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Changement climatique

Vincent Devantay, MeteoNews : « Un climat marqué par davantage d’extrêmes »


TNC le 09/02/2023 à 05:02
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Les phénomènes météo violents sont amenés à se développer avec le réchauffement des températures. (©Pixabay)

Vincent Devantay, météorologue chez MeteoNews, explique dans une interview vidéo les changements à venir en termes de climat en France : températures et précipitations plus extrêmes, phénomènes climatiques violents... L'agriculteur devra adapter ses pratiques pour répondre à ces évolutions : décaler les semis, réaliser des coupes de fourrages plus précocement ou plus tardivement mais il devra aussi faire face à de nouveaux ravageurs venus des pays méditerranéens.

Terre-net (TN) : L’été 2022 a été le deuxième plus chaud jamais enregistré et l’année 2022 détient désormais le nouveau record de chaleur annuel. À quoi faut-il s’attendre dans les années à venir ?

Vincent Devantay (VD) : « Au niveau des températures, on estime que la barre des 50 degrés pourrait être atteinte en France métropolitaine dans les années 2030-2040. Les projections laissent entrevoir un été sur deux comme celui qu’on vient de connaître à partir de 2035-2040. La machine du réchauffement climatique est lancée !

On va continuer à avoir des températures de plus en plus extrêmes ces prochaines années, mais cela ne veut pas dire qu’on aura des canicules tous les étés, on se souvient de l’été 2021 qui a été nettement moins chaud que 2022.

La météo est faite de variabilité mais on prévoit tout de même des températures nettement plus chaudes ces prochaines décennies.

Les températures seront également moins froides pendant les périodes hivernales avec toutefois des épisodes de températures froides voire très froides qui seront toujours possibles mais bien moins fréquents que par le passé. »

TN : En termes de précipitations, à quoi faut-il s’attendre ?

VD : « La quantité de précipitations sur l’ensemble de l’année ne devrait pas beaucoup bouger. Par contre, il y aura des périodes de sécheresse beaucoup plus marquées, notamment pendant les étés. Et les précipitations seraient a priori plus abondantes en automne, en hiver et au début du printemps.

Donc il n’y aura pas de grande différence sur les quantités de précipitations mais on va tendre vers un climat qui sera fait avec davantage d’extrêmes au niveau des températures et des précipitations. »

TN : Et au niveau des phénomènes climatiques violents, vont-ils se multiplier et quel sera leur ampleur ?

VD :  « Quand la masse d’air se réchauffe d’un degré, elle peut accueillir 7 % d’humidité supplémentaire. Aussi avec les températures qui se réchauffent, il y aura plus de potentiel dans l’avenir pour avoir des phénomènes météo violents. On pense d’abord aux orages avec des risques de grosses chutes de grêle. La grêle a toujours existé mais la fréquence de ces chutes de grêle, de ces orages violents, devrait augmenter dans l’avenir.

Au niveau des tempêtes, on voit aussi que certains ouragans se rapprochent assez dangereusement de l’Europe. On peut imaginer que d’ici 10, 20 ou 30 ans, il y ait des tempêtes d’une intensité relativement forte qui frappent notre région. On a tous en tête le violent orage en Corse en août 2022 avec des rafales à plus de 200 km/h ! »

TN : Quelles seront les conséquences de ce changement climatique pour l’agriculture ?

VD : « Le problème, ce sera certainement l’irrigation. Si on a un été sur deux comme celui de 2022, on aura de gros problèmes de sécheresse. Il faudra peut-être créer davantage de bassins de rétention.

Attention aussi aux gelées tardives ! La masse d’air se réchauffe rapidement à la fin de l’hiver et au début du printemps, la végétation se développe donc rapidement mais on n’est pas à l’abri de températures plus fraîches, de coups de froid tardifs au mois de mars, avril voire début mai. C’est ce qu’on a connu en 2019, 2021 et 2022. Ce risque de gelées tardives est beaucoup plus marqué actuellement qu’il y a 20 ans ou 30 ans. »

TN : Quelques exemples plus précis des impacts pour certaines cultures ?

VD : « Avec le mois d’octobre 2022 très chaud, les céréales ont poussé très rapidement. À l’avenir, il faudra envisager de décaler un peu les périodes de semis : en semant plus tardivement, les céréales ne se développeront pas trop avant la période hivernale et les gels.

Au niveau des pommes de terre, l’âge physiologique est atteint plus rapidement, conséquence, elles vont se conserver moins longtemps cette année. »

TN : Quelles pourraient-être les conséquences sur la production de fourrages ?

VD : « Il y a une conséquence positive : l’herbe va pouvoir démarrer plus tôt au printemps, la première coupe pourra donc être réalisée plus tôt dans la saison. Il sera aussi possible de faire une à deux coupes supplémentaires à l’automne et avant la saison hivernale puisque l’herbe poussera un peu plus longuement.

Par contre, avec le manque d’eau pendant la période estivale – on l’a vu cette année avec des fourrages quasiment à l’arrêt pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois – il y aura moins de production pendant l’été.

En résumé, il y aura beaucoup moins de fourrage qu’habituellement en été et davantage de production durant le printemps et la saison automnale. »

TN : Quelles seront les conséquences du réchauffement climatique sur les ravageurs et les maladies des cultures ?

VD : « La pression des maladies va progressivement diminuer. En effet, il faut de l’humidité pour que les maladies se développent. Qui dit moins de précipitations dit une pression maladie moins forte.

Côté prédateurs, certains sont en train de se déplacer en direction du nord. Par contre, de nouveaux prédateurs, qui se situent actuellement sur le bassin méditerranéen voire l’Afrique du nord, pourraient éventuellement gagner nos régions ces prochaines années, ou décennies, avec les températures plus élevées. »