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Témoignages

Cultures d’industrie sur sols vivants : produire autrement et le valoriser


TNC le 21/02/2022 à 08:05
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Les 65 agriculteurs engagés sont répartis en quatre groupes différents pour faciliter les réunions et les échanges : Normandie, Marne-Aube-Beauce, Oise-Aisne-Ardennes et Nord-Pas-de-Calais-Somme. (©Pour une agriculture du vivant)

Lancé en 2020, le projet "Cultures d'industrie sur sols vivants" regroupe aujourd'hui 65 agriculteurs et 18 partenaires. Selon l'association Pour une agriculture du vivant, l'objectif est de « développer les pratiques agro-écologiques en cultures d'industrie, ici pommes de terre et betteraves sucrières. On cherche comment produire autrement et quand on y arrive, comment ensuite valoriser ces productions au sein d'une filière ? ». Retrouvez plus de détails avec les témoignages de différents acteurs de la filière.

« Les cultures de betteraves sucrières et de pommes de terre sont emblématiques des enjeux de filières, économiques, techniques et environnementaux posés par les cultures d’industrie. D’un côté, des surfaces et des volumes importants associés à des exigences qualité strictes […]. De l’autre, un mode de production qui incarne des défis agronomiques et environnementaux : sols nus, travail du sol excessif, mécanisation importante, fréquence de recours aux produits phytosanitaires ; mais peu de références partagées sur les pratiques agro-écologiques alternatives », selon l’association Pour une agriculture du vivant (PADV). 

C’est à partir de ce constat que PADV décide de lancer, en mars 2020, le projet « Cultures d’industrie sur sols vivants » (CISV), subventionné par FranceAgriMer. Outre l’accompagnement technique des producteurs, l’idée est aussi de « construire les conditions pour pérenniser des filières agro-écologiques en y associant l’ensemble des parties prenantes : c’est un projet à la fois de terrain et de filière », précise Agathe de Saint Victor, chargé de mission cultures d’industrie chez PADV. 

« Se comparer et voir les axes à améliorer »

Devant se terminer en août 2023, l’association dresse un premier bilan du projet, « qui rassemble aujourd’hui 18 partenaires et 65 agriculteurs du nord de la France engagés, suivi par deux chambres d’agriculture et deux structures de conseil », indique Nina Bigaud, responsable coopération & filières pour PADV. Parmi les producteurs engagés depuis le début du projet, Nicolas Vadez, installé depuis 2005 dans la Marne, cultive betteraves sucrières et pommes de terre, mais aussi carottes, luzerne, maïs grain, blé tendre, orge de printemps, orge d’hiver, pois d’hiver et ray-grass. 

L’agriculteur est notamment passé en semis direct derrière paille depuis trois ans. En lien avec le projet CISV et Cristal Union, il teste aussi depuis 2021 l’implantation de la betterave en strip-till. « Les essais ont été peu concluants l’an passé avec les dégâts de gel, mais de nouveaux sont prévus cette campagne. En pommes de terre, le non-travail du sol reste plus compliqué… De plus, nos sols de craie se travaillent très facilement, il y a besoin de minéraliser pour réchauffer la terre », explique l’agriculteur. Pour lui, le groupe permet alors de « se comparer et voir les axes à améliorer. Chacun partage ses expériences : les réussites comme les échecs ». Pour favoriser ces échanges, des tours de plaine collectifs et des ateliers de co-construction sont notamment organisés. 

« Améliorer la vie du sol »

Nicolas Vadez souligne aussi « être dans une démarche plus vaste : je trouvais, par exemple, aberrant de mettre 3 l/ha d’Amistar sur pommes de terre pour stériliser mes sols et à côté, d’apporter des mycorhizes pour améliorer la vie du sol. L’idée est de rééquilibrer tout mon système, mais cela prend du temps ». L’agriculteur travaille à la réduction de son IFT via le recours au désherbage mécanique ou via des essais de cultures associées. Le dernier en date : « pommes de terre et pois dans la butte. Ces derniers qui attirent aussi les pucerons émergent généralement 15 jours avant les pommes de terre. Cela permet une présence plus importante des auxiliaires, au moment de l’émergence des pommes de terre ».  Depuis 15 ans, l’agriculteur mise également sur les couverts multiples. « Objectif : 100 % de couverture du sol, même pour des intercultures courtes entre pois et blé et s’il y a au moins 6-8 semaines entre ray-grass et carottes… » 

Outre l’animation technique de groupe, les agriculteurs peuvent « bénéficier, dans le cadre du projet CISV, d’un suivi individuel. Il démarre par le calcul de l’indice de régénération, quipermet d’établir un premier diagnostic et de construire le plan de progrès en fonction », précise Nina Bigaud. Pour Nicolas Vadez, « c’est un outil cohérent. Et le système n’est pas cloisonné, on peut entrer dans la démarche en choisissant les axes sur lesquels on veut travailler plus précisément, selon le contexte de l’exploitation par exemple ». L’autre objectif de cet outil est de « créer un langage commun pour tous les acteurs de la filière », selon PADV.

« Pour faire avancer les pratiques agricoles, il faut un coup de main de toute la filière »

Un appui nécessaire pour répondre au deuxième gros enjeu du projet : « construire un modèle économique des filières agro-écologiques ». « Pour faire avancer les pratiques agricoles, il faut un coup de main de toute la filière », ajoute Nicolas Vadez. Et ça, tous les partenaires du projet en sont convaincus ! Parmi eux : le distributeur BtoB TerreAzur (groupe Pomona) en fruits et légumes notamment, qui « privilégie les fournisseurs engagés dans des démarches d’agriculture durable […]. L’idée n’est pas d’être simplement passif, mais bien de prendre part à cette transition avec les agriculteurs, dans une logique de coopération », explique Jérôme Fanet, directeur des achats produits de la mer et fruits et légumes.

Même constat pour Monin, spécialisé dans les sirops et saveurs pour cocktails et boissons chaudes pour le sucre. « Notre groupe travaille déjà dans des démarches agro-écologiques pour les agrumes . Parmi nos 150 matières premières, le sucre est la principale », souligne Christophe Bernard-Bacot, directeur développement du groupe. Le groupe vise alors « 20 % d’approvisionnement en sucre à partir de « betteraves sucrières cultivées sur sols vivants » dès 2023 ». De son côté, TerreAzur commence aussi à commercialiser des pommes de terre sous une de leurs marques pour les restaurateurs notamment : « il va falloir faire preuve de pédagogie auprès de nos clients, avec des pommes de terre un peu moins belles visuellement. Des tests gustatifs et nutritionnels sont aussi en cours », ajoute Jérôme Fanet.

Si « une partie des réflexions a déjà été engagée au niveau économique, il reste encore du travail, confie Nina Bigaud. Tous les partenaires du projet se sont accordés sur le fait que le prix d’achat « des pommes de terre et des betteraves cultivées sur sols vivants » doit couvrir le coût de revient ainsi que le surcoût de la phase de transition (prise de risque, investissements matériels, etc. Reste à voir dans le détail comment ? » Les équipes étudient toutes les possibilités « via les aides publiques, la rémunération carbone… On pense aussi aux paiements pour services environnementaux ou intégrer d’autres acheteurs concernés par d’autres cultures de la rotations ». Nous ne manquerons pas de vous partager l’évolution de ce projet.

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