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Trois questions à Christiane Lambert

Allemagne, Occitanie… « c’est l’exaspération » pour les agriculteurs européens


AFP le 17/01/2024 à 07:20
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(© Shary Reeves de Pixabay)

En Roumanie dimanche, en Allemagne lundi ou à Toulouse mardi, les manifestations d'agriculteurs se multiplient en Europe.

Leurs revendications sont diverses mais une « exaspération » commune monte face aux exigences communautaires, estime Christiane Lambert, présidente du Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne.

Déjà bousculés par des événements climatiques extrêmes, la flambée de leurs coûts de production et les conséquences commerciales de la guerre en Ukraine, ils ont le sentiment de « se faire imposer » des mesures trop drastiques, notamment dans le cadre de la transition écologique, assure l’ancienne présidente de la FNSEA, le premier syndicat agricole français.

Ces manifestations aux revendications diverses ont-elles un ferment commun ?

« En Allemagne, l’élément déclencheur a été la taxation des carburants mais il s’ajoute à d’autres problèmes liés notamment aux stratégies du ministre de l’agriculture, un ministre vert qui a poussé très loin sur plusieurs sujets comme les aides des « écorégimes », que 39 % des agriculteurs allemands ne peuvent pas obtenir car les exigences environnementales sont trop élevées, l’agriculture bio ou le bien-être animal. A vouloir aller trop vite, c’est l’exaspération chez les agriculteurs et le sentiment de se faire imposer des mesures qui ne correspondent pas à leur réalité.

Cette impression est partagée dans beaucoup de pays. Aux Pays-Bas, on a vu ce que ça a donné (un parti d’agriculteurs s’étant opposé à un plan visant à limiter les émissions d’azote, via notamment la réduction du cheptel, a fait une entrée en force au Sénat en 2023, NDLR). En France, ça s’est traduit par les panneaux retournés (à l’entrée des communes pour dénoncer un »monde à l’envers« , NDLR). La Roumanie a fait une grosse manifestation dimanche. Les (syndicats agricoles) italien et espagnol parlent aussi de manifestations ».

Pourquoi ces accès de colère s’expriment-ils maintenant ?

« Le coût de l’énergie a explosé, les coûts des intrants ont augmenté, tout comme ceux de la main d’oeuvre ou de l’alimentation animale. La guerre en Ukraine perturbe les flux avec des importations énormes en Europe de céréales, de volaille ou de sucre. Ca perturbe toutes les filières, ça fait baisser les prix.

Et il a eu de gros événements climatiques l’an dernier, avec une sécheresse historique en France, catastrophique en Espagne, des inondations en Allemagne, en Italie, en Slovénie, en Grèce.

Malgré cela, il y a une surchauffe réglementaire, la Commission européenne veut passer des textes en force avant les prochaines élections européennes, sur la restauration de la nature, la directive sur les émissions industrielles des élevages. Le texte sur les produits phytosanitaires et le bien-être animal ont quand même été retoqués.

Le Pacte vert de l’UE (qui vise à réduire les émissions carbone) avait quand même pour conséquence la décroissance de la production agricole. Ce qui se traduirait par plus d’importation de produits qui ne correspondent pas aux mêmes standards. On sert à nos enfants dans les cantines des aliments importés qu’on nous interdit de produire en France. Les agriculteurs ont l’impression d’être pris pour des idiots. Evidemment ça se rebelle ».

Les agriculteurs refusent-ils alors toute contrainte environnementale ? 

« On ne conteste pas les transitions. Mais on veut un agenda, des moyens et des niveaux d’exigence réalistes. La présidente de la Commission Ursula von der Leyen a dit le 13 septembre qu’il fallait engager un dialogue stratégique avec les agriculteurs et sortir de la polarisation qui oppose agriculture et environnement. Qu’est-ce qui est fait depuis ? Rien.

On dit qu’on veut 25 % d’agriculture biologique mais en France avec 10 % de terres en bio et seulement 4,9 % d’achats en produits bio (en grandes et moyennes surfaces fin 2022), on est déjà dans une impasse. Les produits phytosanitaires, on ne peut pas exiger une baisse de 50 % d’ici 2030 s’il n’y a pas d’alternatives. Les événements climatiques et la guerre en Ukraine ont des conséquences. Aujourd’hui, il y a un réveil douloureux ».