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Renouvellement du troupeau

Bien calculer son besoin pour ne pas pousser trop de vaches à la réforme


TNC le 27/05/2019 à 06:03
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Bien évaluer son besoin en renouvellement puis cibler les meilleurs animaux grâce au génotypage et aux semences sexées est une pratique coûteuse sur le moment mais permet de réaliser un gain économique sur le long terme. (©TNC)

Ni trop, ni pas assez : combien de génisses devrais-je élever pour assurer le renouvellement sans non plus pousser de bonnes vaches vers la sortie par manque de place ? Jean-Christophe Boittin, d'Évolution, préconise de bien calculer son besoin en femelles et viser les meilleures bêtes du troupeau grâce au génotypage et aux semences sexées : un investissement coûteux mais rentable, d'après l'expert.

« Une génisse laitière coûte en moyenne 1 400 € à élever alors qu’une vache de réforme vaut entre 900 et 1 000 €. Mieux vaut ne pas pousser des vaches vers la sortie parce qu’on aura élevé trop de génisses », témoigne Jean-Christophe Boittin, responsable pôle marketing génétique chez Évolution. « En faisant évoluer sa stratégie de renouvellement, un éleveur peut faire de réelles économies. Les bénéfices sont visibles au bout de cinq ans. »

Les bénéfices de la stratégie de renouvellement sont visibles au bout de cinq ans. (©TNC)

Mieux sélectionner pour diminuer son taux de renouvellement

« Le génotypage et les semences sexées sont de véritables opportunités pour les éleveurs : ils leur permettent d’obtenir des animaux conformes à leurs attentes, soit d’améliorer le troupeau plus rapidement. Grâce à ça, ils pourront par la suite diminuer leur besoin en renouvellement. »

Selon l’expert, il faut bien évaluer ses besoins : « Chacun doit calculer son nombre de génisses à naître, il ne faut pas subir ce renouvellement en faisant naître trop de femelles. Seul celui qui vend de la génétique peut se permettre de faire naître plus de femelles. »

Dans son service XPLait, la coopérative dispose d’une calculette de renouvellement. Mais même sans bénéficier de cet outil, chaque éleveur doit être en mesure d’évaluer ses besoins. « Il faut se poser la question « quelles seront les mères les plus intéressantes ? ». Le génotypage permet notamment de connaître le potentiel de chaque animal. Ainsi, on choisit des semences sexées sur les meilleures génisses ou vaches. Il faut alors faire le compte sur le nombre de femelles à venir et c’est seulement après ce calcul qu’on comble les trous avec de la semence conventionnelle. En revanche, inutile de se poser la question pour les femelles les moins intéressantes : il faut partir en croisement industriel. »

Le génotypage permet d’identifier les meilleures femelles : « Si on utilise de la semence sexée sans génotyper, on choisit les animaux sur ascendance mais on a un risque de faire reproduire 1/3 de moins bonnes femelles. Bien sûr qu’il y aura tout de même un effet mais il sera moins précis, il y aura forcément des écarts. »

Le coût du renouvellement se mesure par la différence entre les produits (vente de réformes, de veaux et/ou de reproducteurs) et les charges (achat de semences et élevage des génisses). Jean-Christophe Boittin confie : « Quelques éleveurs de races mixtes ont un bilan de renouvellement élevé car ils parviennent à vendre leurs réformes plus chères que les autres et ont moins de frais d’élevage des génisses. » D’après les référentiels de la coopérative, les charges de renouvellement peuvent varier entre 8 et 30 €/1 000 litres : « Il y a donc de belles marges de progrès pour ceux en bas de l’échelle. Si les réformes sont peu valorisées, mieux vaut ne pas élever trop de génisses. À l’inverse, si les prix sont bons, on peut y aller. »

La génétique : un investissement coûteux mais rentable

Évolution a comparé le progrès génétique de ses éleveurs laitiers réalisant plus de 20 % d’IA sexées et plus de 20 % en croisement viande à ceux des élevages en 100 % IA conventionnelle. « Les éleveurs en stratégie optimale (sexée et viande) obtiennent en moyenne 8 points d’Isu de plus que les autres. Sachant que chaque point d’Isu en plus fait augmenter la rentabilité de l’élevage de 5 € (chiffres de l’Idele – gain de TB, TP, quantité de lait, moins de cellules, etc.), les éleveurs n’ont pas moins de 40 €/animal à gagner avec cette stratégie. »

« Alors certes, certains diront que la semence sexée prend moins bien. En effet, elle se situe à 80 % de la performance d’une conventionnelle. En revanche, c’est moins vrai sur les génisses. De plus, les vêlages se déroulent plus facilement pour les veaux femelles, ce qui génère moins de stress pour l’éleveur comme pour la vache (démarrage en lactation plus simple). »

L’Earl Huet en Ille-et-Vilaine fait office d’exemple : l’éleveur a commencé par génotyper toutes ses femelles pour y voir plus clair et faire les bons choix. Il a ensuite choisi d’inséminer toutes ses génisses et quelques bonnes vaches en semences sexées. Ainsi, pour son troupeau de 43 VL, 1/3 des IA sont en sexées, 1/3 en conventionnel et 1/3 en croisement viande. Pour Jean-Christophe Boittin, il s’agit d’un investissement rentable : « Le génotypage et le sexage lui coûtent de l’argent. En revanche, les 15 veaux croisés vendus à trois semaines lui en ont rapporté. Après avoir fait le calcul, l’éleveur sait qu’il a rentabilisé son investissement au bout d’un an. De plus, il a fait grimper le niveau de son troupeau plus vite que s’il était resté en conventionnel. Et cette amélioration n’est pas des moindres : + 12 points d’Isu ! Cela représente sur un an 1 200 € de rentabilité supplémentaire (12 points x 5 €/points x 20 génisses). Quand il aura passé tout son troupeau, le chiffre grimpera à 3 000 €. »

Affiner sa stratégie et aller chercher des gains où il y en a

Le spécialiste poursuit : « Quand l’éleveur aura suffisamment fait progresser son troupeau, deux possibilités s’offrent à lui : augmenter la production s’il en a l’opportunité ou viser plus de produits tout en diminuant les charges (orienter plutôt la génétique vers la santé par exemple). » Dans le cas de M. Huet, l’objectif était d’augmenter les produits (faire plus de lait). Maintenant, l’éleveur va pouvoir diminuer son besoin en génisses et se concentrer sur d’autres critères de sélection. « Attention cependant, beaucoup d’éleveurs se retrouvant avec trop de génisses en 1ère génération arrêtent la semence sexée pour la seconde génération ; c’est une erreur. Il ne faut pas reculer au risque de gâcher le progrès entamé. Il faut plutôt réajuster le calcul avec du croisement viande. »

Au sujet du croisement industriel, la demande varie selon les périodes : « Historiquement, il y a plus de naissances dans les élevages à l’automne. Il y a alors trop de veaux sur le marché pour les engraisseurs. Ces derniers vont donc plutôt se positionner sur des veaux mâles qui seront vendus plus chers que les femelles. Pour des naissances à l’automne, je conseille aux éleveurs de ne pas partir sur de la semence sexée et plutôt viser de faire des veaux mâles. »

Les éleveurs qui souhaitent faire grossir leurs troupeaux peuvent se tourner vers l’achat extérieur pour passer par le renouvellement interne. Pour Jean-Christophe Boittin, l’achat rime avec génotypage : « Il faut scanner les animaux achetés pour identifier les meilleurs et éviter les erreurs dans le renouvellement. Pour l’accroissement interne, la stratégie dépendra du besoin mais s’il est faible, il faut concentrer les IA sexées sur les meilleures. »

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