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En Équateur avec M. Baudot

Des Charolaises à la française élevées en marge de la forêt équatorienne


TNC le 07/09/2023 à 05:01
ConcoursCharolaisdEquateur2023

Concours National Charolais de Macas 2023 en Equateur, jugé par Michel Baudot.

Invité à juger le concours charolais d’Équateur, Michel Baudot revient sur le modèle agricole de ce petit pays d’Amérique du Sud. Malgré des conditions d’élevage à mille lieues de nos standards français, la génétique tricolore y rayonne et fait la fierté des éleveurs locaux.

Michel Baudot, éleveur de Charolais en Côte-d’Or et ancien président du HBC s’est rendu en Amérique du Sud pour juger le concours national charolais d’Équateur. Si tout est dépaysant dans ce petit pays coincé entre la Colombie et le Pérou, la conformation des bovins a tout pour rappeler les campagnes françaises. « C’est assez curieux de voir, entre les deux Amériques, des bovins sélectionnés selon les mêmes standards que chez nous », s’étonne l’agriculteur. « Faire 17 h d’avion et 8 h de voiture pour retrouver les mêmes vaches qu’en Côte-d’Or, ça ne manque pas d’ironie ». Car si la race charolaise bénéficie d’un rayonnement international avec des animaux dans près de 70 pays du monde, tous ne sont pas sélectionnés selon les mêmes standards.

Vaches en lisière de la forêt amazonienne. ( © Michel Baudot)

Une spécificité sur le continent américain

Aux États-Unis et au Canada, le Charolais ressemble plus à un Angus blanc qu’aux bêtes trapues de nos campagnes. « On y trouve du black, red et white charolais ! » s’étonne Michel Baudot. Et ce sont les blacks qui ont le plus de succès, ressemblance à l’Angus oblige. La faute à l’industrie de la viande : entre export et conformation des chaînes de production, « les Américains ont des besoins standardisés ». Toutes les bêtes, charolaises compris, tendent vers les 360 kg de carcasse, avec du gras de couverture. « On masque les caractéristiques de race pour uniformiser le marché ».

Sur la partie sud du continent, le Charolais est également présent sous forme de croisement. Les Charbray, disposant de 5/8ème de sang charolais et 3/8ème de sang brahmans (une espèce de zébu) permettent à la race de s’adapter aux conditions climatiques de l’Amérique du Sud. « C’est devenu une race à part entière, à tel point que la fédération charolaise internationale créée par le HBC français en 1964 s’appelle depuis 2016 Charolais – charbray international. La fédération a cédé à la pression de grands pays comme l’Australie, le Mexique ou les États-Unis et la France y a perdu une partie de son leadership originel », déplore l’éleveur. Question conformation, le Charbray ressemble à un « zébu amélioré » tranche l’agriculteur. « Il a une bosse, plus de muscle qu’un zébu traditionnel, mais aussi plus de rusticité qu’une Charolaise ». Bref, une morphologie à mille lieues du Charolais français.

Si l’équateur a su préserver le sang charolais intact, c’est parce que la filière viande locale est en quête de gros animaux. « C’est une région assez riche en fourrage, ils peuvent se permettre de viser des grosses carcasses ». Dans une logique de consommation locale, les animaux les plus conformés sont aussi les mieux valorisés.

Un modèle d’élevage exotique

Mais si leurs vaches répondent aux standards de la race, le mode d’élevage est pour le moins exotique ! « C’est une région du monde où la pluviométrie est abondante. Compter 3 000 mm par an contre 700 en Bourgogne. La végétation pousse tellement que l’on peut oublier les clôtures », décrit Michel Baudot au retour du voyage. Pas d’enclos donc, mais de longues cordes attachées aux arbres (10 à 15 m) qui permettent aux bovins de pâturer en lisière de la forêt amazonienne. « Les agriculteurs mettent une gaine plastique autour de cordes pour éviter les nœuds, et les bougent lorsqu’elles ont mangé ce qu’il y avait autour de l’arbre ». À l’exception des périodes les plus sèches, les vaches n’ont pas besoin d’eau. Elles s’abreuvent en mangeant, notamment les « Gramaloté », une sorte de sorgho local. Pas besoin de bâtiment non plus : sans saisons, pas d’hiver.

Avec le climat équatorial, pas besoin de bâtiments. Les vaches profitent des arbres et de la pluie pour se rafraîchir. ( © Michel Baudot)

La Charolaise s’adapte particulièrement à ces systèmes, car elle valorise bien l’abondance de fourrage, et bénéficie d’un tempérament calme qui se prête à leur modèle de pâturage. « Il ne faudrait pas perdre les vaches dans la jungle », commente l’éleveur bourguignon. Et le modèle n’est pas dénué de performances : « les veaux d’un an atteignent facilement les 400 kg sans complémentation.

À tel point que la Charolaise est la première race pure de la province de Morona Santiago. Au-delà de la race française, c’est la couleur blanche qui tape dans l’œil des éleveurs. « Tout ce qui est blanc se vend mieux que le reste, car cela s’apparente plus ou moins au Charolais », sourit Michel Baudot.

Un concours charolais au sang français

À l’occasion du concours charolais de Macas, Michel Baudot a départagé entre 130 et 140 animaux. Une catégorie en purebreed, composée de 35 animaux de race charolaise descendant d’animaux US ou de croisés par absorption, et une section full french de 85 animaux garantis 100 % sang français, inscrits au HBC.

Taureau champion FF fils de castor (IA charolais univers ). ( © Michel Baudot)

Côté mâle, c’est Madison Castor qui a tapé dans l’œil du jury. « Il a un bon développement, assez équilibré, il marche bien. C’est un standard de race comme on les cherche chez nous. Pas un Charolais américain type Holstein sans cuisse mais avec la queue en l’air ». Rien d’étonnant lorsqu’on sait que l’animal, fils du bien connu Castor, est issu du schéma de sélection français. Mais c’est surtout le niveau du concours femelle qui aura attiré l’œil de l’amateur de génétique. La gagnante, une fille d’Imbattable assez typée élevage, a su amadouer le jury.

« Les exploitations comptent souvent entre 20 et 25 vaches. Dans ce contexte difficile de rentabiliser un taureau ». Ils misent donc sur l’IA, voire la transplantation embryonnaire pour faire évoluer leur génétique. Et la France est souvent mise à l’honneur. « L’Équateur n’a pas de schéma de sélection interne ». Avec entre 3 000 et 5 000 vaches enregistrées, difficile de mettre en place un plan de sélection à l’échelle locale. Mais la distance entre la France et l’Équateur n’encourage pas au commerce de bovins vivants. S’il est toujours possible de mettre une vache dans un avion, entre le coût du transport et le temps d’adaptation sur place, le transfert de gamètes est souvent préférable. « Débourser 5 000 € en frais de transport pour amener un reproducteur qui finira en stress ou parasité, ça n’a pas grand intérêt », souligne l’éleveur, qui voit en l’Équateur un beau potentiel de marché pour la génétique française.