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Glyphosate

Un rapport ouvre la voie au renouvellement de l’autorisation dans l’UE


TNC le 06/07/2023 à 17:55
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L'Efsa a remis jeudi son étude qui permettra de décider du renouvellement ou non de l'autorisation de l'herbicide pour cinq ans dans l'Union européenne.

L'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) n'a pas identifié de niveau de risque lié au glyphosate qui justifierait selon elle de l'interdire dans l'Union européenne au-delà de sa période actuelle d'autorisation, dans une étude très attendue et remise jeudi à la Commission européenne.

L’Efsa « n’a pas identifié de domaine de préoccupation critique » du glyphosate chez les humains, les animaux et l’environnement, explique-t-elle dans un communiqué. Dans la méthodologie scientifique de l’agence, une préoccupation est définie comme « critique » lorsqu’elle affecte tous les usages proposés de la substance active évaluée, empêchant donc son autorisation. Elle a néanmoins relevé « un risque élevé à long terme chez les mammifères » pour la moitié des usages proposés du glyphosate, et reconnu que le manque de données empêchait toute analyse définitive.

« Aucune préoccupation critique identifiée »

Cette étude, remise jeudi aux instances européennes, servira de base à l’Union européenne pour décider du renouvellement ou non de l’autorisation de l’herbicide pour cinq ans. L’autorisation actuelle court jusqu’au 15 décembre. 

« Sur la base des conclusions de l’Efsa, la Commission européenne émettra une proposition, qui fera l’object d’un vote à majorité qualifiée des représentants des pays membres, soit en faveur, soit contre une réapprobation de la substance au niveau européen. Si le vote « non » était majoritaire, l’ensemble des autorisations de mise sur le marché des produits à base de glyphosate seraient retirées entre janvier et mars 2024 et tous les usages de glyphosate seraient interdits à partir de mars 2025 », explique la Plateforme glyphosate France. 

Les prochaines étapes du processus européen d’autorisation du glyphosate. ( © Plateforme glyphosate France)

Au total, le rapport, qui sera rendu public courant juillet, repose sur 2 400 études, 180 000 pages, et a fait appel à 90 experts des Etats membres, fait valoir l’Autorité. L’Efsa précise cependant ne pas avoir pu finaliser certains aspects de son évaluation, concernant notamment les risques pour les plantes aquatiques, « faute de données sur leur exposition au glyphosate ». De même, aucun avis finalisé n’est livré sur les risques liés à la consommation alimentaire, « en raison de données incomplètes sur la quantité de résidus de glyphosate dans les cultures en rotation telles que les carottes, la laitue et le blé ». « Cependant, cela ne devrait pas conduire à un dépassement des niveaux de sécurité toxicologique » pour les humains, « et, par conséquent, aucune préoccupation critique n’a été identifiée », insiste l’agence.

L’EFSA pointe aussi l’insuffisance de données sur la toxicité d’un des composants présents dans la formule d’un pesticide à base de glyphosate soumis à l’évaluation, tout en soulignant qu’il n’existe « aucune indication de toxicité aïgue ». Enfin, plusieurs questions sont laissées en suspens, en particulier l’impact général sur la biodiversité : si les experts reconnaissent que les risques « sont complexes et dépendent de multiples facteurs », l’EFSA estime que « dans l’ensemble, les informations disponibles ne permettent pas de tirer des conclusions définitives », tout en notant « un manque de méthodologies harmonisées ».

« Utilisation raisonnée et responsable du glyphosate »

Dans un communiqué, la Plateforme glyphosate France, représentant les principales entreprises commercialisant en France des préparations phytosanitaires à base de glyphosate, précise « prendre acte de cette étude et s’en réfère désormais à la Commission européenne et aux États membres pour fonder leur décision sur les recommandations scientifiques de l’Efsa, permettant ainsi aux agriculteurs européens de continuer à disposer du glyphosate pour les usages où il n’existe pas d’alternative et pour les pratiques agricoles durables ».

Exemple avec l’agriculture de conservation des sols (ACS) qui « nécessite une utilisation ponctuelle et raisonnée de glyphosate », comme le souligne l’association. Avec la couverture des sols et l’allongement des rotations, cette pratique agronomique est fondée sur « la limitation du travail du sol et notamment du labour, historiquement le premier outil de désherbage des agriculteurs ». À l’occasion d’un webinaire organisé par PGF, Guillaume Gilloots, agriculteur en Seine-et-Marne, a pu témoigner de son expérience. Il s’est converti à l’ACS depuis 5 ans, afin « d’améliorer la qualité de ses sols et pour remédier à un manque de main d’œuvre ».

Depuis, l’agriculteur, qui « s’est formé sur le tas », est parvenu à « réduire de 70 % sa consommation de gasoil et de 40 % son utilisation de produits phytosanitaires tout en maintenant un niveau de production équivalent ». Guillaume Gilloots n’a quasiment plus recours, par exemple, aux insecticides et ne désherbe pas ses colzas à l’automne. « Il relève aussi une amélioration constante de la biodiversité sur ses parcelles ». 

Dans le cadre du GIEE qu’il a intégré sur les thématiques de semis direct et d’ACS, l’agriculteur teste également les pratiques de l’ACS en agriculture biologique sur 3 ha, mais les résultats restent peu probants jusque là : « en blé tendre, on n’arrive même pas à un rendement moyen de 5 q/ha », explique-t-il. « Les couverts permanents semblent être une technique très intéressante mais c’est compliqué de les maîtriser. Il faut du temps pour que tous les équilibres se remettent en place. Selon le contexte des exploitations, la transition vers l’ACS peut prendre environ 10 ans », estime-t-il. 

Pour Guillaume Gilloots, le glyphosate représente « la clé à molette de sa boîte à outils de désherbage ». « Si on nous le retirait, je me donne environ 3 ans pour continuer dans ce système… précise-t-il. Avec entre 1,5 et 2 l/ha de glyphosate, on est capable d’avoir un effet sur le changement climatique, de continuer à produire et d’alimenter la planète ».

Les ventes de glyphosate ont déjà diminué

La PGF a d’ailleurs rappelé que « les utilisations du glyphosate sont strictement encadrées en France. Depuis l’étude comparative réalisée par l’Anses en octobre 2020, ne sont maintenus que les usages spécifiques de l’herbicide pour lesquels aucune alternative n’existe, tout en limitant voire en supprimant les autres usages ». Les entreprises membres de la Plateforme Glyphosate France se disent « convaincues des vertus d’une utilisation raisonnée et responsable de glyphosate et confiantes quant à la baisse des quantités de glyphosate ».

« En France, les quantités de glyphosate vendues ont diminué de 10 % en 2021 par rapport à 20201. » Selon l’étude réalisée par la PGF auprès de ses entreprises membres2, « les ventes de glyphosate auprès des distributeurs agricoles ont baissé de 14 % entre 2021 et 2022 ».

« En cas d’interdiction de la molécule au niveau européen, aucune dérogation nationale ne serait possible en raison du précédent posé par la décision de la Cour de Justice Européenne du 19 janvier 2023, et ce même pour les usages sans alternative », souligne Jérôme Pierrard, expert réglementaire au sein de la PGF. L’association soulève alors « le risque de distorsion de concurrence pour les agriculteurs européens ». 

Des ONG environnementales interpellent le gouvernement

Pour rappel, le glyphosate, substance active du célèbre Roundup de Monsanto – racheté par l’allemand Bayer en 2018 -, très largement utilisé dans le monde, avait été classé en 2015 comme « un cancérogène probable » pour les humains par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé. De son côté, un groupe d’experts de l’Institut national de santé et de la recherche médicale (Inserm) en France a conclu en 2021 à « l’existence d’un risque accru de lymphomes non hodgkiniens avec une présomption moyenne de lien » avec le glyphosate.

À  l’inverse, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a jugé en juin l’an dernier que les preuves scientifiques disponibles ne permettaient pas de classer le glyphosate comme cancérogène. En réaction, une trentaine d’ONG environnementales – dont Agir pour l’environnement ou Réseau Action Climat – ont interpellé le gouvernement français jeudi. « Les organisations exigent aujourd’hui que la France défende l’interdiction du glyphosate en Europe en 2023 », écrivent-elles dans un communiqué commun. « Compte tenu des risques largement documentés pour l’environnement et la santé humaine, il est plus qu’urgent d’appliquer le principe de précaution inscrit dans les textes européens et la Constitution française pour en finir avec le glyphosate et amorcer enfin une vraie transition agricole et alimentaire », poursuivent-elles.

L’Europe est loin d’être la seule région du monde où l’usage du glyphosate fait débat. Aux Etats-Unis, Bayer a déboursé des milliards de dollars pour résoudre des litiges. 

Nous ne manquerons pas en tout cas de suivre le dossier et de vous partager les dernières actualités.

1 : Source ministère de la transition écologique

2 : L’enquête de la PGF a été menée du 20 décembre 2022 à janvier 2023 par le cabinet indépendant Repcos auprès des entreprises de la PGF ainsi que d’Adama