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Étude de la Fnab

Agricultrices bio et « engagées »


TNC le 09/03/2020 à 18:49
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(©C Eric, Fotolia)

En 2018, la Fédération nationale de l'agriculture biologique (Fnab) a mené, en partenariat avec l'Agence bio, une enquête sur la place des agricultrices sur les exploitations biologiques. Au lendemain de la journée des droits des femmes, cette étude, qui permet d'en savoir davantage sur leur profil, se révèle riche en enseignements et montre qu'il y a encore des choses à faire pour progresser en matière d'égalité hommes/femmes en agriculture, y compris en bio.

Favoriser « l’égalité entre les personnes » pour « une société plus juste, plus harmonieuse et plus solidaire » fait partie de la charte des valeurs de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab), adoptée en 2016. Dans cette logique, l’organisation a lancée en 2018, en partenariat avec l’Agence bio, une enquête sur « la place des femmes dans l’agriculture biologique et les freins à leur engagement dans le réseau et, plus largement, dans les mouvements agricoles ». L’objectif : faire des propositions pour renforcer encore davantage leur rôle. 2 500 productrices ont ainsi été interrogées, soit un quart environ des agricultrices bio françaises. Voici les principaux enseignements qui ressortent que ce travail.

Lire aussi  : La Fnab sort un guide pour aider les femmes à s’installer en bio

Le profil des productrices bio : jeunes, diplômées, engagées…

1) Elles ne sont pas issues du monde agricole :

  • 60 % n’ont pas d’agriculteur dans leur famille.
  • 1/4 ont effectué une reconversion professionnelle.

Auparavant, elles exerçaient en majorité un métier « tertiaire, dans l’enseignement, la formation, les services à la personne et principalement le para-agricole, avec un certain nombre d’anciennes salariées d’organismes d’appui à l’agriculture biologique ou de métiers liés à l’environnement ».

2) Elles sont jeunes, très diplômées, cheffes d’exploitation et engagées :

  • 45 ans en moyenne (6 ans de moins que les agricultrices conventionnelles).
  • 79 % vivent en couple et 51 % ont des enfants.
  • 40 % de Bac + 3 et plus, 64 % ont suivi un enseignement agricole (formation initiale ou continue).
  • 46 % de cheffes d’exploitation :

– 60 % chez les femmes en reconversion professionnelle et un peu moins de 40 % pour celles qui sont originaires du milieu agricole et pour lesquelles « l’installation en agriculture biologique semble être plutôt un projet de couple ».

– 34 % sont associées, 8 % conjointes collaboratrices, 4 % salariées et 8 % ont un autre statut généralement précaire (cotisants solidaires ou demandeuses d’emploi par exemple). À noter : 18 % sont pluriactives.

Remarque : il y a moins d’associées (20 % versus 40 %), de conjointes collaboratrices (5 % versus 9 %) et de salariées (2 % versus 5 %) pour les agricultrices en reconversion professionnelle que pour celles qui s’installent directement en agriculture biologique, mais à l’inverse on compte davantage de statuts précaires (11 % versus 6 %).

  • 46 % sont installées en polyculture-élevage et la taille moyenne de leur exploitation est de 50 ha.

Des différences en termes de choix de production existent entre les nouvelles installées en reconversion professionnelle et celles pour lesquelles l’agriculture est le premier emploi. Les premières optent préférentiellement pour le maraîchage (46 %), « qui nécessite un foncier réduit et produit une plus forte valeur ajoutée par unité de surface », puis la polyculture-élevage (33 %), l’arboriculture (26 %), les grandes cultures (16 %) et la viticulture (7 %).

Voir également : Financement participatif/Vente directe − Apporter un « Petit coup d’pouce » aux agricultrices

Les secondes pour la polyculture-élevage (54 %), les grandes cultures (28 %), le maraîchage (22 %), l’arboriculture (20 %) et la viticulture (16 %). La polyculture-élevage est en effet « davantage pratiquée en couple ou en association ». Or, 60 % des reconverties vers l’agriculture gèrent leur exploitation seules. Quant aux grandes cultures, elles sont « très gourmandes en foncier, donc en investissement ou charges locatives », donc plus difficilement accessibles pour ce profil d’installées.

  • 40 % ont converti la ferme reprise au bio.

Leurs motivations : la santé des consommateurs (78 %), le respect de la nature et des animaux (76 %), la nécessité économique (22 %), la diversification des productions (10 %) et des convictions militantes. 

  • 53 % sont membres d’un syndicat et 21 % sont ou ont été responsables professionnelles.

« 12 % occupent ou ont occupé des mandats politiques locaux et 25 % se déclarent prêtes à s’investir plus dans la vie politique locale ou dans des organismes agricoles. » Un taux d’engagement plutôt élevé, au regard de « la forte charge de travail professionnelle et domestique de ces exploitantes et de leur faible utilisation du service de remplacement (voir plus bas) », mais qui « n’est pas si surprenant si l’on considère la démarche militante qui a les amenées à l’agriculture biologique ».    

D’ailleurs, 62 % d’entre elles sont adhérentes d’une organisation de défense de l’agriculture biologique ou paysanne (Fnab, Civam, Amap…) et 13 % y exercent ou y ont exercé un mandat professionnel. « L’accompagnement à l’installation et à la conversion semblent effectivement stimuler les adhésions. » De plus, « les organisations d’appui à l’agriculture biologique nourrissent le sentiment d’appartenance au groupe des producteurs(.rices) bio ». 

Retrouvez aussi cet article réalisé dans le cadre de la journée du droit des femmes 2020 :
Agricultrices et éleveuses de Drôme/Ardèche s’interrogent sur leur place et rôle

… mais encore « prisonnières » d’un modèle social traditionnel 

Quand elles travaillent avec leur conjoint (45 % d’entre elles),

1) elles semblent affectées à certaines tâches :

comme la comptabilité et les papiers (80 % s’en chargent, dont 38 % en totalité), les soins aux animaux, la diversification (44 % transforment seules les produits de la ferme, 42 % les vendent à la ferme et 36 % sur les marchés), les hommes s’occupant des cultures.

À noter : elles préféreraient un meilleur partage du travail administratif mais ne semblent pas se plaindre d’assumer presque entièrement la transformation et la vente directe.

2) elles prennent en charge les corvées ménagères : 66 % contre 26 % des Françaises. On retrouve « la spécificité sexuelle du travail domestique des ménages agricoles en dépit des caractéristiques singulières des productrices bio » évoquées ci-dessus.

Les derniers chiffres de l’agriculture bio : 7,5 % de la SAU, + 31 % en grandes cultures : 2018 marque un tournant vers le bio

Ainsi, « l’engagement en agriculture biologique ne paraît pas avoir d’impact sur les rapports sociaux de genre tant au niveau du travail à la ferme que dans le champ domestique ». Néanmoins, « l’absence de données équivalentes pour l’agriculture conventionnelle ne permet pas de tirer de conclusion définitive » en la matière.

→ Logiquement, le manque de temps est le principal frein à l’engagement professionnel pour 64 % d’entre elles : 33 % invoquent aussi la difficulté de concilier vie perso, pro et syndicale, 23 % le sentiment de ne pas y avoir sa place et 18 % celle de se faire remplacer sur la ferme. En effet, « peu de femmes ont recours au service de remplacement pour leurs activités syndicales » : 16 % seulement les utilisent pour pouvoir s’impliquer dans des syndicats agricoles et 8 % pour « s’engager spécifiquement dans des structures agricoles biologiques ».

4 axes de travail pour renforcer la place des femmes en bio

À partir de tous ces chiffres et du profil type de l’agricultrice bio émanant de son enquête, la Fnab a fait ressortir quatre axes de travail pour « renforcer la place des femmes en agriculture biologique » :

1) Enrichir les données 

Ceci « en approfondissant et en actualisant » cette enquête et en incluant des partenaires (MSA, Insee…) dans ce travail.

2) Redonner du pouvoir aux agricultrices

Il s’agit de leur fournir des « outils » pour pallier le « manque de temps », en se rapprochant en particulier du service de remplacement, de développer des groupes de discussions locaux et de créer, par exemple, un « concours pour identifier des idées innovantes » en la matière.

3) Sensibiliser l’ensemble du réseau

Le but est de diffuser les résultats de cette réflexion auprès de tous les salariés de la Fnab et de « pérenniser le groupe de travail national femmes ».

4) Mobiliser l’ensemble des partenaires du monde agricole

Comme l’enquête soulève beaucoup de problématiques communes à toutes les agricultrices, bio et conventionnelles, il importe de travailler de concert avec tous les acteurs du monde agricole, en premier lieu l’enseignement, le ministère de l’agriculture, les syndicats, les chambres d’agriculture, les organisations économiques, etc.