Accéder au contenu principal
Prix du lait

« C’est plutôt l’issue des négociations commerciales qui jouera sur les prix »


TNC le 08/03/2023 à 18:03
fiches_beurre_poudre_france

Prix du beurre et de la poudre maigre en France. (©Cniel, données FranceAgriMer)

Difficile de dire combien le lait sera payé demain : l’agroéconomiste Jean-Marc Chaumet (Cniel), rencontré lors du Salon de l’agriculture, explique que le prix devrait surtout reposer sur les cours des produits de grande consommation, alors que les négociations commerciales ont abouti à une hausse moyenne d’environ 10 % des prix payés par les supermarchés aux industriels. Mais les prix du beurre et de la poudre maigre, orientés à la baisse, devraient tout de même aussi jouer sur le prix du lait payé au producteur dans les semaines et les mois qui viennent.

À quel point jouent les prix des commodités laitières sur le prix du lait ? À l’occasion du salon de l’agriculture, nous avons échangé sur le sujet avec Jean-Marc Chaumet, agroéconomiste au Cniel.

De fait, les cours du beurre et de la poudre ont été hauts et volatils à partir de début 2021, à la fin des confinements. Ils ont continué leur progression en 2022, catalysés par la guerre en Ukraine et atteignant même « des records absolus dans certains pays », avant de redescendre « assez rapidement en Nouvelle-Zélande ou d’autres pays, moins rapidement en France, notamment pour beurre » et finalement revenir à des niveaux proches de 2021.

Quid des prix du lait ? « On peut s’attendre à qu’ils poursuivent leur recul dans un certain nombre de pays en suivant les cours des ingrédients laitiers », note Jean-Marc Chaumet. C’est déjà le cas en Nouvelle-Zélande et aux Pays-Bas, il y a un « petit frémissement » en Allemagne.

Mais « pas d’évolution extrêmement forte » en France pour l’instant. Si des prix relativement bas du beurre et de la poudre risquent de jouer sur le prix du lait français, « c’est plutôt l’issue des négociations commerciales, avec les cours des produits de grande consommation (PGC) », qui devrait déterminer son évolution dans les semaines à venir ». De fait, environ 50 % du lait français est valorisé en PGC en France, contre 30 % en beurre et en poudre.

Le prix standard du lait de vache conventionnel était de 461 €/1 000 l en décembre 2022 (+ 28 % en un an) et le prix moyen sur 2022 était de 422 €/1 000 l (+ 31 % par rapport à 2021), indique le Cniel dans son point de conjoncture mensuel. Sur le début de l’année 2023, les prix sont plutôt orientés à la baisse, soulignent des éleveurs sur Facebook.

Si une dégradation des prix du lait payé aux éleveurs s’annonce en Europe, « il devrait logiquement moins varier en France » étant donné qu’il y avait moins augmenté, écrit de son côté l’Idele dans ses dernières Tendances : « autrement dit, la loi Egalim aura-t-elle un effet cliquet qui permettrait de retarder puis d’atténuer la baisse du prix du lait ? ».

Inflation à tous les étages

Quant à la hausse des coûts, elle touche tous les maillons de la filière « depuis fin 2021, avant même la guerre en Ukraine ». Côté éleveurs, l’indice des prix d’achat des moyens de production agricole (Ipampa) pour la filière laitière a pris environ 30 % en deux ans, avec « des postes qui ont fortement augmenté, comme les engrais (x2), l’énergie (+ 50 %) ou l’alimentation (+ 40 %) ».

Indice des prix d’achat des moyens de production agricole en bovins lait. (©Idele)

Côté laiteries, l’agroéconomiste rappelle la flambée des coûts de l’énergie (presque x 2 pour le gaz) et des emballages en plastique et carton (+ 20 à 30 %). L’inflation a aussi touché le maillon distribution, « à travers le coût de l’énergie mais également les salaires, qui ont augmenté ».

Ces hausses des coûts se sont répercutées sur les prix au consommateur : « entre janvier 2021 et janvier 2023, les indices de l’Insee montrent qu’ils ont augmenté 20 % pour la catégorie lait-fromages-œufs, contre 16 % pour l’alimentation en général ». La hausse est plus marquée pour le beurre, moins pour les produits ultra-frais (yaourts, fromages frais, crèmes).

Prix à la consommation en France pour plusieurs produits laitiers. (©Insee)

Conséquence : « les achats ont repris leurs tendances baissières d’avant-Covid » pour les laits liquides et les ultrafrais, quand « les fromages et les crèmes résistent mieux et sont même en hausse par rapport aux ventes de 2019 ».

Dès lors, comment va évoluer la hausse des coûts en 2023 ? Jean-Marc Chaumet pointe plusieurs facteurs qui devraient jouer sur cette inflation : l’évolution de la guerre en Ukraine, la politique de hausse des taux d’intérêt des banques centrales, la fin de la politique zéro-Covid en Chine, qui pourrait s’accompagner d’une reprise des importations des produits laitiers mais aussi de l’énergie, tirant ses prix à la hausse.

Si « de nombreuses incertitudes » demeurent, « le FMI et la Banque mondiale estiment que l’inflation baissera régulièrement au cours de 2023 et 2024, tout en restant au-dessus de 2 % », conclut-il.