Dans le Sud-Ouest, la filière laitière se détricote au fil des ans
TNC le 11/03/2024 à 05:08
Entre la reconversion de l’usine Danone du Gers vers le lait végétal et le difficile renouvellement des générations, les éleveurs laitiers sont une espèce en voie de disparition dans la région. Trois jeunes installés, rencontrés au Salon de l’Agriculture, témoignent.
Dans certaines régions, la filière laitière s’éteint à petit feu. C’est le cas du Sud-Ouest, où la décision de Danone de reconvertir son usine du Gers en fabrique de lait végétal sonne comme une trahison pour les éleveurs. Annoncées en 2021, les cessations de collecte se sont orchestrées à l’automne 2023. Si globalement les éleveurs ont su reporter leurs volumes chez Lactalis, Sodiaal et surtout Savencia — ou ont arrêté tout simplement la production – l’arrêt de l’usine de Villecomtal-sur-Arros contribue à l’érosion du paysage laitier du secteur.
Danone passe au lait végétal
D’autant qu’en perdant Danone, la région perd un bon payeur. « J’ai été contraint de changer pour Savencia, ce n’est pas du tout la même relation », déplore Jérémy Bazaillac, éleveur à Jurançon. À la tête d’une centaine de vaches laitières, l’éleveur a rejoint l’OP Sol pour valoriser les 950 000 1 de lait produits sur la ferme, non sans regrets. « Je trouve désolant que l’on arrête de collecter pour faire du lait qui n’en est pas, avec des produits dont on ne connaît pas la provenance », tranche le jeune agriculteur.
Le lait en perte de dynamique
Mais la déprise laitière ne se résume pas à une laiterie. Entraide, matériel, vétérinaire… « C’est tout le territoire qui est en train de perdre sa dynamique », alerte Yoan Agard, éleveur dans le Périgord. « C’est l’hécatombe », ajoute Clément Simian, depuis les Hautes-Pyrénées. « La plupart de mes voisins ont dans les 50, 55 ans, avec peu de perspectives de reprise. Je ne sais pas combien de fermes laitières il restera dans la région d’ici dix ans », poursuit le jeune installé avec 180 vaches à la traite. Même constat du côté de Jérémy, au sud de Pau : « Il y a 30 ans, il y avait 25 producteurs dans ma vallée. Aujourd’hui, je suis le dernier ».
Il y a 30 ans, il y avait 25 producteurs dans ma vallée. Aujourd’hui, je suis le dernier.
Au mieux, les vaches laitières sont remplacées par des allaitantes. Dans le pire des cas, c’est la friche qui reprend le dessus sur les pâtures. « Chez nous, c’est de l’élevage ou rien », résume Clément.
Le nœud du problème fait consensus. Pour les éleveurs, le prix du lait est en cause. « Les industriels disent qu’ils ont besoin de lait mais ils ne veulent pas payer », poursuit Clément.
Apportant pour Savencia, l’éleveur déplore les relations qu’entretient sa laiterie avec les éleveurs. « L’usine de Jurançon est approvisionnée par trois OP. Il n’y en a pas deux qui ont le même prix ! » En début d’année, il fallait compter 426 €/1 000 l pour les apporteurs de la FMB, 415 €/1 000 l pour ceux de l’OP Sol, et 420 €/1 000 l depuis Sunlait. Sans parler des relations conflictuelles entre Sunlait et la laiterie…
Mais l’herbe n’est pas plus verte ailleurs. « J’ai quitté Sodiaal il y a quelques années parce que les prix étaient toujours au ras du plancher, explique Clément. Je ne regrette pas, mais je ne perçois pas non plus de volonté de maintenir la filière chez Savencia ». « Ils sont à 100 km de la frontière espagnole, j’imagine qu’ils ont un plan B pour aller chercher du lait là-bas, suppose Jérémy. Aujourd’hui le lait fait des kilomètres. Ils préfèrent faire de la route pour aller collecter des grosses fermes que de faire de l’épicerie dans les vallées ».
Un prix du lait entre 450 et 500 €/1 000 l en prix de base suffirait pourtant, aux dires des trois éleveurs, à maintenir les exploitations en place. « L’an dernier il y a eu des pics entre 450 et 500 €/1 000 l, ça donne tout de suite une autre dimension au métier ». « A eux de savoir s’ils veulent des éleveurs français ou non », conclut Clément.