui s’accélère

La crise énergétique renforce d’ailleurs ce besoin d’accélérer les alternatives. Yara met en place plusieurs solutions pour produire 100 % d’engrais décarbonés d’ici 2030. Sur le site de Montoir-en-Bretagne (Loire-Atlantique), les émissions ont été réduites de presque 100 % grâce à des technologies de nettoyage catalytique permettant d’éviter l’émission de protoxyde d’azote.

La production d’hydrogène vert, à partir de l’électrolyse de l’eau et via l’utilisation d’énergies renouvelables, devrait également se massifier, d’autant plus que les prix actuels de l’énergie ont considérablement réduit le différentiel de compétitivité de cette technologie. Le déploiement est prévu en Norvège dès 2023.

Cependant, ces nouvelles techniques doivent aller de pair avec une réduction des usages. « On doit économiser », être plus efficace, estime Nicolas Broutin, pour qui les outils de précision doivent se généraliser. Aujourd’hui, « 85 % des blés font l’objet d’une fertilisation sans ce pilotage qui permet de vérifier en permanence que les nutriments apportés correspondent bien aux besoins de la plante », regrette-t-il. Yara propose ainsi plusieurs solutions pour améliorer l’efficacité de l’utilisation des nutriments au regard de la rentabilité économique mais aussi de l’empreinte carbone (AtFarm, Yara N-Tester, Yara N-Sensor, notamment).