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Bien recruter vos salariés (1/2)

Analyser ses besoins de main-d’œuvre et savoir déléguer


TNC le 24/02/2022 à 05:47
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 Déléguer, c'est « savoir donner des tâches, donc communiquer et transmettre clairement les consignes » mais aussi « laisser des responsabilités, entretenir la motivation, donner des objectifs et contrôler que ceux-ci sont atteints », explique Marine Duquesne du groupement d'employeurs GEIQ-3A. (©Antoine, Fotolia)

« Devenir employeur, ça ne s'improvise pas ! », insiste Pierre Rondia, qui pilote le projet Interreg Cowform consacré à l'emploi et la formation en élevage bovin, en ouverture d'un webinaire consacré au recrutement des salariés. Pour réussir celui-ci, il faut en effet bien le préparer, c'est-à-dire quantifier et qualifier ses besoins en amont. Puis, réfléchir à quelles missions et tâches déléguer et comment.

« Afin de bien cibler le recrutement et trouver le salarié qui correspond le mieux à ce qu’on cherche, il faut identifier ses attentes pour les formuler au mieux  », détaille Pierre Rondia du centre wallon de recherche agronomique et chef de file du projet Interreg Cowform (présenté en fin d’article). 

Analyser les besoins de main-d’œuvre

→ Cela revient à répondre à la question : « pourquoi embaucher un salarié agricole ? »

« C’est en effet une solution parmi d’autres, assez peu envisagée par les exploitants, pour faire face à une surcharge de travail en élevage. On peut aussi réduire l’activité, arrêter une production, mécaniser davantage, faire appel à une Cuma, etc. », rappelle Marine Duquesne, chargée du développement RH et donc de la formation au GEIQ-3A, réseau de groupements d’employeurs agricoles et agroalimentaires français (mise à disposition, auprès des agriculteurs adhérents, de salariés agricoles et formation à la fonction managériale). 

  • Les motivations

Deux motivations principales peuvent inciter un éleveur à choisir le salariat : garder la maîtrise des orientations de la ferme et aimer diriger d’autres personnes.

  • Les avantages

Plusieurs avantages sont à signaler : « Le chef d’exploitation n’est pas seul sur l’élevage. Il peut se faire remplacer en cas de besoin et se libérer du temps, en particulier en productions animales, en s’appuyant sur quelqu’un qui connaît bien la structure, précise Marine Duquesne. Mais il reste le décideur : le salarié n’est pas son associé, il est placé sous sa hiérarchie avec un lien de subordination à respecter. » « La traite et l’alimentation des animaux notamment, c’est beaucoup de travail 365 jours sur 365, enchaîne-t-elle. Confier ces tâches un week-end sur deux à quelqu’un qui les assure en autonomie apporte un vrai confort. »

  • Les inconvénients

Certains inconvénients existent malgré tout : le risque de rupture de contrat et le turn-over parfois important, la moindre implication d’un salarié par rapport à un associé, la législation du travail à laquelle l’agriculteur employeur doit se conformer, en termes d’amplitude horaire, de locaux, de consignes de sécurité, d’affichage entre autres. « Même en CDI, un salarié peut avoir envie de partir du jour au lendemain », appuie la spécialiste des ressources humaines. 

→ Détailler ce qu’on attend, qualitativement, du recrutement.

  • Lister les activités à effectuer.
  • Spécifier les compétences requises en face de chacune d’elles.

Marine Duquesne donne un exemple : « Si je recherche un mécanicien, est-ce pour réaliser l’entretien de base des machines comme les vidanges, le graissage, le lavage ? Ou pour lui demander de toucher à l’hydraulique, l’électricité, l’électronique embarquée ? »

→ Se référer aux textes réglementaires de la profession et des qualifications.

« À la convention collective notamment, pour connaître les taux de rémunération, les coefficients, etc. », cite l’experte. 

→ Réactualiser régulièrement la description des postes.

« L’exploitation évolue. Le matériel, par exemple, change. Contrairement aux anciens, les nouveaux tracteurs peuvent être équipés de GPS et RTK, ce qui nécessite des connaissances en informatique ou tout simplement pour manipuler ces outils. »

→ Quantifier le temps de travail (embauche à temps plein ou partiel).

Ceci pour savoir entre autres si « les besoins seront permanents ou saisonniers ».

→ Clarifier ses objectifs pour chercher le profil adapté.

« Si l’éleveur souhaite dégager du temps, il affectera plutôt le salarié à une tâche précise, telle que la traite : alors, ce dernier devra être spécialisé. Pour un remplacement, parce qu’on a des responsabilités à l’extérieur de la ferme, mieux vaut que le salarié soit polyvalent, afin de prendre en charge l’ensemble des travaux, et autonome pour prendre le relais seul. »

→ Exemple de questions et tableau sur lesquels s’appuyer :

(©Cowform, GEIQ-3A)

Avant d’opter pour un ou plusieurs leviers cités dans l’illustration ci-dessus, « il convient d’analyser le fonctionnement global de l’exploitation », préconise Marine Duquesne. 

Réfléchir à la délégation des tâches

C’est quoi déléguer ? Comment délègue-t-on ? 

  • D’après la définition

« Déléguer revient à transférer un objectif de son périmètre d’activité à une autre personne. » Il y a à la fois « transfert de la charge de travail et de la responsabilité de la réalisation de la tâche ». 

Autrement dit, « c’est faire faire le travail par d’autres en leur accordant suffisamment de pouvoir pour ne pas être obligé de gérer des détails », résume Marine Duquesne. Il faut donc « savoir donner des tâches, donc communiquer et transmettre des consignes ». Mais également « manager, autrement dit fournir les moyens d’exercer la mission, ce qui implique de laisser des responsabilités, entretenir la motivation, fixer des objectifs et contrôler que ceux-ci sont atteints, ou du moins que les travaux progressent. Cela revient à préciser le cadre, le salarié choisissant les méthodes appliquées. » 

Pour mieux les atteindre, les objectifs doivent être concrets et déterminés précisément. Et pour cela, on peut s’aider de la méthode Smart : 

(©Cowform, GEIQ-3A)

«  L’employeur est responsable du résultat de cette délégation et de son impact sur son périmètre d’activité. Pour que le réalisé soit conforme aux attentes, il ne doit pas seulement distribuer des choses à faire et dire de se débrouiller. Il doit accompagner le salarié via des conseils, des points réguliers, des ajustements d’objectifs, des moyens supplémentaires, en l’aidant à trouver des solutions pour résoudre ses difficultés éventuelles et en lui donnant des signes de reconnaissance. On appelle cela la formation par l’action. »

  • Deux types de délégation
(©Cowform, GEIQ-3A)
  • Évaluer le niveau de délégation selon :

– 4 profils de salariés 

(©Cowform, GEIQ-3A)

Précisons, pour le profil « débutant », que l’employeur doit « consacrer du temps à former le salarié », mais qu’il pourra le faire en fonction de « son exploitation et de ses façons de faire ». « L’exécutant » est souvent cantonné aux travaux de base et ne prend pas de responsabilité. Quant au « responsable », « il organise son travail en fonction des priorités ».

« C’est important de savoir quel type de salarié on va rechercher en lien avec le niveau d’autonomie qu’on veut lui laisser », insiste la chargée des ressources humaines. « Est-ce qu’il effectuera des tâches de base ou à plus d’impact et de responsabilité ? », interroge-t-elle. Sachant que ces profils ne sont pas figés mais peuvent évoluer avec un accompagnement adapté.

– 4 profils d’agriculteurs employeurs  

(©Cowform, GEIQ-3A)
  • Se poser les bonnes questions
(©Cowform, GEIQ-3A)

« On ne délègue pas sans avoir eu l’accord de son salarié, met en garde Marine Duquesne. Il faut le motiver et qu’il se sente prêt à, capable de. Le processus d’accompagnement et de suivi doit être aussi discuté avec lui. Et s’il a besoin d’acquérir de nouvelles compétences, il faudra lui réserver du temps pour le former soi-même, ou sinon le faire faire par un autre membre de l’équipe et/ou en externe. Le but est qu’il progresse mais il faut avoir conscience qu’il peut commettre des erreurs. Lesquelles seront acceptables et lesquelles ne le seront pas ? L’employeur doit être clair là-dessus. »

  • 5 étapes pour bien déléguer
(©Cowform, GEIQ-3A)
  • En résumé, déléguer c’est :
(©Cowform, GEIQ-3A)
  • Les avantages d’une bonne délégation
(©Cowform, GEIQ-3A)

« La bonne délégation des tâches fait aussi progresser l’entreprise, fait remarquer l’experte. Elle permet, en outre, d’augmenter l’autonomie des salariés et la confiance qu’on leur porte. »

  • Les freins à une bonne délégation
(©Cowform, GEIQ-3A)

Ultime conseil de Marine Duquesne, après avoir précisé que toutes ses recommandations sont bien sûr à adapter et négocier en fonction de la personne que l’on embauche  : « Pour déléguer, prenez de la hauteur et apprenez à lâcher prise ! Il ne s’agit pas d’être sur le dos de votre salarié 24 h sur 24… »

Source : 1er volet, intitulé « Devenir employeur, ça ne s’improvise pas ! Définir ses besoins pour rédiger une fiche de poste », d’une série de trois webinaires sur le management en élevage.

Ces derniers s’inscrivent dans le projet Cowform, européen et initié le 1er janvier 2020 pour deux ans. Lequel fait partie du programme transfrontalier Interreg 5, issu d’un partenariat franco-belge sur la cohésion sociale, la santé, la formation et l’emploi en élevage. Objectifs : favoriser l’emploi et la mobilité transfrontalière de la main-d’œuvre, mais aussi améliorer la qualité de vie au travail des producteurs bovins à travers une série d’actions (formations, groupes d’échanges…) autour de deux axes, l’un dédié aux demandeurs d’emploi et l’autre aux éleveurs employeurs de main-d’œuvre.