Le nouvel indicateur beurre-poudre devrait peser sur le prix du lait
TNC le 21/04/2023 à 16:10
L’indicateur interprofessionnel « beurre-poudre », utilisé pour établir le prix du lait payé aux producteurs, fait l’objet d’une nouvelle méthode de calcul. Résultat : il plonge par rapport à son niveau de début 2022 en raison de la décrue des cours du beurre et de la poudre, et parce qu’il intègre désormais un coût de transformation presque multiplié par deux par rapport à la valeur utilisée jusqu’ici.
Estimé à 491,20 €/1 000 l pour janvier 2022 et 513,65 €/1 000 l pour février 2022, l’indicateur de valorisation beurre-poudre a ensuite disparu du tableau des indicateurs économiques mensuels publié sur le Cniel, pour réapparaître début 2023 : il a été évalué à 365,17 €/1 000 l pour janvier, à 328,39 €/1 000 l pour février et à 323,55 €/1 000 l pour mars 2023.
Calculé par l’interprofession depuis plus de dix ans, formé à partir des valeurs des cours du beurre et de la poudre de lait écrémé auxquels on soustrait les coûts de transformation, « cet indicateur est une estimation de la valorisation beurre-poudre de la production, et sert de référence dans le calcul du prix payé aux producteurs dans le cadre des contrats entre transformateurs et producteurs », explique Olivier Carvin, chargé de mission économie-emploi sur le blog Agréco, édité par les Chambres d’agriculture de Bretagne.

Pourquoi cette disparition temporaire des tableaux de bord ? « La composante coût de transformation de l’indicateur (établie à 71,77 €/1 000 l, NDLR), n’avait pas été mise à jour depuis 2012. Compte tenu de l’inflation subie en 2021 et surtout en 2022, il a été décidé d’actualiser ce coût et, dans l’attente, de ne plus publier l’indicateur », explique le Cniel.
Les transformateurs dénonçaient de fait un chiffre déconnecté de la réalité de leurs charges et notamment de la flambée des prix de l’énergie et des emballages observés depuis 2021 et décuplée par la guerre en Ukraine.
Après plusieurs mois de concertation, les différents collèges de l’interprofession se sont mis d’accord début mars sur une nouvelle méthodologie de calcul, dont la robustesse et la conformité réglementaire font actuellement l’objet d’un contrôle par un cabinet d’expert-comptable.
La méthode « repose sur une actualisation annuelle du coût de transformation » à partir d’une enquête réalisée auprès des industriels. Pour 2022, ces coûts ont été estimés à 139,8 €/ 1 000 l, quasiment le double de leur valeur précédente.
La forte baisse des cotations du beurre et de la poudre maigre a joué aussi
Cette hausse des coûts de transformation explique que l’indicateur beurre-poudre ait chuté entre février 2022 et janvier 2023, mais elle n’est pas le seul facteur. L’indicateur « fait aussi les frais de la forte diminution des cours des commodités laitières depuis le printemps dernier : – 30 % pour la poudre de lait écrémé entre mars 2022 et mars 2023 et – 19 % pour le beurre sur la même période », reprend Olivier Carvin.

Ce changement n’a pas manqué de faire réagir les éleveurs, notamment sur La page (Facebook) des producteurs de lait. « Encore une fois les industriels ont gagné !, s’exclame Anthony. Certes le montant des coûts de transformation n’avait pas été réévalués depuis 2012 mais quelle contrepartie a demandé le collège producteurs ?? Aucune j’ai l’impression… On se cantonne à publier un prix de revient, qui a quasi deux ans de retard et ne peut pas être utilisé dans les formules de prix. »
Clément abonde : « Toujours pareil, les entreprises laitières répercutent leur coût de transformation normal et les producteurs ramassent les miettes. Pas étonnant que peu de jeunes soient intéressés !! » « Avec les dernières négociations commerciales tout devait aller mieux pour les éleveurs et c’est exactement le contraire », déplore Bernard. Et pour Christophe, c’est « un bon moyen pour faire baisser le prix du lait ».
Si les prix payés aux producteurs étaient encore orientés à la hausse en tout début d’année malgré cette chute de l’indicateur beurre-poudre, « la situation sur les marchés mondiaux commence à se faire sentir sur les prix », rapporte Olivier Carvin.
Plusieurs éleveurs font état de baisses dans les prix annoncés par les laiteries pour les mois qui viennent. « Lactalis, pour (un lait standard en) 38-32, va payer 436 €/1 000 l en avril, 428 en mai et 416 en juin », signale par exemple Corentin. Olivier relaie de son côté un prix de 430 €/1 000 l chez Terra Lacta en lait conventionnel hors-primes pour avril, et 420 €/1 000 l pour mai.
Le recul avait déjà commencé à l’hiver pour d’autres pays européens : entre décembre 2022 et février 2023, le prix a diminué « de 5 % en Allemagne, de 10 % aux Pays-Bas, et de plus de 20 % en Pologne », liste Olivier Carvin.