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Retour sur la canicule 2022

« Jusqu’à deux fois plus de vaches vides par endroit »


TNC le 09/01/2023 à 05:12
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Avec trois épisodes caniculaires au cours de l'été 2022, les troupeaux qui ont le plus souffert du stress thermique ont vu leurs performances évoluer à la baisse. (©TNC)

Après un été particulièrement chaud, Ronan Allo, échographe bovin, constate les effets de la canicule sur les performances à la reproduction des bovins. Pour s'adapter à ces nouvelles conditions climatiques, le vétérinaire Michel Vagneur nous explique les conséquences des fortes chaleurs sur les cycles de reproduction des vaches.

Face à la canicule, Ronan Allo, échographe bovin dans le Grand-Ouest a constaté une très grande hétérogénéité de réponses. « Sur certaines exploitations, je trouvais jusqu’à deux fois plus de vaches vides à l’échographie qu’en temps normal en fin d’été. C’est ma pire année en termes de résultats d’échographie depuis dix ans », explique le gérant d’Echo-Breizh, en dressant le bilan de la succession de vagues de chaleurs au cours de l’été 2022. 

Je n’ai jamais vu autant de vaches vides en 10 ans

Si en plus des fonctions de production, la fonction de reproduction est parmi les plus impactées par le stress thermique, difficile d’imputer tous les maux d’un troupeau à la canicule : « certains éleveurs avec des bâtiments bien ventilés ont passé l’été sans encombre », tempère l’échographe breton.

Altération de la fertilité chez les femelles…

L’impact le plus direct des épisodes de chaleur sur la reproduction concerne la modification des sécrétions hormonales. Le stress thermique altère la croissance et la qualité des ovocytes dans le follicule ainsi que la production d’œstrogènes, nécessaires au déclenchement de l’ovulation. La diminution de sécrétion des hormones de reproduction a également un effet sur l’expression de chaleurs, et leur intensité. La chaleur altère aussi l’expression des comportements naturels : l’activité physique diminuant à THI élevé, les chevauchements caractéristiques des périodes de chaleurs se font plus rares.

La diminution de l’ingestion des vaches peut induire un déficit énergétique, qui nuit également au développement des follicules ovariens. « En vaches laitières comme en vaches allaitantes, les épisodes de chaleur peuvent intervenir en début de lactation, lorsque la production – et les besoins – sont les plus importants », explique Michel Vagneur, vétérinaire dans le Jura. « Les vagues de canicule sont généralement associées à une mauvaise pousse de l’herbe, ce qui peut induire des irrégularités dans la ration avec des animaux insuffisamment affouragés au pâturage, mais également un échauffement de la ration pour les agriculteurs en système maïs. »

Enfin, le stress thermique place les bovins dans une situation d’inconfort global qui nuit aux fonctions reproductrices et les fatigue. Les animaux passent par exemple davantage de temps debout : « la chaleur s’évacue par la surface corporelle de l’animal. Plus il y a de contact avec l’air, plus il y a conduction de chaleur », résume le vétérinaire. Cette posture entraîne cependant davantage de fatigue sur des animaux déjà éprouvés.

Les températures élevées peuvent aussi placer les bovins dans une situation d’hyperthermie, induisant une augmentation de la température in utero qui peut aller jusqu’à provoquer la mort de l’embryon pour les vaches gestantes. 

…comme chez les mâles

« Le stress thermique a un effet négatif sur la mobilité des spermatozoïdes, essentiellement chez les taureaux de race allaitante », explique Michel Vagneur d’après des expérimentations réalisées en station. La régulation de la température des testicules est essentielle au bon déroulement du processus de développement des spermatozoïdes, les testicules de taureau devant être maintenus 4 à 5°C en-dessous de leur température corporelle.

Difficile cependant d’évaluer l’impact du stress thermique sur la reproduction des vaches allaitantes, l’insémination artificielle y étant moins répandue qu’en production laitière mais pour Ronan Allo, les épisodes de forte chaleur induisent un décalage des saillies : « j’ai effectué un contrôle de gestation sur un troupeau qui a été tout l’été avec le taureau. En faisant les échographies fin novembre, on s’est rendu compte que beaucoup étaient pleines mais seulement depuis 30 jours ».

S’inspirer des pays chauds

Pour Michel Vagneur, vétérinaire « le constat est accablant, les épisodes de forte chaleur affectent bel et bien la reproduction », mais cela ne veut pas pour autant dire que le problème est irrémédiable. « Certains élevages arrivent à passer entre les gouttes, et le fait qu’il y ait des bovins en Israël, dans la plaine du Pô ou en Floride devrait nous rassurer », estime le vétérinaire.

« Dans les pays chauds, les éleveurs ont 15 ans d’avance sur nous. Ils ont une génétique plus adaptée, mais aussi des systèmes d’exploitation qui rendent la chaleur plus supportable », explique le vétérinaire, en citant l’utilisation de litières à base de sable (qui chauffent moins que les litières paillées), l’utilisation d’additifs dans l’alimentation ou encore de protocoles d’induction de chaleur permettant de maintenir la fécondité à THI élevé. La gestion de l’affouragement, tant sur les modes et fréquences de distribution, que sur la composition de la ration est également davantage maîtrisée.

La conception des bâtiments joue un rôle prépondérant sur la supportabilité des épisodes de canicule. L’utilisation de bardages ajourés permettant la circulation de l’air ou encore un travail d’isolation des toitures pour éviter l’effet radian sont des premiers leviers pour rendre les bâtiments agréables. Viennent ensuite les systèmes de brumisation ou de ventilation. L’adaptation du pâturage est également nécessaire afin de proposer de l’ombre et un accès à de l’eau de qualité.