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Main-d'œuvre familiale en baisse

Le salariat se développe, mais une étape plus qu’un métier


TNC le 19/12/2022 à 07:56
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Difficile de fidéliser les salariés en élevage... Une solution pourtant au manque de bras et au renouvellement des actifs ! (©TNC)

Lors des 26e Rencontres recherches ruminants, Jean-Noël Deyperot du Centre d'études et de prospective du ministère de l'agriculture, a présenté un travail sur la main-d'œuvre en élevage. Si la pénurie paraît inéluctable, quelle sera son ampleur et les filières les plus touchées ? Si les salariés sont plus nombreux, compenseront-ils la baisse des actifs familiaux ? Pas sûr, ce métier étant plutôt transitoire avant une installation ou une reconversion dans un autre secteur.

Autant d’installés, sans renouveler les actifs 

  • Des éleveurs moins âgés

En ruminants qu’en productions végétales en tout cas. « En moyenne, ils continuent moins fréquemment et moins longtemps leur activité au-delà de l’âge de la retraite », détaille Jean-Noël Depeyrot du Centre d’études et de prospective du ministère de l’agriculture (CEP). Aux  26e Rencontres recherches ruminants (3R), les 7-8 décembre, il exposait un travail mené sur la pénurie de main-d’œuvre en élevage. Mais les écarts entre filières sont importants : c’est en bovins lait et viande que le vieillissement est plus marqué, avec une nette augmentation des départs dans les prochaines années. 

  • Un nombre d’installations stable

« Depuis plusieurs années, le flux d’installés se maintient, autour de 2 000 par an, même si cela ne suffit pas à renouveler les actifs − plutôt que les générations, précise-t-il, ce terme devenant moins approprié avec la hausse des transmissions hors cadre familial. » À noter : seuls 25 % des fils d’agriculteurs s’installent aujourd’hui, un pourcentage qui tombe à 6,5 % pour les filles.

« En viande bovine, la situation est duale, poursuit l’expert. On observe principalement des installations individuelles avec de petits troupeaux (moins de 20 VA), le plus souvent en double activité, ou à l’inverse, en Gaec à 3 ETP avec des cheptels de plus de 100 vaches : 4 343 et 3 149 respectivement sur un total de 17 550. « De manière générale, le nombre d’installés double actifs augmente, ce qui illustre la difficulté à trouver des structures de taille suffisante dès le départ pour pouvoir en vivre. »

Nombre d’installations en bovins viande selon la taille de troupeau. (©Agreste – Recensements agricoles 2010 et 2020, traitement idele)
  • De plus en plus de sociétés(cf. tableau plus bas)

Le nombre d’élevages sous forme individuelle baisse bien plus fortement par rapport aux sociétés (- 40 % contre – 2 %).

  • Un niveau de formation qui augmente

55 % des éleveurs en activité en 2020 ont au moins le bac (général ou agricole) et ce sont en productions laitière et allaitante qu’ils sont les plus formés (pourcentages respectifs de bacheliers et diplômés de l’enseignement supérieur de 60 et 50 %, tous cursus : général, agricole…). Ce qui est toujours vrai chez les installés depuis 2010 : ces chiffres passent à 86 et 73 %. Et encore davantage pour les installations hors cadre familial.  

Niveau de formation des jeunes installés en élevage de ruminants. (©Agreste – Recensements agricoles 2010 et 2020, traitement CEP.)

Moins d’actifs familiaux, plus de salariat

De même, l’effectif de chef(fe)s d’exploitation recule de – 20 % alors que les salariés agricoles sont plus nombreux : + 12 % (cf. tableau ci-dessous). La main-d’œuvre familiale permanente chute, elle, de – 47,5 %. Et si l’on regarde plus en détail l’emploi salarié, les permanents non familiaux augmentent de + 15 % (les salariés familiaux régressent de – 38 %) et les saisonniers ou occasionnels diminuent de – 35 %. Ainsi, les fermes employant des salariés progressent de + 20 % et embauchent principalement des permanents (+ 30 % contre + 20 % pour les occasionnels). Le nombre d’apprentis, lui, s’accroît légèrement pour atteindre 15 000 tous élevages ruminants confondus.

2020 Évolution/2010
Nombre d’exploitations

dont sous statut individuel

dont sous forme sociétaire

144 000

70 200

73 800

– 24,3 %

– 39 %

– 2 %

Nombre de travailleurs permanents

Chef(fe)s d’exploitations/coexploitant(e)s

Salariés permanents non familiaux

211 000

37 400

– 20 %

+ 12%

Nombre ETP/an

Chef(fe)s d’exploitations/coexploitant(e)s

Main-d’œuvre familiale permanente

Salariés permanents non familiaux

Saisonniers ou occasionnels (RA)

255 700

196 800

23 400

27 300

8 100

– 20,3 %

– 18 %

– 47,5 %

+ 15,2 %

– 34,7 %

Source : Agreste – Recensements agricoles 2010 et 2020, traitement idele.

Quid de la prestation de services ? Le recours aux Cuma a progressé de + 44 % mais reste faible : 700 ETP/an. Les ETA sont sollicitées 2 800 ETP/an (principalement pour les ensilages), en hausse de seulement + 3 %. Ce qui s’avère très inférieur aux fermes de grandes cultures.

Qui sont les salariés en élevage ? 

Les salariés agricoles sont plutôt jeunes puisque la moitié a moins de 30 ans (en comparaison de 8 % pour les exploitants agricoles). « Une tendance plus marquée en élevage de ruminants que dans les autres productions. »

Il y a presque deux fois plus d’hommes que de femmes, surtout en bovin lait  et viande, mais la féminisation est supérieure à celle de la population d’exploitants. « En vaches laitières, on compte 1 installation de femme pour 5 d’hommes. Si on rééquilibrait ce ratio, le taux de renouvellement des actifs passerait de 45 à 75 %. 

Âge et sexe des actifs en élevage de ruminants en 2020 (exploitants et salariés). (©RA et MSA 2020, traitement CEP)

Un métier, où on ne fait pas carrière

La pyramide des âges des salariés en élevage montre qu’il ne reste pas longtemps dans le métier, qui souffre donc d’un manque d’attractivité. En 2020, 70 % des salariés ont quitté le secteur, contre 35 % des non-salariés, mais le manque d’attractivité est encore supérieur hors ruminants : 79 et 46 %. Seuls 21 % des salariés font carrière en agriculture et 13 % en élevage. Un sortant sur 10 se réoriente en productions végétales, l’inverse étant plutôt rare. En premier lieu, pour des questions de rémunération : en lait, leur salaire à l’heure est inférieur de 20 % à celui perçu dans les exploitations sans herbivores, et il a baissé de – 4,6 % en 10 ans en euros constants.

Manque de revenu, précarité.

Autre explication : la précarité de statut et donc de couverture sociale, même si davantage de salariés sont en CDI (1/3 pour 50,6 % du volume de travail) en élevage de ruminants que dans les autres secteurs de l’agriculture (18 %). « Mais plus souvent à temps partiel : 60 % de temps plein en moyenne contre 70 % ailleurs », indique Jean-Noël Deyperot. On voit de plus en plus de statut saisonnier, mais moins que dans les autres activités agricoles. » 

Toutefois, «   le salariat et l’apprentissage sont des voies qui mènent à l’installation  : 18,5 % des apprentis deviennent agriculteurs et 15 % éleveurs, et respectivement 14 et 9 % des salariés. L’apprentissage semble donc former davantage au métier d’éleveur », conclut le spécialiste.

La question qui se pose alors : comment fidéliser davantage les salariés en élevage ?