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« Pas de solution miracle »

Toute la filière betteravière mobilisée pour trouver des alternatives aux NNI


TNC le 01/03/2022 à 12:15
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Suite aux infestations inédites de jaunisse, environ 28 % du rendement avait été impacté en 2020 pour l'ensemble de la sole betteravière française, rappelle Christian Huyghe, Inrae. (©Alexis Hache)

« La recherche de solutions alternatives à l’usage des néonicotinoïdes progresse », ont indiqué Inrae et ITB le 28 février 2022. Ils ont profité du Salon de l'agriculture pour faire un point d'étape du Plan national de recherche et d'innovation (PNRI) intitulé « vers des solutions opérationnelles contre la jaunisse de la betterave sucrière ».

« Il n’existe pas de solution miracle pour lutter contre la jaunisse de la betterave, on s’y attendait », constate Alexandre Quillet, président de l’Institut technique de la betterave (ITB) à l’issue de la première année du PNRI. Lancé en janvier 2021, ce plan d’envergure a, pour rappel, l’objectif de trouver des moyens de lutte opérationnels pour la sortie définitive des néonicotinoïdes en 2024.

« Une approche multi-leviers »

Toutes les pistes sont étudiées, tant à l’échelle de la parcelle que du paysage ou de la filière et plus d’une vingtaine de projets ont été retenus pour une étude approfondie. « Nous ne sommes pas dans une approche de substitution, la solution passera bel et bien par une combinaison de leviers », précise Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture Inrae. Le président de l’ITB a profité d’un point au Salon de l’agriculture pour rappeler « la mobilisation générale » et les prochaines étapes : avec en 2022, le développement des essais, puis en 2023, la validation des solutions et l’amplification du transfert de connaissances.

La résistance variétale représente beaucoup d’espoir. « En 2024, les variétés disponibles seront plus tolérantes à la jaunisse, mais cela ne sera pas suffisant, reconnaît Fabienne Maupas, responsable du département technique et scientifique de l’ITB. C’est pourquoi il faut une approche multi-leviers. » Le réseau des fermes pilotes d’expérimentations, qui regroupent 500 ha (dont 14 % en agriculture biologique) chez 57 agriculteurs, permet notamment d’évaluer différentes pistes (lâchers de prédateurs, composés odorants, bandes fleuries…) en conditions de plein champ dans une diversité de situations. 

Les plantes compagnes pour réduire les populations de pucerons

Parmi celles testées, il y a aussi l’association de plantes (avoine, orge, fenugrec, vesce, féverole et pois) avec la betterave. Objectif : « limiter les infestations de pucerons et les pertes de rendement associées à la jaunisse », explique Paul Tavel, responsable agronomie de l’ITB. La majorité des essais fait ressortir « une réduction significative des populations de pucerons avec l’avoine. Les observations faites quant à la réduction des symptômes de jaunisse et aux pertes de rendement associées à la concurrence avec les plantes compagnes varient selon les situations. L’enjeu est alors de trouver un compromis dans l’itinéraire technique pour réduire les symptômes de jaunisse sans concurrence entre plantes compagnes et betteraves qui serait préjudiciable au rendement ».

En complément de cette approche de terrain, dans le cadre du projet SerVir, « des actions en conditions contrôlées sont conduites par Inrae afin de comprendre l’impact des plantes compagnes sur l’introduction et la dispersion de foyers de jaunisse virale ».

« Inoculer des virus peu agressifs »

Lors de ce point d’étape, les équipes du PNRI ont également fait un focus sur deux autres pistes d’étude, dont le projet Provibeconsacré à « une meilleure connaissance des populations virales infectant la betterave et à l’évaluation d’une stratégie de protection croisée ». En quoi consiste cette dernière ? Comme « une sorte de vaccination », l’idée est « d’injecter un variant du virus peu virulent qui confère ainsi à la betterave infectée la capacité de mieux se défendre face à des virus agressifs. L’effet de la multi-infection virale sur la gravité de l’infection et la transmission par puceron est étudié », indique Véronique Brault, Inrae Colmar. 

En 2021, le séquençage à haut débit de l’ensemble des virus présents dans des betteraves a permis de démontrer que « seuls les 4 virus déjà connus (BYV, BChV, BMYV, BtMV) sont responsables de la jaunisse. Aucun agent viral inattendu n’a été mis en évidence à ce jour ». Les chercheurs ont également observé « une faible diversité génétique des virus à l’échelle du génome, et non corrélée à la symptomatologie des plantes analysées. Cette faible variabilité, même entre plantes provenant de parcelles distantes, suggère alors des mécanismes de dispersion efficaces des virus à grande échelle ». Enfin, « aucune corrélation n’existe entre l’accumulation des différents virus et les symptômes observés sur les plantes pour les virus BChV, BMYV et BtMV. En revanche, la corrélation est remarquable pour le BYV, ce qui suppose un rôle majeur du BYV dans l’extériorisation de la jaunisse. »

Provibe souhaite aussi « optimiser la détection des virus présents dans les plantes ou les pucerons en proposant « des outils d’analyse rapides, fiables et peu coûteux ». Parmi les méthodes testées : « les techniques RT-Lamp avec la détection visuelle ou IC-RT-PCR, avec une détection sous UV donnent des premiers résultats prometteurs ».

Prédire le risque

Pour Sepim, ce sont la modélisation et la gestion des risques qui sont au cœur du projet, précise Samuel Soubeyrand, Inrae. « Températures hivernales, pratiques culturales… : les équipes cherchent à identifier les différents facteurs de risque de l’apparition des pucerons, mais aussi à caractériser les facteurs d’efficacité des produits de lutte contre ces bioagresseurs et à estimer la sévérité de la jaunisse par imagerie satellitaire. L’espoir est de mieux prédire l’arrivée des pucerons et l’intensité des vols (amélioration des OAD existants) afin d’accroître l’efficacité des mesures curatives et/ou des stratégies prophylactiques. »

Concernant l’utilisation des images satellitaires, les travaux menés en 2021 semblent également prometteurs : « le modèle développé discrimine efficacement les parcelles indemnes de symptômes et les parcelles affectées par la jaunisse. » Cette mesure précise pourrait, à terme, être utile dans le cadre de démarches assurantielles. À suivre donc !

Retrouvez aussi une présentation du PNRI en vidéo :

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