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Témoignage

Agroforesterie : 14 années de recul pour l’EARL Plaine de vie (80)


TNC le 05/04/2021 à 09:04
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En passant sur l’autoroute A29 entre Amiens (Somme) et Saint-Quentin (Aisne), on repère facilement l’exploitation agricole de Sylvain Deraeve et de sa sœur Inès, installés à Bayonvillers. En effet, 10 km de linéaires d’arbres sillonnent tout le parcellaire, situé dans une vaste plaine de grandes cultures typique du Santerre.

À l’EARL Plaine de vie, Sylvain Deraeve et sa sœur Inès suivent aujourd’hui le cahier des charges Bio Cohérence, marque française de filière qui certifie du champ à l’assiette une agriculture biologique engagée dans une démarche sociale et environnementale. La rotation est notamment basée sur 2 ans de prairies et l’assolement comporte de nombreuses cultures : blé, lentilles vertes, caméline, colza, seigle, lentillons, sarrasin…

Cette démarche a été initiée par leur père, qui a démarré la conversion de l’exploitation en bio en 2006 et monté en parallèle un projet agroforestier, avec pour objectif de « transmettre un système plus cohérent » à ses enfants.

L’EARL Plaine de vie à Bayonvillers (Somme) :
– UMO : 2. Sylvain Deraeve, installé depuis 2015, gère les cultures et l’élevage. Inès, installée depuis 2005, s’occupe de la transformation et de la vente directe
– SAU : 42 ha, dont environ 30,3 ha de grandes cultures, 10,5 ha de prairies et 1,2 ha en pré-verger, avec environ 50 pommiers et poiriers hautes tiges
– 30 brebis allaitantes
– Transformation à la ferme et vente directe de pain au levain, farines de la ferme, pâtes sèches, lentilles, huiles de colza et de caméline, viande d’agneau, pommes et jus de pommes (ferme, marchés locaux et Amap)

Un projet en deux étapes

Concernant l’agroforesterie, la première phase du projet démarre en 2007-2008 avec des plantations de haies tout autour du parcellaire pour «  favoriser la biodiversité » et la « présence d’ auxiliaires des cultures ». Mais aussi pour « la production de bois », indique Sylvain Deraeve. Puis, la seconde phase du projet se déroule en 2013-2014, avec des haies en intra-parcellaire, là encore pour la biodiversité et aussi pour l’avenir, avec l’implantation de bois d’œuvre. 

« L’exploitation compte désormais une multitude d’espèces. Parmi elles : hêtre pourpre, merisier, noyer, châtaigner pour le bois d’œuvre, mélèze, robinier, bouleaux, chêne, charme, aulne pour le bois de service… » Pour les choisir, les agriculteurs se sont appuyés sur « les conseils d’un pépiniériste et ont privilégié des essences locales, qui s’adaptent bien au contexte pédo-climatique de la ferme et  nécessitent peu de soin ».

En vert, les haies entourant tout le parcellaire (plantées en 2007-2008) et en jaune, les haies en intra-parcellaire (plantées en 2013-2014).  (©TransAgroForest)

Des bénéfices pour les cultures et l’élevage

Aujourd’hui, l’entretien des 10 km de linéaires d’arbres représente environ une semaine de travail par an, estime Sylvain, entre la taille et le broyage des branches. Les copeaux, une fois séchés, permettent d’alimenter la chaudière à plaquettes de l’exploitation et ainsi de chauffer une maison d’habitation, les bureaux et le four à bois, utilisé pour la transformation du blé en pain. Pour l’avenir, on pourrait imaginer monter une chaufferie collective », explique Sylvain Deraeve. Il est accompagné pour la taille de formation de rattrapage des arbres d’avenir et aussi pour maîtriser les arbres voisins, afin d’éviter qu’ils entrent en concurrence (soit rabattage des cimes trop fortes, soit recépage à 15 cm pour densifier la consistance des linéaires et favoriser un gainage par le bas des futurs arbres d’avenir). 

14 années après les premières plantations, outre la production de bois, l’agriculteur met également en avant des bénéfices pour les cultures, grâce à une plus grande biodiversité, bien que cela soit difficilement mesurable. Il estime « une légère perte de rendement le long des plantations, mais un gain au milieu des rangs ». Et l’avantage le plus visible aujourd’hui, c’est « l’amélioration du bien-être animal ». En s’installant en 2015, Sylvain a introduit l’élevage de brebis allaitantes sur l’exploitation pour un système plus complémentaire. « Le troupeau, qui reste dehors 9 à 10 mois/an quasi uniquement sur l’exploitation (1 mois sur des terres d’un conservatoire naturel l’été), profite ainsi de l’ombre des arbres l’été et est plus protégé du vent et du des pluies l’hiver ».

« Avant de se lancer, savoir pourquoi on le fait »

S’il faut retenir un conseil les agriculteurs qui réfléchissent à un projet agroforestier ? « Le faire dès maintenant pour ne pas perdre plus de temps ! », lance du tac au tac l’agriculteur en souriant. 

« C’est aussi important de savoir pourquoi on le fait, complète Régis Wartelle, chef de projet paysage et biodiversité pour la chambre d’agriculture (CA) des Hauts-de-France. De tels projets à moyen voire long terme doivent, bien sûr, être réfléchi en amont et visiter d’autres parcelles d’agroforesterie peut aider ». 

Sylvain et sa famille ont notamment bénéficié de l’aide des CA des Hauts-de-France et de Bio en Hauts-de-France. Côté économique, le projet a été subventionné à 80 % par des aides, dont celles de la région Hauts-de-France. 

Sylvain Deraeve est l’un des 11 lauréats en lice pour le Concours général agricole agroforesterie 2021, dont la finale est prévue mi-mai. Nous lui souhaitons bonne chance ! 🙂 (©TNC)