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Épandage d’engrais et pollution de l’air

L’Unifa alerte sur l’impérative réduction des émissions d’ammoniac


TNC le 14/03/2019 à 18:04
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Trois ans après la publication d’une directive européenne visant à réduire les émissions de polluants atmosphériques, en particulier celles d’ammoniac issues des apports d’engrais azotés minéraux, la France n’atteindra probablement pas ses engagements et s’exposera à un contentieux avec Bruxelles dès 2020. L’Unifa veut sensibiliser et accompagner davantage les agriculteurs à changer leurs pratiques d’épandage, notamment en faveur de l’enfouissement et du recours à d’autres formules d’engrais et à des inhibiteurs d’uréase.

Dans le cadre de la directive européenne sur la réduction des polluants atmosphériques (particules fines, ammoniac, etc.) publiée en décembre 2016, la France s’est fixée des objectifs ambitieux de réduction des émissions d’ammoniac dans l’air à l’horizon 2020, 2025 et 2030. « Contrairement aux autres pays européens qui se sont engagés à l’horizon 2030, la France s’est fixée des objectifs intermédiaires », explique Renaud Bernardi, président de l’Unifa. Par rapport à 2005, la France s’est ainsi engagée à réduire ses émissions d’ammoniac – toutes origines confondues – de 4 % d’ici 2020, 8 % d’ici 2025 et 13 % d’ici 2030.

Selon le Citepa, le centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique, plus d’un quart des émissions françaises d’ammoniac sont liées à l’apport d’engrais azotés minéraux. Or, entre 2005 et 2016, ces émissions ont augmenté d’environ 6,7 % du fait du « déplacement de la demande vers les engrais uréiques » – urée et solution azotée – ayant un potentiel émissif plus élevé en ammoniac que d’autres engrais comme l’ammonitrate.  La tendance ne va donc pas dans le bon sens. Et c’est ce que constate – et ce qui inquiète – l’Unifa, l’Union des industriels de la fertilisation.

Des polluants ciblés par la directive européenne, l’ammoniac est le seul dont les émissions ont augmenté depuis 2005. Au regard de cette tendance à la hausse, le premier objectif intermédiaire d’ici fin 2020 a peu de chance d’être atteint. Or, comme le rappelle l’Unifa, « la France s’exposera alors au risque d’une procédure contentieuse à Bruxelles.

Des restrictions à l’usage de l’urée à partir de la campagne 2019-2020

La directive européenne s’est traduite en France par un « plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques » dit « Prepa ». L’arrêté daté du 10 mai 2017, dans lequel est détaillé ce plan, prévoit notamment des restrictions à l’épandage d’urée. « À partir de la campagne 2019-2020, l’autorisation de l’urée se fera sous certaines conditions, afin de limiter, de février à avril, sa volatilisation ». Conformément à cet arrêté, un « guide des bonnes pratiques » d’épandage sera rédigé par le Citepa, sous la coordination de l’Ademe, et promu par différents acteurs, notamment l’Unifa.

Par ailleurs, une mission mandatée par trois ministères (agriculture, économie et environnement) doit mener une étude « sur la taxation ou la modulation de la fiscalité des engrais azotés en fonction du potentiel de volatilisation de l’engrais ».

Autrement dit, compte tenu de la probable non-tenue de l’objectif intermédiaire d’une réduction de 4 % des émissions d’ici fin 2020, les agriculteurs doivent s’attendre à des restrictions beaucoup plus forte dès l’automne prochain, voire même une taxation plus importante des formules d’engrais les plus émissives dans le projet de loi finances pour 2020.

Les agriculteurs prêts à changer leurs pratiques

Selon une étude menée par l’Unifa et Datagri en mars 2018, 40 % des agriculteurs ont d’ores-et-déjà modifié leur pratique de fertilisation azotée minérale. Et 10 % comptent le faire à court terme. La moitié des agriculteurs répondants se déclarent prêts à intégrer dans leurs choix de fertilisants une forme moins émissive. Il s’agirait pour eux de privilégier plutôt l’ammonitrate – formule la moins émissive – plutôt qu’une solution azotée ou de l’urée, formules les plus émissives d’ammoniac.

Si les pratiques d’épandage actuelles perdurent et que les producteurs continuent de privilégier les formes d’engrais les plus émissives, « la France n’atteindra pas son objectif final de réduction de 13 % d’ici 2030 ». Pire, les émissions d’ammoniac augmenteraient de 2,4 %.

Le développement de bonnes pratiques d’épandage par les agriculteurs, en particulier l’enfouissement de l’urée et le recours à des inhibiteurs, ne suffira pas non plus. Selon les simulations de l’Unifa, les émissions ne diminueraient, dans le meilleur des cas, que de 7,7 % d’ici 2030. L’organisme estime ainsi que l’atteinte de l’objectif ne sera possible que si d’une part, le développement des meilleures techniques d’épandage est maximal, et, d’autre part, les industriels parviennent à proposer de nouvelles formes d’engrais encore moins émissives.

Changer les pratiques d’épandage, source d’économies selon l’Ademe

Selon une étude que l’Ademe avait conduite en 2013, les bonnes pratiques d’épandage, contribuant à réduire les émissions d’ammoniac dans l’air, génèreraient davantage d’économies qu’elles ne coûteraient aux agriculteurs. Pour « mieux raisonner et piloter le niveau des doses appliquées », l’Ademe évaluait ainsi l’investissement éventuel d’équipements ou d’intrants spécifiques, comme l’acquisition d’un outil de pilotage de la fertilisation, à 9,3 €/ha. Mais la possible économie d’engrais acheté serait « de – 18 €/ha/an », soit une économique finale de 8,7 €/ha/an.

Aussi, « supprimer le 1er apport d’azote » quand c’est possible « pourrait induire des économies de 22,7 €/ha/an ». L’enfouissement localisé de l’engrais minéral, nécessitant une modification du matériel d’épandage ou le recours à une entreprise, « pourrait apporter des économies de 9,1 €/ha/an ».

À l’inverse, changer de formule d’engrais pour une moins émissive coûterait beaucoup aux agriculteurs. « La modalité de changement de formulation azotée, en remplaçant l’urée ou une solution azotée par de l’ammonitrate entraînerait « un surcoût à l’achat de 20 €/t pour l’urée à 110 €/t pour la solution azotée ».  En 2013, l’Ademe considérait un coût de l’ammonitrate de 270 €/t (305 €/t pour l’ammonitrate 33,5 % en mars 2019), de l’urée de 250 €/t (290 €/t en mars 2019) et de la solution azotée de 160 €/t (213 €/t en mars 2019).

À lire aussi : Ammoniac dans l’air, cadmium dans le sol : deux enjeux de réduction pour l’Unifa

 

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