Accéder au contenu principal
Témoignages d'agris

Semer du colza ou non : une décision suspendue à la météo, mais pas seulement…


TNC le 31/08/2020 à 08:47
fiches_Colza_associe_TN

Poursuivre la culture du colza cette campagne ou non ? La question revient souvent depuis quelques temps. En cause : la sécheresse estivale, mais pas seulement... Les difficultés rencontrées face aux insectes et le prix du colza font parfois renoncer les agriculteurs. D'autres ne peuvent se priver de cette culture tête d'assolement. Retrouvez les témoignages d'agriculteurs dans ces différentes situations.

Selon un sondage publié sur Terre-net entre le 18 et le 25 août dernier (1 493 votants), 36 % des agriculteurs n’ont pas semé de colza ou ne prévoient pas de le faire pour les semis 2020. En cause notamment : la forte sécheresse estivale. Une jeune agricultrice installée près de Laon dans l’Aisne témoignait ainsi de l’absence de pluie significative et des fortes chaleurs subies depuis deux mois, qui l’ont fait renoncer au colza cette année. 

Il n’y aura pas, non plus, de colza dans l’assolement 2020-2021 de Gaëtan Bouchot, agriculteur du Barrois en Haute-Marne, qui pratique le semis direct sous couvert depuis sept ans. Pour lui, c’est aussi « la sécheresse et la conjoncture économique », qui l’ont décidé. La technique du colza associé lui a permis de bien gérer les soucis de charançons et petites altises, mais contre les grosses altises, « nous n’avons plus de solution efficace dans notre secteur », remarque l’agriculteur. Avec l’hiver très doux de la campagne passée, elles ont fortement altéré le développement des colzas et Gaëtan Bouchot n’a rien pu récolter sur les 70 ha de colza en 2020.

Pour un agriculteur, installé au sud de Troyes (Aube), « il existe une solution insecticide efficace à laquelle les altises d’hiver (grosses altises) n’ont pas développé de résistance. Afin d’obtenir une réussite optimale du traitement, il est déterminant d’intervenir au bon moment, c’est-à-dire lorsque le seuil de 2-3 larves par plante est atteint. Ce seuil est à corréler avec l’état de santé des plantes et la biomasse du colza », remarque-t-il. Sur son exploitation, l’agriculteur aubois a toutefois décidé de stopper le colza en raison « des conditions météorologiques défavorables à son implantation depuis trois ans ». Il n’en oublie pas le «  fort enjeu agronomique de cette culture » et pense y revenir dans quelques temps. Pour cette campagne, le colza sera remplacé par des pois d’hiver et des tournesols. Dans le Barrois, Gaëtan Bouchot pense agrandir ses soles de maïs et lentille et il regarde également pour introduire des pois de printemps, soja et sarrasin.

« Difficile de se passer » de cette tête d’assolement

« Chez moi, on persiste avec le colza, qui est une super tête d’assolement. Il est difficile de s’en passer », ajoute Paul Champouillon, qui devrait s’installer au 1er janvier 2021 sur l’exploitation familiale située près de Nancy (Meurthe-et-Moselle). Pour la moisson 2020, il note une moyenne de rendement en colza de 30 q/ha sans fongicide, ni insecticide. « Le secret : une vigueur permanente, une fertilisation non négligée et un semis en direct avec des plantes compagnes. » Bien sûr, il faut que les conditions météo soient aussi au rendez-vous. « Et elles étaient là, pour Dorian Kien, salarié d’une exploitation de Dun-sur-Auron dans le Cher, dans laquelle avait été arrêté le colza l’année passée. On a eu de l’eau pour le faire lever, mais on ne fera pas trop de frais. Si ça ne va pas, il fera office de couvert et on mettra autre chose à la place ».

Voir : Le colza : « une des cultures clefs de l’agriculture française »

Sur le plateau du Roumois dans l’Eure, « la pluviométrie annuelle tournait traditionnellement autour de 700-800 mm, mais depuis quatre ans on est plutôt à 500-600 mm et surtout concentrés en hiver », observe Jean-Christophe Leicher. C’est notamment l’un des facteurs qui a poussé cet agriculteur normand à changer ses pratiques et se tourner vers le semis direct. Aujourd’hui, il note l’importance des plantes compagnes pour la culture du colza, qui permettent un meilleur développement des plantes et donc une vulnérabilité atténuée face aux insectes. Il a aussi profité des 40 mm reçus depuis début août pour implanter ses colzas à la mi-août, avec « sarrasin (10 kg/ha), tournesol (5 kg/ha), lin (5 kg/ha), vesce (15 kg/ha) et féverole (100 kg/ha) ». Depuis deux ans, cela lui permet de se passer d’insecticide, de fongicide et de régulateur. Outre les plantes associées, il met aussi en avant « l’utilisation de purin d’orties, avec de l’huile et de la mélasse de canne bio » contre les grosses altises par exemple. D’autres agriculteurs parlent également des avantages du purin d’ail afin de stimuler les défenses naturelles des plantes.

Semis de colza hier Colza campus 5Lin 5Tournesol 5Fev 100Vesce 5Sarrasin 10Belle réussite à moindre effort et énergie l’an passé alors on réitère !!Ferti organique 15 t de fumier bovin composterPubliée par JC Lch sur Vendredi 14 août 2020
');

« Tout dépendra du ciel »

Pour d’autres d’agriculteurs, la décision de semer ou non du colza cette campagne reste en suspens. Chez Bertrand Patenotre, en semis direct depuis 1997 à l’est de Troyes (Aube), c’est encore la météo qui fait planer le doute. « La dernière pluie significative remonte au 13 juin avec 10 mm. Si je sème aujourd’hui dans le sec, le colza ne lèvera pas. Et il faut, en plus, qu’il pousse rapidement, pour sortir le plus rapidement du stade de sensibilité aux insectes », fait remarquer l’agriculteur. Cela fait 12 ans qu’il n’utilise plus du tout d’insecticides, « la seule façon de s’en passer est d’avoir des cultures poussantes ». Les gelées tardives au printemps dernier avaient également affecté les cultures. Il se laisse encore jusqu’au 5-6 septembre et espère 30 à 40 mm pour envisager de semer du colza. Sinon il rangera les sacs de semences pour l’année prochaine.

« Tout dépendra du ciel aussi » chez Christophe Naudin, installé à Maisse en Essonne, qui pense attendre jusqu’au 15-20 septembre. Il voudrait tester un semis à la volée avant la prochaine pluie pour « limiter les frais au maximum », en utilisant notamment des semences de ferme. « Les insectes sont maintenant un problème sur beaucoup de cultures et cela va continuer de s’accentuer avec le changement climatique malheureusement », témoigne l’agriculteur, qui fait part d’une très grosse pression méligèthes l’année passée. Si la pluie ne vient pas, il réfléchit à remplacer le colza par du tournesol, comme Bernard Patenotre. Mais la culture miracle ne semble pas exister,  pour le tournesol, ce sont les dégâts d’oiseaux qui inquiètent les agriculteurs…