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Marché des engrais

Ammoniac dans l’air, cadmium dans le sol : deux enjeux de réduction pour l’Unifa


TNC le 06/11/2018 à 18:30
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Alors que la campagne de livraison 2017-2018 est jugée « convalescente après la crise agricole de 2016 », le marché des engrais pourrait être impacté par deux évolutions réglementaires en cours. Les industriels de la fertilisation doivent trouver des solutions techniques viables pour réduire les émissions d’ammoniac conformément au plan national sur la qualité de l’air. Le nouveau règlement européen des matières fertilisantes, en cours de négociation, imposera une réduction de la teneur en cadmium dans les engrais phosphatés.

Le marché des engrais laisse apparaître une campagne 2017-2018 « convalescente » après une campagne 2016-2017 aux niveaux historiquement bas, suite aux faibles rendements de 2016, « Les livraisons d’engrais et amendements minéraux basiques se sont élevées à 11,47 Mt en 2017-2018, soit une hausse de 3,8 % par rapport à la campagne précédente », a expliqué Florence Nys, déléguée générale de l’Unifa, lors d’un point de conjoncture mardi 6 novembre 2018.

Avec 9,07 Mt livrées les engrais minéraux et organo-minéraux enregistrent une progression de 2,3 % sur un an et se stabilisent (+ 0,2 %) par rapport à la moyenne des trois dernières campagnes. « On est sur des livraisons assez semblables par rapport à 2015-2016 », a résumé Renaud Bernardi, président depuis juin 2018 de l’organisation qui regroupe 50 industriels de la fertilisation et représente 96 % de la production française de fertilisants et 78 % des livraisons.

Campagne 2017-2018 : 11,47 Mt livrées (+ 3,8 % / 2016-2017)

Réduire de 13 % les émissions d’ammoniac

Dans ce contexte, le marché des engrais doit s’adapter à deux évolutions en cours. La France s’est engagée dans un plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques, dont les modalités d’application ont été précisées par un décret et un arrêté de mai 2017. Ce plan qui vise à réduire notamment de 13 % par rapport au niveau de 2005 les émissions d’ammoniac d’ici 2030, concerne directement le secteur des engrais : « La fertilisation des cultures est contributrice à hauteur de 25 % des émissions d’ammoniac d’origine agricole », rappelle Renaud Bernardi. « L’Unifa soutient cet objectif et souhaite apporter sa contribution technique. »

L’objectif ne sera pas si facile à atteindre pour la filière. Des solutions existent déjà mais ne suffisent pas. Faire évoluer les engrais vers des formes moins émissives reste la solution la plus évidente. Pour réduire la volatilisation ammoniacale, on peut enfouir ou ajouter un inhibiteur d’uréase. « Ceci dit, toutes les cultures ne peuvent pas recevoir une fertilisation par enfouissement », expliquent les représentants de l’Unifa. Et même si 100 % de l’urée était enfouie ou accompagnée d’un inhibiteur d’uréase, cela ne suffirait pas à atteindre les objectifs du plan. » L’Unifa a ainsi confié au Citepa (Centre interprofessionnel technique d’études sur la pollution atmosphérique) une étude prospective pour évaluer différents scénarios. « L’Unifa fera émerger des solutions concrètes applicables sur le plan agronomique et technologique et économiquement viables. »

Les agriculteurs, quant à eux, semblent prêts au changement. « Selon une étude Unifa-Datagri, 40 % des agriculteurs ont déjà modifié leurs pratiques et 10 % comptent le faire. Ils sont prêts de 50 % à se déclarer prêts à opter pour une forme d’engrais moins émissive. »

Trouver les moyens de réduire les taux de cadmium dans les phosphates

Sur le plan européen, le secteur de la fertilisation est en attente d’un nouveau règlement des matières fertilisantes. Ce texte, soumis au trilogue législatif européen (la Commission européenne, le Conseil européen et le Parlement européen) doit harmoniser les normes en vigueur au sein des différents État membres pour ces matières. Il doit aussi fixer des normes communes pour les nouveaux produits biostimulants « qui n’avaient pas, jusqu’à présent, de cadre réglementaire applicable », et « pour les produits nécessitant une vigilance accrue, comme les matières organiques ».

Six ans après les premiers échanges sur ce texte, un point d’achoppement demeure : le seuil maximum de cadmium contenu dans les engrais phosphatés. La teneur maximale autorisée de ce métal lourd toxique présent dans les roches phosphatées utilisées pour la fabrication des engrais est actuellement de 90 mg/kg. Le conseil européen, qui représente les États membres, envisage un seuil maximum de 60 mg/kg dans un délai de huit ans, avec une révision de ce seuil dans 16 ans. Mais le Parlement européen veut aller plus vite, en imposant un seuil de 60 mg/kg dès maintenant, avant une réduction à 40 mg/kg, puis 20 mg/kg.

Pour l’Unifa, l’enjeu est important. Selon l’organisation, une réduction trop forte et trop rapide de la teneur en cadmium impose « de trouver des solutions techniques de substitution et de réduction des seuils dans les roches phosphatées utilisées ». Problème, les roches phosphatées européennes, marocaines ou algériennes, les plus utilisées par les industriels français, ont des teneurs supérieures. Seules les roches phosphatées prélevées en Russie ont des teneurs plus faibles « Les phosphates marocains et tunisiens sont au-dessus des 40 mg. »

 « Au-delà d’une baisse des emplois et d’une perte de compétitivité majeure pour le secteur agricole, adopter une limite en cadmium inférieure à 60 mg n’est techniquement pas possible », insiste l’Unifa, qui appelle à davantage de travaux scientifiques pour savoir comment réduire le taux de cadmium des roches phosphatées utilisées.

Ce point du futur règlement européen pourrait être tranché lors de la prochaine réunion du trilogue, prévue le 22 novembre prochain. « Soit le texte est adopté fin novembre, soit le débat risque d’être repoussé après les élections européennes d’avril 2019. »