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Pâturage

Traquer le gaspillage d’herbe pour maximiser le potentiel des prairies


TNC le 30/03/2023 à 05:04

Si le changement climatique affecte le potentiel des prairies, des marges de manœuvre subsistent dans la traque au gaspillage. Pour chaque saison, ses astuces pour optimiser l'utilisation de la ressource en herbe.

La prairie est un véritable gisement de protéines, mais encore faut-il aller les chercher. Tel est l’objet de l’intervention de Patrice Pierre, chef de projet au service fourrage de l’Institut de l’élevage aux journées de l’AFPF. 

Au Haras national du Pin dans l’Orne, les prairies permanentes fournissent 1,9 t de MAT par hectare par an grâce à des conditions climatiques favorables. Avec des terres plus séchantes et un arrêt de végétation marqué l’été, la ferme expérimentale de Thorigné d’Anjou (Maine-et-Loire) produit environ 1 t de MAT par hectare et par an sur ses prairies. « En bref, selon les parcelles, il y a une à deux tonnes de MAT à aller chercher chaque année, et il faut s’en donner les moyens ! », introduit l’expert.

Si le potentiel des prairies est régulièrement revu à la baisse avec le changement climatique, des marges de manœuvre existent pour optimiser le pâturage et éviter le gaspillage.

  • Pâturer ras

Pour obtenir un fourrage riche en MAT, « il faut pâturer ras », souligne Patrice Pierre. Il conseille d’opter pour des hauteurs de sortie comprises entre 5 et 6 cm, surtout au printemps lorsque les conditions d’exploitation sont bonnes. « Les éleveurs ont souvent une barrière psychologique. Ils craignent que ça abîme les prairies, mais il n’y a pas de problème tant qu’on ne surpâture pas. »

Et pour l’expert, il ne faut pas avoir peur de laisser ses animaux plusieurs jours sur un même paddock. « Accepter de perdre 2 kg de lait par vache et par jour en fin de paddock, c’est rentable ! La baisse de production est compensée par une meilleure valorisation à l’hectare. » À l’échelle d’une saison de pâturage de 150 jours, accepter de perdre 250 kg de lait par vache permet de valoriser 1,5 à 2,1 t de MS en plus. 

  • Pâturer tôt

Pour Patrice Pierre, pas de débat : « il faut mettre à l’herbe dès que ça porte. » Pas besoin d’avoir beaucoup de biomasse au pied, l’herbe n’en sera que plus concentrée en MAT. Et si la surface par vaches est importante, la sortie précoce aide à ne pas se laisser dépasser par l’herbe. C’est aussi l’occasion d’assurer un premier nettoyage de la végétation résiduelle, et de créer un décalage entre les différentes parcelles avant l’accélération de la pousse.

Idem pour le troupeau allaitant : « dans certaines régions, ou pourrait gagner 10 à 15 jours d’herbe avec un démarrage plus précoce ».

  • Ne pas être lésiner sur l’azote

La fertilisation azotée en sortie d’hiver permet d’accélérer le démarrage de la végétation sur les graminées, comme sur les prairies multi-espèces. « Une quarantaine d’unités d’azote peuvent être apportées », estime le conseiller. Il est possible d’étaler les dates d’apport afin d’avoir des niveaux de pousse différents pour le pâturage tournant.

Luc Delaby, ingénieur de recherche à l’Inrae de Rennes, insiste sur ce point. « Il y a des éleveurs qui font l’impasse sur la fertilisation azotée en partant du principe que les prairies produisent peu. Mais en raisonnant comme ça, elles produisent encore moins ! C’est un cercle vicieux. » Pour pâturer, il faut se donner les moyens d’avoir de l’herbe.

  • Faucher tôt

La fauche est au service de la repousse. À l’échelle d’une année, les rendements en herbe varient peu entre fauche précoce et fauche classique. Mais en fauchant plus tôt, on peut gagner jusqu’à 2,5 points de MAT. « C’est 1 t de MAT en plus à l’hectare par rapport à une situation fauchée à la date classique », appuie Patrice Pierre.

Mais faucher tôt, c’est aussi multiplier les chantier de récolte, avec un coût plus élevé rapporté à la tonne de matière sèche. 

  • Pâturer les reports sur pieds

Le pâturage de stock sur pied peut venir au secours de la période estivale. Et cela s’anticipe dès le printemps. Des végétations doivent être laissées au repos durant le mois de mai ou juin, pour être pâturées en juillet. Les animaux mangent alors des repousses de 50 à 60 jours.

Seule condition, maîtriser l’épis. Le caractère remontant de la végétation affecte la qualité du fourrage. « L’objectif, c’est d’avoir une repousse feuillue, surtout en vache laitières. Les bovins viande tolèrent plus facilement les épis. » Pour compenser la baisse de la valeur nutritive des graminées, il est conseillé de proposer une parcelle avec un excès de légumineuses. 

Pour le report sur pied, privilégier autant que possible les sols profonds, « sinon l’on obtiendra du foin sur pied… », et rationnez l’utilisation du couvert avec un pâturage au fil.

  • Diversifier les couverts

Il est toujours bon de renforcer la capacité productive des prairies. Pour ce faire, il peut être intéressant de sortir de la traditionnelle association ray-grass trèfle au profit d’espèces permettant d’allonger la saison de pâturage. La prairie multi-espèces est donc un levier pour allonger la saison de pâturage, avec des plantes offrant des périodes de pousses complémentaires.

Sur la ferme expérimentale de Thorigné d’Anjou, des essais ont comparé des prairies à deux espèces, avec d’autres à 6 ou 7 espèces. Et les parcelles les plus diversifiées sont les plus productive. Résultat :1,5 à 2 t de MS/ha en plus sur l’année.

  • Pâturer en hiver

Il ne fait pas négliger les repousses automnales. « L’herbe d’automne a parfois l’image d’une herbe de mauvaise qualité, et certains éleveurs ne vont pas la chercher alors qu’elle présente des valeurs protéiques intéressantes. » 

Le changement climatique modifie les conditions hivernales, et offre des pousses d’herbe de qualité même en hiver. « Cela permet d’obtenir une herbe feuillue, d’assez bonne qualité azotée ». Selon la portance des sols, les repousses hivernales peuvent être pâturées sans conséquence sur le potentiel de rendement de la prairie, à condition bien sûr d’éviter le surpâturage.