Accéder au contenu principal
Chez Dominique Sautré, éleveur (88)

Robots, pâturage, séchoir en grange et stabulation 5* pour ces dames Jersiaises


TNC le 30/06/2023 à 09:00

Chez Dominique Sautré à Haréville dans les Vosges, il y a eu un avant et un après incendie, mais jamais aucune démotivation. L'éleveur conduit 85 laitières dont une majorité de Jersiaises en mixant l'extensif du bio et les nouvelles technologies.

Cap à l’Est pour ce nouveau reportage ! Dominique Sautré nous ouvre les portes de son exploitation située à Haréville dans les Vosges. Installé depuis 39 ans à la suite de ses parents, il élève aujourd’hui 85 vaches laitières et leur suite sur 190 ha de SAU, le tout en agriculture biologique. Seul sur l’exploitation, il fait appel à du salariat ponctuel notamment pour la grosse période de fenaison au printemps. Son épouse, qui travaille à l’extérieur, et son fils, qui termine ses études, l’aident aussi régulièrement. Dominique est d’ailleurs fier d’annoncer : « Je vais installer mon fils d’ici la fin de l’année et je finirai ma carrière avec lui ».

La SCEA Sautré (88) en quelques chiffres :1 UMO (+ aide ponctuelle)190 ha de SAU :- 70 ha labourables (luzerne pour 3 ans en rotation avec des céréales – 10 ha/an retournés)- le reste en prairies permanentes (dont 37 ha accessibles)85 vaches laitières et leur suite (Jersiaises, Prim’holstein et quelques Montbéliardes)350 000 l de référence laitière (Fromagerie de l’Ermitage)Production moyenne de 5 000 l/VLTaux : 46/36Exploitation en AB depuis 1977Séchoir en grange (350 t/an)Panneaux solaires : 500 kW en location de toiture, 140 kW en revente totale et 24 kW en autoconsommationEARL récemment transformée en GFA + SCEA (qui détiend animaux et matériel) + SAS (qui elle détient 49 % de la SCEA)Chiffre d’affaires de la SCEA en 2022 : 220 000 €EBE : 100 000 €

Si ici tout est neuf, c’est parce que la ferme historique a été ravagée en 2019 par un incendie. Ce drame a marqué les esprits mais il a surtout révélé la solidarité du monde agricole. « Ça a pris dans le foin qui était au séchoir, se souvient Dominique. Comme nous avions des panneaux solaires au-dessus, les pompiers n’ont pas pu faire grand chose et ça s’est propagé partout car les bâtiments étaient accolés les uns aux autres à l’époque. »

Heureusement, il n’y a pas eu de blessés et l’éleveur n’a perdu aucune vache. Mais il a fallu tout refaire, et surtout caser les vaches pendant la reconstruction qui a mis environ deux ans. « J’ai pu en mettre en pension chez d’autres éleveurs, et en traire pas mal chez un voisin qui arrêtait la production mais qui avait encore toute son installation. » Une période difficile mais qui est aujourd’hui derrière lui : Dominique a remonté 8 500 m2 de bâtiments (plus espacés cette fois-ci) et en a profité pour apporter plus de confort aux vaches.

Une stabulation tout confort pour un travail simplifié

Très actif dans le milieu agricole (notamment au sein du service de remplacement et de la fédération des groupements d’employeurs), Dominique Sautré a conçu un système simple afin de limiter son temps de travail. « Sur l’élevage, je mets 1h le matin et 1h le soir. Ce qui prend encore trop de temps à mon goût c’est l’alimentation des veaux, alors le prochain investissement sera un taxi-lait », plaisante-t-il.

Ce qui lui fait gagner un temps précieux, ce sont ses deux robots de traite Fullwoord Packo, mis en route en même temps que les nouveaux bâtiments en 2021.

Autre changement à cette même période : le passage en litière malaxée. « Avant, les vaches étaient en aire paillée mais je n’étais pas autonome en paille avec mes 30 ha de céréales. J’avais ce projet depuis longtemps, j’étais allé voir d’autres élevages à l’étranger et j’avais commencé à implanter du miscanthus avant l’incendie. » La construction de la nouvelle stabulation a été l’occasion de franchir le cap.


L’éleveur alterne miscanthus et plaquettes de bois pour sa litière malaxée. Il compte aussi testé le mélange des deux. ( © Terre-net Média)

L’éleveur mélange aujourd’hui miscanthus (300 m3/an –  3ha30) et plaquettes de bois (100 t/an). Il en dispose 30 cm deux fois par an et passe au quotidien avec un outil à dent de type canadien. « Le but c’est de remuer en surface. Avec un bâtiment assez aéré comme celui-là, ça sèche très vite. » Niveau temps de travail, ça n’a plus rien à voir : il y passe 15 min/j contre quasiment 1h à pailler avant. Et côté cellules aussi, la différence est notable : le troupeau ne dépasse jamais les 120 000 cellules.

Certains diront que l’incendie aura été une « opportunité » pour l’éleveur qui a pu reconstruire ses installations en mieux, mais Dominique l’affirme : « J’étais déjà parti dans cette mouvance de simplification de travail et d’équipement avant ». Inutile de se justifier davantage, on imagine les heures et les jours difficiles qu’a pu traverser la famille Sautré le temps d’accuser le coup et de tout rebâtir…

Un système basée sur l’herbe

Les vaches sont nourries à l’herbe toute l’année : elles ont 37 ha de prairies accessibles autour de la stabulation. Elles sont en pâturage tournant sur trois jours et au foin l’hiver. Pour être certain de passer tout le monde aux robots, Dominique bloque les bêtes deux fois par jour en stabulation : le matin à 8h où elles ont une ration de foin à l’auge avec des céréales, et même chose le soir. Elles ne ressortent qu’après être passées par le robot. La moyenne est à 2,4 passages/VL/j au robot en hiver et 2 en été. L’hiver, l’éleveur passe ses fins de lactation en monotraite.


Les robots sont en passage forcé : c’est la condition pour que les vaches puissent ressortir en pâture. ( © Terre-net Média)

Ration des vaches laitières :- herbe (pâturage et foin à volonté à l’auge)- 1 kg de céréales applaties à l’auge- 1,2 kg de bouchon de luzerne au robot.

Toujours dans l’optique de réduire le travail, Dominique a conçu une ration simple que tout le monde peut distribuer. Il sort une quantité suffisante de foin du séchoir une fois par semaine, ensuite il n’y a qu’à le distribuer et ajouter les céréales. Il a aussi remplacé l’aliment bio au robot par des bouchons de luzerne, bien moins onéreux.

Une exploitation sur le territoire de Vittel

L’exploitation de Dominique se situe sur l’impluvium de Vittel, qui lui impose un cahier des charges pour la préservation de la nappe : pas de culture de maïs, pas de colza, compostage des déjections, zéro intrant chimique… Mais c’est « une chance » pour l’éleveur : « On a pu bénéficier d’un bâtiment de séchage et d’un autre de compost. Et l’autre plus gros avantage c’est que c’est une entreprise extérieure qui vient sortir le fumier sous les pattes de mes vaches et génisses, le composte et l’épand sur mes terrains, et tout ça gratuitement ! »

 15 min pour préparer mon tas de foin pour la semaine et 5 minutes par jour à le distribuer aux cornadis.

Le séchoir en grange lui permet donc de passer 350 tonnes de foin (de prairie et de luzerne) en vrac par an (récolté à l’autochargeuse). Pour ce faire, l’air chaud qui stagne sous les panneaux solaires est réemployé pour alimenter le séchoir par soufflerie. À cette époque, il a déjà récolté une centaine d’hectares (dont 40 qui ont intégré le séchoir et 60 mis en bottes). Du côté des travaux de plaine, Dominique ne gère que ce qui concerne l’herbe, il délègue le reste. Cela réduit considérablement les charges de mécanisation car il n’a besoin que d’un petit valet de ferme pour le quotidien.


L’éleveur passe 30 ha de luzerne dans son séchoir, plus le foin de prairie. ( © Terre-net Média)

Des Jersiaises pour un lait de qualité

Dominique élevait des Prim’holstein à son installation. Les premières Jersiaises sont arrivées en 2016 : « J’ai depuis toujours un petit quota donc j’ai voulu miser sur la qualité pour amener de la valeur ajoutée. » C’est d’autant plus vrai aujourd’hui : « Avec la conjoncture actuelle, mon lait est déclassé en conventionnel depuis janvier 2022. Heureusement, avec un prix du lait conventionnel correct, plus la laiterie qui me laisse produire plus, je m’en sors plutôt bien. » En effet, l’éleveur devrait atteindre les 430 000 l sur 2023 avec un prix moyen qui frollera les 500 €/1000 l grâce la qualité (46 de TB et 36 de TP). « Les années qui ont suivi l’incendie ont été compliquées en termes de résultats, je commence seulement à être dans un rytme plus normal », avoue l’éleveur.

L’objectif de Dominique est d’avoir à terme 100 Jersiaises à 5000 l de moyenne. Mais cela devrait prendre un petit peu plus de temps que prévu : « Comme j’ai dû mettre mes vaches en pension suite à l’incendie, j’en ai retrouvé de toutes les couleurs. Aujourd’hui, il me reste une trentaine de Holstein, une dizaine de Montbéliardes que j’ai récupérées d’un voisin, et le reste en Jersiaises. » Progressivement, le troupeau devrait changer de couleur pour se stabiliser en marron puisque Dominique a opté pour un taureau Jersiais pour tout le monde.