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Au Gaec de la Petite Vallée (53)

« La Jersiaise : l’essayer c’est l’adopter »


TNC le 30/05/2022 à 06:04
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La Prim'holstein est en voie de disparition au Gaec de la Petite Vallée, le logo en témoigne. (©TNC)

Alors qu'ils comptaient intégrer une ou deux vaches jersiaises en guise de mascottes, Patrice et ses deux garçons ont été conquis par la race. Depuis 2013, celle-ci prend de plus en plus de place dans l'élevage, jusqu'à remplacer définitivement la Prim'holstein.

La Jersiaise pour Patrice, Baptiste et Clément Berruyer, c’est comme la potion magique : ils sont tombés dedans… C’est Patrice, le père de famille qui l’a intégrée en 2013 : « Ma compagne me suggérait d’en acheter une car elle les trouvait jolies. Ça m’amusait, je me suis dit « pourquoi pas, ça fera une mascotte ». Alors j’ai contacté l’OS qui nous a invités à une assemblée générale. On y est allés, c’était sur un élevage 100 % Jersiais. Et en arrivant je me suis dit : « on ne va pas en acheter qu’une, c’est ça qu’il nous faut ! » » Un vrai coup de foudre !

La Jersiaise en race pure plutôt qu’en croisement

L’éleveur achète alors neuf génisses prêtes à vêler pour commencer. Pas de chance : sur neuf veaux, une seule femelle. Il démarre alors de la transplantation d’embryons jersiais sur ses Holsteins. Puis en 2019, ses deux fils rejoignent la structure : Baptiste en tant que salarié et Clément en tant qu’associé avec comme projet d’installation de développer la race. Ils achètent alors 33 génisses et 8 vaches supplémentaires, signant ainsi l’arrêt de la transplantation.

« L’essayer, c’est l’adopter », avouent père et fils qui n’ont pas songé une minute à faire du croisement de race. « On voulait vraiment élever des Jersiaises pures car on est attachés à la race. » Aujourd’hui la Jersiaise est majoritaire dans le troupeau (une centaine de Jersiaises sur 140 VL), et la Prim’holstein y vit ses derniers jours : ils ont arrêté d’inséminer les noires dès l’été 2021 et celles-ci seront réformées au tarissement.

Une conduite en deux lots

Le troupeau laitier est jusqu’à présent séparé en deux lots : les Prim’holsteins d’un côté avec les fraîches vêlées et les réformes Jersiaises (conduites en 100 % bâtiment), et le reste du troupeau Jersiais en face (qui pâture).

Rations complètes (brutes)
Lot 1 VL
(Holstein, fraiches vêlées, réformes Jersiaises)
Lot 2 VL
(Jersiaises)
Génisses Vaches taries
30 kg maïs
7,5 kg enrub. herbe
(remplacé par ensilage d’herbe + méteil en hiver)
5 kg maïs épi (durant le printemps/été, remplacé par betterave fourragère le reste de l’année)
2,5 kg de correcteur
De novembre à février : même ration que le lot 1

Le reste de l’année : pâturage avec à l’auge :
4 kg de maïs épi
500 g de correcteur
2 kg de foin

Phase lactée : poudre de lait au Dal

Jusqu’à 6 mois : aliment du commerce + paille

De 6 mois au vêlage : ration complète à volonté :
15 % enrub. herbe
33 % enrub. luzerne
50 % ensilage méteil
2 % correcteur
+ 1 kg de VL (mélange orge/colza)

15 kg maïs ensilage
5 kg paille
1,5 kg correcteur
(+ 1 kg VL pour les 3 dernières semaines)
+ 1 ha de betterave fourragère à pâturer au fil 1 heure/jour du 15/08 au 15/11

Pour le lot qui pâture, les vaches disposent de 38 ha de prairies accessibles et conduites en pâturage tournant à raison d’un paddock/jour sur 21 jours. En termes de chargement, cela représente 1 are/VL. « Nous sommes sur des sols très séchants et il arrive qu’on n’ait plus d’herbe au 15 juin. En revanche, on peut sortir les vaches au 15 février. C’est l’avantage de la Jersiaise : elle a de bonnes pattes et ne piétine pas le sol ce qui nous permet de sortir tôt. »

Dès le mois de février, le troupeau Jersiais est au pâturage avec un passage à l’auge au moment de la traite. (©TNC)

85 €/1 000 l de plus-value via les taux

Le troupeau Jersiais affiche 5 500 l de moyenne au compteur (contre 8 700 l pour les Holsteins). « On commence à avoir des vaches en troisième lactation donc la production augmente progressivement, affirme Baptiste Berruyer. La plus vieille est en septième lactation et on espère en avoir d’autres comme ça. »

Du côté des taux, c’est la Jersiaise qui l’emporte : 58/41 de moyenne contre 42/33 en Holstein. « On est sur une plus-value de 100-120 €/1 000 l pour la Jersiaise pure. » Mais dilué par le litrage, ça descend à 85 €/1 000 l, permettant tout de même de dépasser les 500 €/1 000 l sur la paie de lait.

« Bien sûr, ce sont les taux qu’on met en avant en premier, mais la Jersiaise est aussi une vache très docile et rustique », affiche Patrice Berruyer. (©TNC)

« À mon installation, on avait fait une étude prospective sur le changement de race car la banque était un peu effrayée par le projet et notamment l’achat de nouveaux animaux, se rappelle Clément. Et on s’est vite rendu compte que notre revenu n’allait pas diminuer avec la transition jersiaise. On a donc bel et bien gardé le même niveau de marge : nos coûts de production ont bien diminué car la Jersiaise consomme moins et valorise mieux l’aliment grossier. »

Le produit viande à créer en Jersiais

Bon produit lait, mais quid du produit viande ? La bête noire de la Jersiaise… Mais père et fils suivent un schéma de reproduction strict :

– Les génisses sont toutes inséminées en semences sexées : deux doses max, puis elles sont passées en croisement Angus,

– Le tiers supérieur du troupeau laitier est inséminé en sexées aussi : deux doses max, puis des semences Blanc Bleu pour les retours,

– Les moins bonnes vaches sont directement inséminées en Blanc Bleu.

Patrice détaille : « Les veaux croisés partent principalement chez un boucher du coin : il nous en prend entre 25 et 30 par an. Ils partent à 5 mois entre 70 et 80 kg de carcasse pour 8 €/kg. On fait principalement du croisement en Blanc Bleu mais depuis l’an dernier, on a changé pour de l’Angus sur les génisses afin d’obtenir des veaux de plus petit gabarit et faciles à sortir. »

Depuis l’an dernier, les éleveurs ont accentué le croisement car ils faisaient face à un surplus de génisses de renouvellement. (©TNC)