Accéder au contenu principal
[Témoignage] Stéphanie et Dominique (76)

« Passer d’un atelier de transfo de 9 à 100 m2 pour répondre à la demande »


TNC le 14/12/2020 à 06:03
fiches_dominique-stephanie

Partis de quelques litres de crème transformés entre la laiterie et leur cuisine, Dominique et Stéphanie envisagent la création d’un nouveau laboratoire de transformation sur leur exploitation laitière située à Aubermesnil-Beaumais en Seine-Maritime (76). La demande ne cesse de croître pour les produits fermiers vendus dans leur Cré « Meuh » rie à roulettes sur les marchés. Focus sur leur parcours et leurs projets.

Après 30 ans dans un bureau en tant qu’assistante de direction, 2016 a sonné comme un retour aux sources pour Stéphanie Rivet. Après un licenciement économique, impossible pour cette dynamique Normande de rester à rien faire. « Mon compagnon étant éleveur laitier, je me suis intéressée à tout ce qu’on pouvait faire avec le lait. J’ai fait pas mal de tests avec mon robot de cuisine et me suis mise en tête l’idée de transformer du lait. »

Dominique Vigreux, son concubin, heureux de voir sa production valorisée, l’a accompagnée. D’abord avec l’achat d’une première écrémeuse artisanale puis d’un robot pâtissier pour faire du beurre. Stéphanie de son côté a suivi la formation « Entreprendre au féminin », co-organisée par la région et Pôle emploi. « Durant trois mois, j’ai appris à monter mon entreprise, créer un prévisionnel, j’ai pu prendre contact avec les banques et j’ai eu accès à une subvention coup de pouce. » Le tout lui permettant de sortir de terre en 2018 La cré »Meuh »rie à roulettes : son entreprise.

Un laboratoire de 9 m2 autoconstruit

Après une formation officielle sur la transformation du lait en crème et beurre sur plusieurs jours, Stéphanie rêve de son atelier à la ferme. Prudent sur les investissements, Dominique lui trouve une place près de la laiterie. « J’ai fait la mise aux normes de la salle de traite, modifié un peu la laiterie (notamment le passage du lactoduc) et j’ai réduit la taille de l’infirmerie se trouvant derrière pour pouvoir construire le laboratoire. » Pas de superflu : le labo mesure 3 x 3 m. Il est équipé d’une écrémeuse, un pétrin de pâtissier qui sert de baratte, une plonge et un réfrigérateur. De quoi faire la crème et le beurre en somme.

En sortie de salle de traite, l’infirmerie réduite de 9 m2 pour laisser place au laboratoire de Stéphanie, accolé à la laiterie et entièrement fabriqué par Dominique. (©TNC)

Pour ce qui est de la vente, Stéphanie a investi dans un camion qui sillonne le département. « Sur les marchés, les gens trouvent de tout, contrairement aux magasins à la ferme où ils ne viennent pas forcément pour acheter que quelques produits. » Dominique, féru de bricolage, a lui-même aménagé le camion avec une vitrine réfrigérée et un tank pour vendre du lait en vrac. « C’est ce qui a beaucoup plu aux gens surtout : venir remplir leur bouteille… Comme avant. »

Au volant de sa Cré »Meuh »rie à roulettes, Stéphanie fait pas moins de 10 marchés et points étapes en villages chaque semaine pour vendre ses produits laitiers. (©La Cré »Meuh »rie à roulettes)

La demande étant là, difficile pour le couple de s’arrêter au lait cru, la crème et le beurre. Mais impossible de faire d’autres produits dans le petit local qui sert de laboratoire. « On en est venu à transporter du lait et de la crème en seau de la laiterie à la maison (une dizaine de mètres) pour faire les yaourts, crèmes dessert et fromages dans notre cuisine », explique Stéphanie. « Cette semaine par exemple, on a fait 210 yaourts. Le tout préparé dans la cuisine, en se servant du four comme étuve. »

Et la demande ne semble pas ralentir, au contraire. Comme l’explique Stéphanie dans un précédent reportage : « Le confinement a fait exploser nos ventes. » Le couple pourrait alors en faire plus mais dans ces conditions, « ce n’est plus possible. Par rapport aux normes déjà, mais aussi parce qu’il ne faut pas tout mélanger ! » C’est pour cette raison qu’ils travaillent actuellement sur un projet de construction d’un nouveau laboratoire, bien plus grand cette fois.

Dans l’atelier de 3×3 m : une écrémeuse, une baratte, un réfrigérateur et une plonge. (©TNC)

Un local de 100 m 2 pour transformer le lait

Actuellement, les semaines sont bien chargées : Stéphanie fabrique la crème et le beurre les lundis et jeudis pendant que Dominique trait. Elle poursuit par les yaourts et lui gère les crèmes dessert et les fromages (fromages blancs, faisselles, fromages frais aromatisés, et plus récemment des types Camembert, Neufchâtel, Saint Marcellin, Coulommiers, Point L’évêque ou encore de la tomme). « Le vendredi, on réajuste si besoin pour les tournées du week-end. » Car de ce côté-là aussi, pas le temps de chômer : Stéphanie est au volant de son camion du mardi au dimanche pour faire les marchés, mais aussi depuis le confinement des demi-journées de ventes dans les villages alentours, et durant la saison estivale dans un camping du secteur. Au total, 10 points de vente à assurer chaque semaine.

« On a voulu limiter les investissements de départ mais vu la tournure que ça prend, il est temps d’investir sérieusement », explique Stéphanie. La cré »Meuh »rie à roulettes a donc échafaudé un projet de construction d’un atelier de 100 m2 équipé comme il se doit, « mais toujours avec un maximum d’autoconstruction pour limiter les dépenses », ajoute Dominique.

L’emplacement est déjà tout trouvé pour le futur laboratoire de transformation laitière : devant la stabulation. (©TNC)

L’objectif : passer de 50 000 à 130 000 l de lait transformé et mettre un deuxième camion en circulation. Pour cela, deux de leurs enfants rejoindront prochainement l’entreprise : l’un pour faire les marchés et l’autre pour aider à la transformation et lancer un service de livraison à domicile, en ajoutant pourquoi pas d’autres produits à la liste, en partenariat avec des voisins producteurs. « On l’a vu en s’implantant dans les villages : les gens veulent qu’on vienne à eux », confie Stéphanie.

Montant du total du projet : 100 000 €. « Nous sommes actuellement dans les demandes de permis de construire. Si tout se passe bien, le laboratoire devrait voir le jour en septembre 2021. » Rendez-vous donc dans un an à Aubermesnil-Beaumais !

Monter un atelier de transformation à la ferme : leurs conseils

Pleinement épanouis dans ce qu’ils entreprennent, Stéphanie et Dominique ont tout de même rencontré quelques embûches. À commencer par l’administratif : « N’étant pas mariés et voulant séparer les choses, j’ai créé ma société, raconte Stéphanie. J’achète le lait (330 €/1 000 l) à Dominique et vends mes produits sous ma propre entreprise. Ce que nous ne savions pas, c’est que c’était illégal, notamment la vente de lait cru comme je faisais. En n’étant pas exploitant, je n’avais en fait pas le droit de vendre du lait en vrac. J’ai dû passer au statut de conjointe collaboratrice pour en avoir le droit. Il faut le savoir », prévient-elle.

Transformer et vendre ses produits : 2 métiers différents.

En ce qui concerne la vente, c’est un métier à part entière. Avec un recul de deux ans maintenant, la cheffe d’entreprise explique : « Il faut vraiment aimer le contact pour faire ce métier. Moi c’est ce que je préfère ; discuter avec les clients, recueillir leur avis sur mes produits, m’améliorer et leur proposer des nouveautés. » Son conseil pratique : la consigne. « Nous travaillons surtout avec des contenants en verre que nous consignons, c’est un plus pour faire revenir les clients. »

De son côté, Dominique n’est pas peu fier du travail accompli par sa compagne. « C’est une satisfaction de voir son lait valorisé de la sorte jusqu’au produit fini. Côté chiffres, on est en moyenne à 3,21 €/l, sans compter les dépenses liées aux ferments ni le temps de travail. » Dans une région où l’agrandissement des exploitations est de mise, Dominique en est convaincu : « On n’a pas besoin de courir après des hectares ou le litrage pour s’en sortir. Une petite structure comme la mienne devient rare dans le secteur et on pourrait bientôt se retrouver à six à vivre dessus. »

Son conseil : jouer la prudence. « Au départ, il ne faut pas se lancer dans quelque chose d’énorme. Ça aurait pu ne pas fonctionner. Et il ne faut pas oublier que le confinement nous a bien aidés. Il faut garder en tête qu’on peut toujours améliorer plus tard. C’est la même chose pour les produits : on a étoffé la gamme petit à petit et il nous reste encore des choses à faire comme valoriser le petit lait. Pourquoi pas en fromage blanc ou dans de nouvelles crèmes dessert… à voir. »

Le troupeau de Dominique compte une soixantaine de vaches à la traite, en cours de croisement 3 voies. (©TNC)