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Élevage et société

Le bien-être animal, une réalité encore floue pour les consommateurs


TNC le 08/10/2020 à 12:01
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Déjà importants, les débats sociétaux sur l’élevage ont été ravivés par la crise sanitaire et les consommateurs de plus en plus inquiets quant à l’impact de leur consommation sur la perte de biodiversité et la diffusion de maladies. Référendum pour les animaux, proposition de loi en faveur du bien-être animal… L’élevage français est sommé de revoir son organisation jugée trop « industrielle », alors que la notion de bien-être animal reste, dans sa traduction concrète, mal connue des consommateurs français.

Pour des raisons philosophiques, la relation ancestrale entre l’homme et l’animal est de plus en plus remise en cause, et « tous les moyens sont bons pour convaincre les citoyens que l’élevage n’a pas sa place dans une société moderne » : en l’accusant par exemple d’un impact environnemental démesuré ou, récemment, en le mettant en lien avec le développement des pandémies, rappelle Bernard Vallat, vétérinaire et directeur général honoraire de l’organisation mondiale de la santé animale (OIE). Au cœur d’une actualité riche sur le sujet du bien-être animal, la Coopération agricole a organisé, le 7 octobre, une visioconférence pour questionner la relation ambiguë entre élevage et consommateurs.

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Car les Français expriment de plus en plus fortement leurs attentes pour une société plus durable. Ainsi, pour 60 % d’entre eux, il est devenu urgent d’agir face au changement climatique, et 13 % considèrent d’ailleurs qu’il est déjà trop tard, indique Laure Blondel, directrice conseil chez GreenFlex. « La moitié des Français établit un lien entre nos modes de vie et la crise sanitaire », ajoute-t-elle, ce qui se traduit par une volonté de consommer différemment. Et si 84 % des Français déclarent veiller à la qualité de la viande qu’ils achètent, 59 % veillent également à en réduire leur consommation. À noter que pour 27 % des Français, consommer mieux correspond avant tout à consommer moins.

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Une méconnaissance de l’activité d’élevage

Lorsque l’on demande aux Français s’ils veulent des animaux en liberté et la fin de l’élevage en cage, « comment répondre autre chose que oui, quand on ne connait pas le monde de l’élevage, les raisons pour lesquelles on a des animaux en bâtiment ? », reconnaît Gérard Cladière, président du groupe Viande de la FCD (Fédération du commerce et de la distribution).

Antoine Thibault, alias @AgriSkippy sur les réseaux sociaux, partage ce constat. Actif sur Twitter depuis 2016, il communique sur la réalité de son métier d’éleveur laitier. « Il y a une réelle méconnaissance du métier d’éleveur. J’ai senti qu’il y avait une réelle adhésion pour retrouver un lien avec la nature », explique-t-il. Et si tout le monde demande plus de bien-être animal, il ne faut pas oublier que « de base, dans mon métier, le bien-être animal, c’est d’avoir des vaches en bonne santé. Et plus on leur donne des conditions de vie satisfaisantes, plus elles donnent du lait, et plus mon métier est rentable », rappelle-t-il.

Et si les professionnels de l’élevage travaillent au quotidien sur ces questions – Antoine Thibault rappelle que les antibiotiques ont été réduits de 37 % depuis 2012, et que les éleveurs sont formés au bien-être animal – les changements de normes coûtent très chers aux exploitants agricoles qui investissement pour 15 ou 20 ans. Or, le prix reste un critère de choix fondamental pour les consommateurs, a fortiori dans un contexte économique dégradé en raison de la crise sanitaire.

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Différencier bien-être animal et bientraitance

Enfin, il ne faut pas non plus confondre la bientraitance et le bien-être animal, ce dernier correspondant à la façon dont l’animal ressent les actions que l’on met en œuvre, rappelle Luc Mounier, professeur en bien-être animal à VetAgroSup. La relation homme/animal est la pierre angulaire de ce bien-être, ce qui impose donc de penser également au bien-être de l’éleveur, parallèlement à celui des animaux, explique-t-il.

« Je veux bien que tout le monde veuille des vaches en prairie mais si les vaches veulent aller en bâtiment, qui est-on pour imposer les prairies ? », demande Antoine Thibault, qui a récemment mis en ligne une vidéo de ses vaches attendant avec impatience de rentrer dans leur bâtiment. 

Et si les vidéos de L214 mettent en avant des actes de maltraitance, les éleveurs et la filière en général doit donc communiquer davantage « sur le travail qu’on fait en France pour nos animaux, car même si les importations coûtent moins cher, nos animaux sont globalement mieux traités dans notre pays que dans le reste du monde », estime Luc Mounier. « Il faut qu’on arrive à se positionner contre la maltraitance et faire très attention là-dessus pour éviter les amalgames », conclut Mickaël Mercerou, élu référent pour le bien-être animal à La Coopération Agricole.