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Droit rural

Droit de préemption du fermier : comment s’exerce-t-il, peut-il être contesté ?


TNC le 31/10/2022 à 05:02
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Le fermier est prioritaire si son propriétaire décide de vendre. (©Pixabay)

Dans le cas d’une vente d’un bien immobilier agricole, le droit de préemption donne priorité au bailleur sur l’acquéreur choisi par le propriétaire. A quelles conditions s’applique-t-il ? Comment l’exercer, ou le contester ?

Le droit de préemption permet au fermier d’acheter par priorité, avant l’acquéreur choisi par le propriétaire, rappellent Me Marie Soyer et Me Henri Vercasson, respectivement avocat associé et avocat au cabinet Drouot Avocats.

Ce droit de préemption ne s’applique que pour les ventes portant sur des biens immobiliers agricoles et non, par exemple, lors d’une cession de parts sociales. Pour l’exercer, il faut être agriculteur depuis au moins trois ans, exploiter le bien loué, ne pas être propriétaire d’une certaine surface (fixée par région), et s’engager à exploiter le bien préempté pendant au moins neuf ans. « La préemption est destinée à acquérir un outil de travail, et non à spéculer », rappelle Me Henri Vercasson. Le fermier peut exercer ce droit pour son compte ou pour un membre de sa famille.

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Comment l’exercer ?

Lorsque le propriétaire a trouvé un acquéreur, il doit se rendre chez le notaire instrumentaire (chargé d’instrumenter la vente) qui va adresser au fermier en place une lettre recommandée annonçant l’objet de la vente, son prix, les charges et les conditions, explique Me Marie Soyer. Le fermier dispose ensuite de deux mois pour se prononcer, l’absence de réponse dans ce délai étant considérée comme une renonciation à son droit de préemption. Il faut auparavant vérifier si la notification est conforme et si elle ouvre bien droit à la préemption du fermier.

La question épineuse du prix

Autre particularité, « le droit de préemption n’est pas un droit de préférence », rappelle Me Vercasson. « Là où le droit de préférence va s’exercer aux conditions et charges fixées, le droit de préemption peut s’exercer avec révision de prix », explique-t-il.

« C’est là où on a la majorité des ventes qui se transforment en véritable chemin de croix pour le propriétaire », détaille Me Soyer. Le fermier peut juger le prix trop élevé, et doit alors saisir le tribunal paritaire des baux ruraux pour obtenir sa réduction.

Pour le propriétaire, quelles sont les options ?

« Le propriétaire a souvent tendance à voir le droit de préemption comme une atteinte à son droit de propriété, et il va contester la préemption du fermier surtout lorsqu’elle est exercée avec révision de prix à la baisse », poursuit Me Soyer.

Il faut avant tout vérifier si la préemption est conforme et si non, le propriétaire a donc l’opportunité de la contester. Si elle est conforme, il faut se résigner à l’expertise judiciaire, accompagné par un avocat, car au final c’est l’expert judiciaire qui sera nommé par le tribunal paritaire des baux ruraux qui remettra un rapport au tribunal, afin de fixer définitivement la valeur vénale du bien, expliquent les avocats.

Une fois ce prix fixé, s’il convient aux deux parties, la vente peut se former. Si le propriétaire n’est pas satisfait, il n’a qu’une solution, renoncer à son projet de vente, et si c’est le fermier qui juge trop élevé le prix fixé par le tribunal, il renonce à son droit de préemption, et la vente initialement projetée entre un propriétaire et son acquéreur peut alors se dérouler. A noter que celui qui renonce car il ne se satisfait pas du prix fixé par le tribunal garde à sa charge les frais d’expertise.

Que se passe-t-il en cas de non-respect du droit de préemption ?

Si une vente est passée sans informer un fermier bénéficiant d’un droit de préemption, celui-ci aura la possibilité de poursuivre la nullité de la vente, de demander en plus des dommages et intérêts, et dans certaines hypothèses demander sa substitution à l’acquéreur choisi par le propriétaire. Le fermier a 6 mois pour agir dès lors qu’il a connaissance de la date de la vente passée en méconnaissance du droit de préemption, précise Me Soyer.