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Rencontre avec le groupe Avril

Avril, un modèle « résilient », « permettant d’accroître les débouchés »


TNC le 04/11/2022 à 05:02
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Arnaud Rousseau, président du groupe Avril (©TNC)

Créé il y a près de 40 ans par le monde agricole pour assurer des débouchés à la filière des huiles et protéines végétales, Avril est aujourd’hui un groupe international, présent dans les domaines de l’alimentation humaine, l’alimentation animale, l'énergie et la chimie renouvelable. Une taille et une diversité d’activités qui n’empêchent pas le groupe de rester au service des agriculteurs, rappellent son président Arnaud Rousseau, et son directeur général, Jean-Philippe Puig, rencontrés le 26 octobre.

Construit par la filière oléo-protéagineux française, le groupe Avril est désormais un acteur de poids dans un certain nombre de secteurs, au niveau national comme sur le marché international. Son développement aujourd’hui se concentre autour de quatre axes, explique Jean-Philippe Puig, directeur général du groupe : les spécialités, c’est-à-dire les produits à forte valeur ajoutée ; les produits B to C qui sont les produits de grande consommation (Lesieur, Puget, cosmétiques, protéines…) ; l’énergie renouvelable notamment avec Oléo 100, destiné au flottes captives ; et les produits de biens et de services pour l’agriculture (fertilisation, nutrition animale…).

Un groupe au service des agriculteurs

La taille du groupe et la diversité de ses activités font parfois l’objet de critiques, notamment celle d’alimenter « l’agrobusiness ». Une critique injustifiée pour Arnaud Rousseau, président d’Avril depuis 2017 et agriculteur en Seine-et-Marne.  

« Trop longtemps, on a tardé à expliquer le modèle d’Avril, qui est un atout pour la Ferme France par sa solidité et sa capacité à créer de la valeur permettant d’accroitre les débouchés. La structuration d’une filière française permet aux producteurs de mieux valoriser leurs graines que le marché mondial. Ce qui a facilité le développement des cultures de colza et de tournesol dans notre pays. », explique-t-il.  

« On est vraiment dans un modèle particulier, il n’y a pas de rémunération du capital. Les bénéfices ne servent pas à verser des dividendes aux actionnaires mais à investir dans la Ferme France. On veut faire croitre l’entreprise et assurer aux producteurs des débouchés grâce à la valorisation des graines françaises », poursuit-il. Ainsi, lorsqu’il y a quelques années, l’huile de palme est venue concurrencer le groupe sur le marché des agrocarburants, Avril a perdu de l’argent en 2017, 2018 et 2019. « Si nous avions été une entreprise classique, on aurait fermé des usines. Notre gouvernance agricole nous oblige et nous engage avec une vision de long terme. Nous sommes là pour servir la terre et, dans les périodes difficiles, on accepte de faire le dos rond, pour continuer à avoir de l’industrie et de la création de valeur sur le territoire. Ce qui ne serait pas le cas dans le cadre d’un capitalisme débridé ou de l’agrobusiness », insiste Arnaud Rousseau.

L’exemple d’Oléoze

Quant à faire gagner de l’argent aux agriculteurs, le président du groupe prend l’exemple d’Oléoze, qui permet de rémunérer les pratiques moins émettrices de gaz à effet de serre (GES). « Quand mon colza valait 450 €/t, j’ai touché 49 €/t supplémentaires », témoigne Arnaud Rousseau. S’il est assez motivant d’expliquer à un agriculteur qu’en modifiant ses pratiques, il peut toucher 10 % de plus sur sa production, il est plus difficile d’expliquer les variations de cette prime, dépendante de la demande des pays d’Europe du Nord en certificat bas GES. Avant de préciser qu’une « année comme cette année, avec de très bons rendements en colza, on s’attend à des primes conséquentes ; pour ceux qui acceptent la démarche d’engagement, il y a vraiment un plus. »

Le monde agricole sur les transitions

Le marché du carbone constitue un bon exemple de solution gagnant-gagnant pour accélérer la transition à l’œuvre dans le monde agricole. C’est le sens des bilans carbone réalisés sur les exploitations, même s’ils sont « un peu déceptifs puisque pour ceux qui sont les plus intéressés et qui sont aussi ceux sont déjà en avance sur le sujet, les leviers sont petits », explique Arnaud Rousseau. « Le monde agricole est déjà très engagé » sur la question de la transition estime-t-il, mais il a besoin de davantage d’indicateurs et de leviers pour continuer d’avancer. Et l’écologie politique a démotivé beaucoup de bonnes intentions en agriculture, souligne-t-il.

Une démotivation d’autant plus dommageable que le changement climatique constitue l’un des grands défis du monde agricole, à mener en parallèle d’autres chantiers tout aussi importants, explique Arnaud Rousseau, qui est également le premier vice-président de la FNSEA.

Car si la guerre en Ukraine a remis la souveraineté alimentaire au centre des préoccupations, « on a désarmé sur beaucoup de sujets », souligne-t-il, citant notamment la dépendance aux engrais azotés. La compétitivité reste donc plus que jamais un enjeu sur lequel « il y a un manque de prise de conscience », juge-t-il, alors qu’avancer sur ces sujets sera nécessaire pour assurer le renouvellement des générations.