Sécurité en élevage

Les bovins mâles génèrent plus de 200 accidents chaque année


TNC le 18/01/2023 à 04:59
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Les deux tiers des éleveurs se sont déjà "fait peur", ou ont déjà eu un accident avec un bovin. (©Pixabay)

En moyenne, 225 accidents du travail impliquant un bovin mâle sont enregistrés à la MSA chaque année. Avec de moins en moins de personnes sur les exploitations pour des troupeaux de plus en plus grands, le risque d'accident s'accroît. Comportement animal, choix de la contention ou encore génétique : Vincent Dufour, conseiller à l'Institut de l'élevage nous donne quelques pistes pour travailler en sécurité.

D’après les données de la MSA, les éleveurs déclarent en moyenne 176 accidents du travail impliquant un bovin mâle (taureau, taurillon ou bœuf) chaque année, dont 159 donnant lieu à un arrêt de travail sur la période 2016-2021. La population des salariés agricoles est également exposée à ce risque, avec en moyenne 49 accidents déclarés chaque année. 

56% des agriculteurs ont déjà été bousculés par un bovin

D’après un sondage réalisé du 10 au 17 janvier sur Web-agri, plus de la moitié des éleveurs ont déjà été a minima « secoués » par un bovin. 15 % d’entre eux ont dû prendre un arrêt de travail suite à l’accident, et 10 % être hospitalisés. Parmi les 44 % d’éleveurs n’ayant jamais subi d’accident, plus de la moitié avouent s’être « déjà fait peur ». 

Les mâles reproducteurs – ou non castrés – figurent parmi les animaux les plus dangereux. « La testostérone fait que certains emportements restent inexpliqués » introduit Vincent Dufour, formateur en manipulation et contention des bovins à l’Institut de l’élevage. « Souvent, lorsqu’on est éleveur, on aime les animaux et c’est tant mieux ! Mais la relation Homme-animal n’est pas une relation de copinage », avertit le conseiller. La différence de poids entre un taureau et son éleveur est telle, que l’animal peut le blesser par jeu, sans excès particulier de méchanceté. 

Les principales activités en cause sont la manipulation et la contention des bovins (38 % des accidents), ainsi que les soins aux animaux (23 % des accidents), généralement générés par des bousculades, où l’éleveur se fait coincer par l’animal (37 % des cas), ou des mouvements brusques du bovin (10 % des cas).

On ne peut pas faire confiance à un taureau

« Je ne pense pas que l’on puisse faire confiance à un taureau. Il faut le considérer comme le père des futurs veaux des vaches, lui donner les soins nécessaires, si possible via la contention, et c’est tout, poursuit l’expert. Beaucoup aiment les chouchouter, les caresser lorsqu’ils ramènent un baquet en pâture, mais ça ne sert à rien de prendre ce genre de risque. On recense trop d’accidents lourds en conséquences. Je sais bien que dans 99 % des cas, tout se passe très bien, mais le risque ne vaut pas d’être pris. De même, on évitera de rentrer dans une case de mâles à l’engraissement en dehors des soins ».

Plutôt que de nouer une relation avec les mâles, Vincent Dufour conseille de se rapprocher davantage des reproductrices. « Créer une relation avec les génisses que l’on va garder a beaucoup plus d’intérêt ». Le conseiller propose ainsi de rester 5 à 10 minutes chaque matin dans la case des veaux sevrés dans les quinze jours suivant le sevrage pour se familiariser avec eux. Pour ce faire, adopter la posture du « non prédateur » (assis, le regard vers le sol) pour se laisser approcher par les animaux en manque d’affection. « C’est également un bon moyen de sélectionner les animaux que l’on va garder. La génisse qui ne se laisse pas approcher, par crainte ou indocilité n’est pas forcément celle qu’il faut garder… »

Le calme du troupeau est également un travail au quotidien. Pour la sécurité de l’éleveur, il faut que les vaches soient « dociles », et « acceptent d’être approchées ». Pour ce faire, le conseiller propose d’aller voir ses animaux souvent, à des horaires fixes, de leur parler, de les manipuler ou de les faire passer de temps en temps en contention pour qu’ils en prennent l’habitude. Enfin, ne jamais baisser la garde : « l’animal le plus dangereux est parfois celui dont on n’a pas peur ». 

La contention, un outil indispensable

« Aujourd’hui, on ne peut plus travailler sans contention », estime Vincent Dufour. Mais le confort de travail apporté par le dispositif peut être tout relatif, « ça n’est pas parce que le vendeur vous propose une contention qu’elle est adaptée à votre exploitation ! ». Le système de contention doit être réfléchi selon l’organisation de chaque exploitation. Il faut par exemple être vigilant à éviter les changements de luminosité. On évitera ainsi de diriger les bovins face au soleil couchant ou levant, ainsi que vers le Sud, ce sans quoi « il faudra taper pour les faire avancer ! ». De même, les courants parasites et mauvaises installations de prises de terre peuvent nuire à la bonne circulation des animaux.

Enfin, le système de contention ne fait pas tout. Il faut également veiller à son bon entretien, ou à la facilité d’usage des barrières. Des cessions de formations, ainsi qu’un accompagnent de la MSA (Service santé et sécurité au travail) ou de l’Institut de l’élevage peuvent permettre d’accompagner les éleveurs dans leurs choix d’installations.

La sélection génétique au secours du comportement

La génétique peut également aider à la sélection des animaux, via deux index :

  • L’index COMPsev, issu du comptage du nombre de mouvements brusques sur 10 secondes en contention comparé aux autres animaux, permet d’avoir un aperçu du comportement de l’animal. « C’est une manière d’analyser le tempérament de l’animal et de voir s’ils ont été habitués à être approchés par l’homme ».
  • L’index REACsev, attribué lors du pointage des veaux, évalue l’attitude la plus fréquemment observée durant l’opération. Une note comprise entre 1 (amical) et 7 (charge) est attribuée. Le comportement a une composante héréditaire presque aussi importante que le développement musculaire.

« Les éleveurs auront sûrement remarqué que les femelles ont souvent un tempérament proche de celui de leur mère. S’il est possible de travailler le comportement par la voie mâle, le veau est souvent élevé par sa mère, l’incidence sur le comportement est donc plus grande », constate le conseiller.