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Grève du 5 décembre et retraites

Des syndicats agricoles divisés sur une réforme qui oublie les actuels retraités


TNC le 04/12/2019 à 18:55
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Le Gouvernement avait bloqué la proposition de loi de revalorisation des retraites agricoles en mars 2018, promettant qu'elle serait négociée dans le cadre plus large de la réforme des retraites. (©TNC)

À l’inverse de la Confédération paysanne et du Modef, la FNSEA et la Coordination rurale n’ont pas appelé à rejoindre le mouvement de grève et de manifestations, jeudi 5 décembre, pour dénoncer le projet de réforme des retraites. Unanimes sur l’urgence de revaloriser les retraites des agriculteurs, les premiers considèrent qu’un système unique « à points » va précariser davantage les retraités agricoles, les seconds estiment que la réforme engagée doit être finalisée le plus rapidement possible pour procéder aux revalorisations si longtemps réclamées. Quoi qu’il en soit, le projet de réforme exclut les actuels retraités, de même que tous ceux qui partiront en retraite avant 2025.

Plusieurs syndicats dans de nombreuses professions se mobilisent pour une grève générale et des manifestations jeudi 5 décembre pour s’opposer, entre autres, à la réforme des retraites engagée par le Gouvernement. Au regard de la faiblesse du niveau des retraites dans le secteur agricole, tous les syndicats agricoles partagent une même revendication : il y a urgence à revaloriser les retraites des agriculteurs.

La revendication date au moins de 2012, année durant laquelle François Hollande, fraîchement arrivé à l’Elysée, avait promis aux agriculteurs une retraite à 85 % du Smic. Sept ans – et sept gouvernements – plus tard, la promesse n’est toujours pas tenue, faute de trouver la bonne équation pour financer la mesure. « Les pensions (des retraités agricoles, ndlr) sont parmi les plus faibles en France : 760 € par mois lorsque la retraite moyenne des Français atteint 1 380 € par mois », a pourtant rappelé Christiane Lambert, à l’issue de sa rencontre avec Édouard Philippe mardi 3 décembre.

À lire : Suites des mobilisation FNSEA-JA – Le Premier ministre rassure les syndicats

Pourtant unis par la même revendication, les syndicats agricoles se sont positionnés de manière radicalement différente à l’égard du mouvement de contestation ce 5 décembre.

La Conf’ et le Modef contre, la FNSEA, JA et la CR pour

D’un côté, le Modef et la Confédération paysanne ont appelé leurs adhérents à rejoindre le mouvement social. Dès le 19 novembre, le Modef avait indiqué dans un communiqué qu’il se joignait à l’appel à manifester. « La volatilité du montant de la pension dans une retraite à point est un danger pour l’avenir de nos campagnes », indiquait le syndicat, revendiquant « une retraite minimum de 1 200 € pour une carrière complète ».

La Confédération paysanne a annoncé le 2 décembre qu’elle « participe à la convergence du mouvement social. « Le système des retraites agricoles est à bout de souffle. C’est pourquoi nous revendiquons dès aujourd’hui une revalorisation des pensions les plus basses », argumente le syndicat qui entend défendre « un système de retraite par répartition solidaire et équitable, où chacun cotise selon ses moyens et perçoit selon ses besoins ».

À l’inverse, la FNSEA et Jeunes agriculteurs ne seront pas mobilisés ce 5 décembre, car « cette réforme ne peut apporter que du mieux pour les retraites agricoles », a indiqué Christiane Lambert.

Quant à la Coordination rurale, qui tient son congrès annuel à Compiègne jeudi 5 décembre, elle ne s’oppose pas en soi à la réforme envisagée par le Gouvernement, mais indique attendre « plus de concret » pour le secteur agricole.

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Ce que prévoit le projet de réforme pour les retraites agricoles

Que prévoit donc le projet de réforme pour le secteur agricole ? Dans un fascicule remis aux représentants agricoles lors d’un réunion « multilatérale exploitants agricoles » qui s’est tenue le 28 novembre dernier, le Gouvernement rappelle que le projet de système unique de « retraite par points pour tous les Français » « entrera en vigueur en 2025 au plus tôt ».

La promesse d’un minimum de pension porté à 85 % du Smic pour une carrière complète et une indexation du montant de la pension minimale sur le Smic » figure bien parmi les grands principes de la réforme, mais il s’appliquera aux personnes nées en 1963 ou les années suivantes. Et le document enfonce le clou : « Ce sont donc bien les règles du système actuel qui s’appliqueront pour toutes les années travaillées jusqu’à 2025. «

Plus clairement dit : la réforme des retraites actuellement sur la table ne prévoit pas de revalorisation des pensions ni des actuels retraités, ni de ceux qui partiront en retraite avant 2025. Elle ne répondra donc pas à une bonne partie de la revendication syndicale, pour une revalorisation des actuelles pensions versées.

C’est pourtant bien la promesse que le Gouvernement avait faite en mars 2018. Une proposition de loi visant à revaloriser les retraites agricoles dès 2018 ou 2019, votée une première fois à l’unanimité à l’Assemblée nationale un an auparavant, soit juste avant l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée, devait être votée au Sénat. Le Gouvernement avait alors déposé, quelques heures seulement avant le débat et le vote du texte, un amendement assorti d’une « procédure du vote bloqué », en promettant que la revalorisation serait intégrée à la réforme des retraites courant 2020.

En savoir plus : Retraites agricoles – Comment le Gouvernement a torpillé la proposition de loi de revalorisation

En attendant, dans le cadre de la concertation, la MSA a attiré l’attention du Gouvernement sur la « forte demande des retraités agricoles d’une revalorisation dès 2020 des retraites des non-salariés agricoles, sans attendre la mesure de portage à 85 % du smic annoncé dans le cadre de la réforme des retraites ». Une alerte unanimement reprise par tous les syndicats depuis plusieurs années. En vain.