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[Reportage] Thermovoltaïque

Sécher du fourrage en produisant de l’électricité, c’est possible !


TNC le 10/05/2019 à 06:04
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Le Gaec des feuillages ne regrette pas son investissement dans un séchoir solaire pour améliorer la qualité de sa production de luzerne. Et le troupeau de chèvres laitières non plus ! En plus de sécher en grange, l'installation produit de l'électricité. Outre la quasi-autonomie alimentaire de l'élevage, le système rapporte 6 000 euros de chiffre d'affaires supplémentaire grâce à l'électricité.

Damien Bouchet, associé du Gaec des feuillages, a présenté le séchoir « solaire » installé sur sa ferme à Blanzay (Vienne). Pas moins d’une trentaine d’éleveurs ont fait le déplacement pour découvrir l’installation et la technologie thermovoltaïque. Le principe est simple : récupérer la chaleur produite par les panneaux solaires qui produisent de l’électricité pour sécher du fourrage en grange.

Sébastien Ackermann, fondateur de Base Innovation, détaille le fonctionnement de son système. « En produisant de l’électricité, le panneau solaire chauffe et perd environ 10 % de capacité à produire de l’énergie », indique-t-il. Fort de ce constat, l’idée de refroidir les panneaux avec de l’air a germé dans sa tête. « L’échangeur capte la chaleur dans l’air qui circule dans l’espace compris entre le dessous du panneau et la toiture. Résultat : l’air plus chaud aspiré et propulsé par un énorme ventilateur sèche la récolte entreposée dans les cellules de séchage à plat.

Découvrez aussi : Au Gaec Hannebique (62), 50 000 € d’investissement ont été nécessaires pour autoconstruire un séchoir en grange de luzerne

Améliorer la qualité de la production

Au démarrage du projet, l’objectif de Damien Bouchet était d’améliorer la qualité de sa production de luzerne destinée à l’alimentation de ses 250 chèvres laitières. Selon les années, le paysan était parfois obligé d’acheter de la luzerne déshydratée pour combler le manque. Trop dépendant des cours des marchandises, et souhaitant parallèlement bénéficier d’une solution de séchage pour sa production de tournesol et de maïs, l’homme réfléchit à une nouvelle installation.

Trois solutions semblent correspondre à ses besoins : le séchage traditionnel, la chaudière à biomasse ou le déshumidificateur. C’est seulement plus tard que celle proposée par Base Innovation sera étudiée car travailler de la luzerne en vrac ne semblait pas pertinent pour Damien. C’est l’Ademe qui a orienté l’exploitant vers l’entreprise bordelaise. Après trois ans de réflexion, le choix s’oriente finalement vers le thermovoltaïque.

Découvrez : Le panneau solaire qui produit plus de chaleur que d’électricité

Sécher en grange demande d’adapter sa façon de travailler

« Le séchage en grange a nécessité d’adapter notre façon de travailler. D’abord, j’ai investi dans une remorque autochargeuse de 30 m3. Attention de choisir un modèle qui ne découpe pas trop la matière pour le tassement dans les cellules. Je répartis la fauche des 15 ha sur trois jours, soit 5 ha/jour. C’est l’équivalent de la capacité de stockage des deux cases remplies sur 2 m de haut. La troisième me sert à stocker le fourrage sec », détaille l’éleveur.

Fatigué de travailler la nuit pendant les foins, le rythme différent correspond mieux aux attentes du fermier. « Je récolte le matin de 7 à 12 h. Cela suffit pour rentrer la récolte en préservant sa qualité. Il vaut mieux éviter de travailler la luzerne en plein soleil », conseille-t-il. Certes, le chantier s’étale sur trois semaines mais, hormis à la première coupe, l’impact sur la végétation est nul ! Le décalage se gère en anticipant légèrement la coupe de la première parcelle.

Les chèvres raffolent de la luzerne séchée en grange

Résultat : les chèvres raffolent de leur nourriture. « Depuis que je sèche en grange, la ration est plus précise. Auparavant, avec les balles, je chargeais la mélangeuse à ± 50 kg. Désormais, le fourrage en vrac chargé à la pince est à 10 kg près », insiste-t-il. Et d’ajouter : « Sans oublier que les bêtes adorent le croustillant de la luzerne séchée en grange. La plante est quasi intacte. Il ne manque pas une feuille ! Sans compter l’odeur qui s’échappe du bâtiment pendant le séchage. Un argument supplémentaire car en plus du côté vertueux de la production d’énergie photovoltaïque, les promeneurs apprécient la bonne odeur de fourrage », explique l’agriculteur, soucieux de son image.

Depuis la mise en route de l’installation, Damien achète uniquement du correcteur azoté si nécessaire. « L’autonomie alimentaire de mon élevage atteint 95 % ! C’est appréciable de ne plus être dépendant du cours des matières premières. Et ça se voit sur la marge. À noter aussi que la production d’électricité rapporte 6 000 euros de chiffre d’affaires supplémentaire. Du coup, le ROI de l’investissement de 300 000 € est estimé à 10 ans », ajoute-t-il.

Le ventilateur souffle 50 000 m3 d’air chaud

« En termes de charges, le moteur du ventilateur de 50 000 m3 consomme environ 2 500 € d’électricité par an. L’automate qui pilote le système gère la mise en route et l’arrêt de l’installation. Par exemple, la nuit ou les jours gris, dès que les panneaux ne produisent pas d’électricité, le séchoir ne tourne pas. C’est assez rare de ne pas pouvoir sécher », indique le producteur.

Et Sébastien Ackermann d’ajouter : « Il suffit d’un écart de quelques degrés pour sécher. C’est le différentiel d’hygrométrie de l’air qui capte l’eau. D’ailleurs, inutile de pousser trop d’air pour accélérer le séchage. Mieux vaut sécher plus lentement car l’air a plus de temps pour embarquer les molécules d’eau. En prime, le dispositif consomme moins d’énergie !

Damien Bouchet conclut son intervention en précisant que dans sa situation, « le thermovoltaïque répond à ses attentes. » Cependant, il alerte les porteurs de projets à prendre le temps nécessaire pour bien réfléchir et mûrir le projet, qui demande parfois de la remise en question. Dans son cas, la solution n’avait pas du tout été envisagée au démarrage. Pour ceux qui souhaitent voir un séchoir et bénéficier de l’expérience de l’agriculteur, Base Innovation organise régulièrement des journées d’échanges in situ.