Agrivoltaïsme : tous les critères et modalités d’application
TNC le 08/12/2023 à 18:04
Le Gouvernement a rendu mercredi 6 décembre 2023 ses arbitrages sur le tant attendu projet de décret d’application de l’agrivoltaïsme. Le texte prévoit plusieurs types de projets agrivoltaïques et confie aux chambres d’agriculture le soin d’élaborer un « document-cadre » pour les projets sur des zones agricoles non exploitables. Un document qui devra être approuvé par les CDPenaf.
Après neuf mois de gestation et d’âpres discussions, le Gouvernement a enfin présenté, mercredi 6 décembre 2023, le projet de décret d’application de la loi d’accélération des énergies renouvelables promulguée en mars dernier. Ce projet de décret sera soumis au Conseil supérieur de l’énergie le 19 décembre, puis au Conseil d’État. Sa publication est envisagée fin janvier 2024.
Concrètement, voici ce prévoit le décret d’application.
Les quatre services rendus par l’agrivoltaïsme
Le projet agrivoltaïque doit rendre l’un des quatre services suivants.
- L’amélioration du potentiel et de l’impact agronomique, qui peut consister à :
- une amélioration des qualités agronomiques du sol ;
- une augmentation du rendement de la production agricole ;
- à défaut, le maintien du rendement ;
- ou la réduction d’une baisse tendancielle observée au niveau local ;
- toute installation qui permet une remise en activité d’un terrain agricole inexploité depuis plus de cinq années.
- L’adaptation au changement climatique, consistant en :
- une limitation des effets néfastes du changement climatique débouchant sur une augmentation du rendement de la production agricole ;
- à défaut, au maintien voire à la réduction d’une baisse tendancielle observée au niveau local,
- ou sur une amélioration de la qualité de la production agricole.
Quels effets adaptatifs au changement climatique sont pris en compte ?
Cette adaptation au changement climatique s’apprécie par observation de l’un des effets adaptatifs suivants :
- Impact thermique : fonction de régulation thermique de la structure en cas de canicule ou de gel précoce ou tardif ;
- Impact hydrique : limitation du stress hydrique des cultures ou des prairies, amélioration de l’efficience d’utilisation de l’eau par irrigation ou diminution de l’évapotranspiration des sols, et confort hydrique amélioré ;
- Impact radiatif : limitation des excès de rayonnement direct avec notamment une protection contre les brûlures foliaires.
- La protection contre les aléas qui s’apprécie au regard de la protection apportée par les modules agrivoltaïques contre au moins une forme d’aléa météorologique, ponctuel et exogène à la conduite de l’exploitation faisant peser un risque sur la quantité ou la qualité de la production agricole à l’exclusion des aléas strictement économiques et financiers.
- L’amélioration du bien-être animal, consistant en l’amélioration du confort thermique des animaux, démontrable par l’observation d’une diminution des températures dans les espaces accessibles aux animaux à l’abri des modules photovoltaïques et par l’apport de services ou de structures améliorant les conditions de vie des animaux.
Quatre types de projets agrivoltaïques
Le décret distingue différents types de technologie agrivoltaïque :
- Les projets supérieurs à 10 mégawatts utilisant une technologie similaire, sur une culture similaire, dans des conditions similaires pour le sol, qui a déjà donné des résultats probants, seront soumis, sans zone témoin obligatoire, à un taux de couverture maximum de 40 % ;
- Les projets supérieurs à 10 mégawatts ne s’appuyant pas sur une technologie déjà installée ailleurs dans des conditions similaires, seront eux aussi limités à un taux de couverture maximum de 40 % et devront prévoir une zone témoin.
Ces deux catégories de projets seront soumises à des contrôles tous les 3 ans sur le rendement et sur la production agricole.
- Des projets plus expérimentaux, inférieurs à 10 mégawatts, pourront bénéficier d’un taux de couverture supérieur, mais devront se soumettre à des contrôles annuels.
- Les technologies « éprouvées » au niveau national, listées dans un arrêté, qui bénéficieront d’un taux de couverture adapté. Ces technologies seront exemptées de zone témoin et ne seront soumises qu’à des contrôles sur la production agricole tous les 5 ans. À date, aucun projet ne rentre dans cette catégorie.
La zone témoin doit être à proximité de l’installation agrivoltaïque et cultivée dans les mêmes conditions. Elle doit représenter au moins 5 % de la surface agrivoltaïque installée, dans une limite d’un hectare. En cas d’incapacité technique à mettre en place cette zone témoin, l’exploitant devra utiliser un référentiel local basé sur les résultats agronomiques et les séries de données historiques disponibles.
Les critères d’une « production agricole significative »
En règle générale, la production reste « significative » quand la moyenne du rendement par hectare observé sur la parcelle agrivoltaïque n’est pas inférieure de plus de 10 % à la moyenne de celui de la zone témoin ou du référentiel en faisant office.
Le préfet peut accepter, sur demande justifiée, une diminution plus importante en cas d’événements imprévisibles ou si l’installation permet une amélioration significative et démontrable de la qualité de la production.
Pour les installations en élevage, ce caractère significatif « peut être notamment apprécié au regard du volume de biomasse fourragère, du taux de chargement ou encore du potentiel reproductif du cheptel ».
Les critères d’un « revenu durable »
Le revenu agricole est considéré comme « durable » lorsque la moyenne des revenus issus des productions végétales et animales n’est pas inférieure à cette moyenne observée avant la pose de l’installation. Un arrêté doit en préciser les modalités de calcul. Des « événements imprévisibles, sur demande dument justifiée » pourront légitimer une diminution de cette moyenne, à l’appréciation du préfet.
Pour un « nouvel agriculteur », ce revenu est comparé avec les « résultats d’autres exploitations du même type localement ».
Les critères de « l’activité agricole principale »
La superficie devenue inexploitable du fait de l’installation agrivoltaïque, hors locaux techniques situés hors de la parcelle, ne doit pas excéder 10 % de la superficie totale couverte par les panneaux. La hauteur et l’espacement interrangées doivent assurer la circulation, la sécurité physique et l’abri des animaux, et le passage des engins agricoles si les parcelles sont mécanisables.
Le taux de couverture est le rapport entre la surface maximale projetée au sol des modules photovoltaïques et la surface totale de la parcelle.
Un arrêté définira le taux de couverture maximal par type de technologie éprouvée. Pour les technologies de plus de 10 mégawatts non couvertes par cet arrêté, le taux de couverture est de maximum 40 %.
Quid des autres projets photovoltaïques sur terrains agricoles ?
Des documents-cadre départementaux identifieront les terrains à vocation agricole, pastorale ou forestière qu’il est impossible d’exploiter ou rendus incultes, sur lesquels d’autres projets photovoltaïques pourront être envisagés.
Ces documents-cadre doivent être proposés par les chambres d’agriculture départementales au préfet dans un délai de neuf mois à compter de la publication du décret.
La proposition de document-cadre sera soumise à la consultation de la CDPenaf, des représentants des organisations professionnelles agricoles et de celles du secteur de l’énergie.
A défaut de proposition, le préfet arrêtera lui-même un document-cadre, identifiant a minima les terrains réputés incultes suivants : terres impossibles à exploiter, sites pollués, friches industrielles, anciennes carrières, ancienne mine ou terrain dégradé par l’activité minière, ancienne installation de stockage de déchets, anciens aérodromes et aéroports, sites fluviaux, portuaires, routiers, ferroviaires publiés ou privés délaissés, intérieur de site soumis à autorisation ICPE, plans d’eau, terrains militaires pollués, terrains forestiers listés par arrêté interministériel ;
Les surfaces agricoles non exploitées situées à moins de 100 m d’un bâtiment d’une exploitation agricole sont d’office inclues dans le document-cadre. Les projets prévus sur ces zones feront quant à eux seulement l’objet d’un avis simple des CDPenaf.
Durée d’autorisation, démantèlement et remise en état
Les installations sont autorisées pour une durée maximale de quarante ans ;
Cette durée est ensuite renouvelable par période de 10 ans si l’installation présente encore un rendement significatif ;
Les opérateurs auront un délai d’un an à compter de la fin de l’exploitation de l’installation énergétique ou de la date d’échéance de son autorisation pour procéder aux opérations de démantèlement et de remise en état du site.
Et après ?
Le texte doit être examiné au Conseil supérieur de l’énergie le 19 décembre, pour une publication attendue en janvier 2024.
Rien sur la contractualisation et le partage de la valeur
Contrairement à des versions précédentes du décret, la mouture transmise au Conseil supérieur de l’énergie ne prévoit aucune disposition sur les modalités de contractualisation et de partage de la valeur générée par les projets agrivoltaïques entre l’exploitant, le producteur d’électricité et le propriétaire du terrain. Ces précisions seront « traitées par des dispositions législatives nouvelles ».