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Réforme de la Pac et agriculture bio

Des producteurs biologiques dépités par le scénario sur la table


AFP le 20/05/2021 à 11:52
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La France saisira-t-elle l'occasion de la prochaine politique agricole commune (Pac) pour soutenir davantage l'agriculture bio ? Elle n'en prend pas le chemin, s'inquiètent les partisans de ce mode de production, quand le ministre Julien Denormandie défend les efforts du gouvernement en la matière.

Depuis sa ferme céréalière de l’Essonne, au sud de Paris, Abel Pithois a fait ses calculs. À compter de 2023 – date d’entrée en vigueur de la nouvelle Pac – les aides européennes dont il bénéficie seraient quasiment par divisées par deux, selon un scénario prêté au ministère de l’agriculture par la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab). « Cela fait presque 30 000 euros en moins par an, c’est énorme. Je voulais embaucher quelqu’un à plein temps, ce n’est plus du tout envisageable », déclare à l’AFP le céréalier, dont les 156 hectares sont en bio depuis 2014.

Sans aides spécifiques pour les producteurs bio, dont les rendements sont inférieurs à ceux de l’agriculture conventionnelle, « il y en a plein qui vont retourner en conventionnel », pense-t-il. « Moi-même, je commence à me poser des questions, alors que j’ai l’impression que ça a du sens ce que je fais. » Julien Denormandie doit très prochainement présenter ses arbitrages sur le plan stratégique national (PSN) de la France, déclinaison de la future Pac qui s’appliquera jusqu’en 2027.

« Il faut que le ministre reconsidère les premières propositions sur la table, qui sont inacceptables et inéquitables » et « ne règlent en rien la question de la transition agricole vers des modes de production plus respectueux de l’environnement », déclare à l’AFP Guillaume Riou, président de la Fnab.

Un éco-régime, moins élevé que le paiement vert

L’une des principales nouveautés de la prochaine Pac réside dans l’instauration d’un « éco-régime »: il est prévu de conditionner le versement de plus ou moins un quart des aides directes à des pratiques vertueuses sur le plan environnemental. Cet éco-régime remplacera le « paiement vert » qui était accordé de facto à une très large partie des agriculteurs sans contrepartie. Julien Denormandie compte proposer une aide de 70 euros par hectare et par an, selon la Fnab. Pour la fédération, les agriculteurs bio seront perdants parce que le paiement vert était un peu plus élevé et parce que les aides au maintien en bio encore financées par la Pac vont disparaître. Elle juge en outre que l’accès à l’éco-régime n’est pas assez sélectif.

Soucieux d’apaiser les craintes de certains exploitants appartenant notamment au syndicat agricole majoritaire FNSEA, Julien Denormandie promet en effet un éco-régime « inclusif », accessible à au moins 70 % des agriculteurs français.

66 % d’aides en moins, estime la Fnab

Au bout du compte, la Fnab estime que les agriculteurs bio auront « 66 % d’aides environnementales en moins » par rapport à 2019. « La réalité, c’est que dans le document [sur la future Pac] qu’on a présenté à chacun, on passe de 250 millions d’euros à 340 millions d’euros sur le bio », rétorque Julien Denormandie auprès de l’AFP. « Effet d’optique », insiste la Fnab, qui invite à regarder les aides reçues par les professionnels pour chaque hectare cultivé en bio, plutôt que l’enveloppe globale gonflée par les aides à la conversion, seulement touchées par ceux qui se lancent dans le bio.

Mercredi, le ministre a assumé qu’il préférait miser sur l’installation de nouveaux exploitants bio plutôt que de soutenir ceux qui sont déjà convertis, pour développer une production qui croît moins vite que le marché. La France importe un tiers des produits bio qu’elle consomme. « Moi je préfère installer plus de personnes », a résumé Julien Denormandie au cours de cette table ronde avec des députés.

La France importe un tiers des produits bio qu’elle consomme.

Fin 2019, le pourcentage de surfaces cultivées en bio se montait à 8,5%. Le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie a reconnu récemment que l’objectif de 15 % des surfaces agricoles cultivées en bio en France au terme du mandat du président Emmanuel Macron en 2022 ne serait pas atteint. « Je pense qu’on va finir à 12,5 ou 13 % », dit-il à l’AFP.

A ceux qui trouvent que le gouvernement n’en fait pas assez en matière de bio, le ministre répond que celui-ci a actionné d’autres leviers pour soutenir l’agriculture biologique (crédit d’impôt, augmentation du fonds avenir bio via le plan de relance).