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Reportage

Les drones à la rescousse pour limiter l’utilisation des herbicides


TNC le 04/06/2021 à 18:02
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Agriculteur à Remaucourt et passionné par les nouvelles technologies, Laurent Cardon accueille, cette campagne, sur son exploitation des essais des chambres d'agriculture de l'Aisne et de la Somme pour la détection des chardons par drone dans ses parcelles de betteraves sucrières. Selon les premiers essais, cela permettrait de réduire l'utilisation d'herbicides de 70 à 90 %.

« Détection de maladies, quantification des dégâts de gibier ou du taux de levée des cultures… » : le drone peut répondre à de multiples utilisations en agriculture, indique Aline Dupont, conseillère agroéquipements connectés à la chambre d’agriculture (CA) de la Somme. Depuis deux ans, les CA de l’Aisne et de la Somme ont notamment lancé un programme expérimental concernant la détection d’adventices par drone, en lien avec l’Agence de l’eau Artois-Picardie et le Casdar. 

– 70 à 90 % d’herbicides contre les chardons 

Nous avons suivi les équipes dans une parcelle de betteraves sucrières (11 ha) chez Laurent Cardon, installé à Remaucourt, adhérent de l’association « Agriculture connectée en Hauts-de-France » et déjà adepte de la modulation des apports d’azote (MesSatimages). Pour l’agriculteur, c’est une nouvelle opportunité de « réduire le recours aux intrants ».  

Si les traitements herbicides contre les vivaces, comme les chardons des champs, sont actuellement réalisés soit en plein, soit en localisé manuellement, l’idée est de proposer « une cartographie précise, à partir d’images de drones, de la répartition des ronds de chardons dans l’inter-rang et de l’intégrer directement dans la console du pulvérisateur » pour ne traiter que les parties infestées, explique l’agriculteur. Cette technique a également été testée sur maïs l’an passé.

Selon les premiers essais réalisés, on peut espérer « une réduction de 70 à 90 % de la quantité d’herbicide utilisée par un rapport en traitement en plein (en fonction de l’infestation de la parcelle et de la répartition des adventices) », précise Aline Dupont. « Cette économie est particulièrement valable pour les parcelles moyennement infestées où les adventices sont rassemblées. C’est le cas le plus intéressant pour pulvériser en frappe ciblée. » En plus du gain de précision, Laurent Cardon souligne aussi le confort et le gain de temps recherché par les agriculteurs. 

Environ 240 photos/ha 

Comment ça marche ? « D’abord, il faut établir un plan de vol, puis réaliser le vol au-dessus de la parcelle identifiée », ajoute Aymeric Lepage, conseiller agroéquipements à la CA de l’Aisne. Pour ce faire, les conseillers doivent être habilités, il est nécessaire de détenir aujourd’hui un certificat d’aptitude de télépilote. Les trois drones testés dans le cadre de cette étude :  DJI Phantom 4 RGB,  DJI Phantom 4 multi-spectral (RTK) et  DJI Matrice 300, embarquant un capteur multi-spectral à haute résolution. 

Plan d’un vol de drone. Dans cette étude, les équipes des CA de l’Aisne et de la Somme testent plusieurs drones et différentes hauteurs et vitesses de vol pour déterminer le meilleur compromis entre efficacité et précision.  (©TNC)

Durant le vol, le drone prend « en moyenne 240 photos/ha », qui sont ensuite traitées pour proposer des cartes de préconisation du traitement herbicide. Les CA testent plusieurs services prestataires, déjà présents sur le marché comme Abelio, Phytodrone, Chouette vision et Alteia. « La première année, le traitement de l’image était spécifique, c’est-à-dire qu’il consistait à différencier les rangs de betteraves. Tout ce qui était en dehors était considéré comme une adventice. Pour cette campagne, les essais vont plus loin avec des services incluant l’intelligence artificielle, qui permettent de reconnaître spécifiquement les chardons des autres adventices », indique Aymeric Lepage.

Pour cet essai sur betteraves, le traitement des images a permis de repérer 0,5 ha à traiter sur 11 ha (1 m de zone tampon). À partir de ces données, on peut estimer que le passage localisé avec le pulvérisateur de Laurent Cardon (Horsch Leeb-5T) permet d’économiser 80 % d’herbicide par rapport à un traitement en plein dans ce cas. 

Laurent Cardon a pu récupérer, la semaine suivante du vol, la carte de préconisation à insérer dans la console de son pulvérisateur. Les zones en vert de la parcelle correspondent aux zones à traiter. (©Chambre d’agriculture de l’Aisne)

Un service bientôt accessible pour tous ? 

Si les résultats de cette étude sont concluants, les équipes des CA des Hauts-de-France entendent proposer rapidement ce service de détection des adventices au plus grand nombre avec les cartes de préconisation et tout l’accompagnement nécessaire, peut-être dès l’année prochaine. Il sera intégré au pack « Proagri agriculture de précision », déjà existant au niveau national et regroupant les prestations liées à l’agriculture connectée. Les équipes évaluent aussi « la capacité des pulvérisateurs à gérer les cartes de préconisation, notamment de frappe ciblée : bonne intégration de la carte de préconisation et précision de la localisation. Car tous les pulvérisateurs ne réagissent pas de la même manière, rappelle Aline Dupont. Demain, l’objectif serait de pouvoir utiliser un pulvérisateur classique, débloqué juste pour la modulation et la coupure de tronçons, pour faire de la frappe ciblée, et pas forcément un pulvérisateur de dernière génération ». 

Concernant le côté économique, difficile encore de se prononcer, le service étant toujours en phase de test. Néanmoins l’idée reste de « proposer un service économiquement viable pour l’agriculteur et écologiquement intéressant, souligne Aymeric Lepage. Sachant que le coût d’un herbicide spécifique chardons en plein sur betteraves tourne autour de 20 €/ha, c’est une limite à ne dépasser ».