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Critères d'expertise, accès, prix...

Quels impacts du changement climatique sur le foncier agricole ?


TNC le 11/04/2024 à 17:49
changement-climatique

Face à son intensification, l'expertise foncière va devoir intégrer le changement climatique et ses conséquences, via de nouveaux critères d'évaluation. (© Dariusz Banaszuk, darekb22, Adobe Stock)

D'année en année, Jean-François Vian, expert foncier agricole, constate les effets croissants du changement climatique, pour les agriculteurs comme dans son métier. De même que les exploitants, cette profession doit s'adapter et l'intégrer dans l'expertise de la valeur des terres, en particulier lors des transmissions d'exploitations.

Hausse des températures, sécheresses plus fréquentes et intenses, multiplication des inondations, orages, grêle, tempêtes, gel… Par ses manifestations, le changement climatique impacte les cultures, et donc les sols sur lesquels elles sont implantées, souvent à long terme. Mais aussi potentiellement le bétail, ainsi que le corps de ferme et les différents bâtiments qui s’y trouvent (stockage de matériels, d’intrants, de grains, stabulation…). Dans le Puy-de-Dôme, Jean-François Vian l’observe de plus en plus dans son métier d’expert foncier agricole, qu’il voit évoluer en conséquence.

Les dégâts climatiques, de plus en plus, mobilisent les experts fonciers.

Faire évoluer les évaluations foncières

Et ce n’est pas fini, selon lui : « Demain, ces épisodes et les dégâts occasionnés seront encore plus importants et récurrents. Ils amèneront de profondes modifications dans les systèmes agricoles, dans la façon de produire et aussi d’aménager le territoire, avec la mobilisation de pratiques permettant de les amortir un tant soit peu. » Il estime que ces mutations vont en entraîner d’autres dans la façon d’évaluer les biens fonciers agricoles pour tenir compte, entre autres, de leur capacité de résistance.

À l’avenir, il y aura des répercussions sur la valeur vénale.
La capacité de résistance des biens, également, devra être prise en compte.

Tenir compte des services écosystémiques

« Aujourd’hui, ces éléments sont encore peu intégrés dans les évaluations foncières, notamment pour le calcul de la valeur vénale », faisait remarquer le spécialiste interviewé au Sommet de l’élevage. Avec leur confédération nationale et les syndicats, les experts fonciers agricoles travaillent donc à l’élaboration d’une méthode prenant en compte les services écosystémiques que peuvent rendre l’agriculture et la forêt.

Objectif : « réduire les répercussions constatées sur les récoltes et les assurances, qui auront un effet croissant sur la valeur vénale des biens », met en avant Jean-François Vian, en même temps qu’il insiste sur l’importance, pour les experts fonciers, de « faire remonter leurs observations de terrain aux assureurs ». Au-delà, il s’agit de « valoriser les modes de production vertueux ».

Prix des terres, pression foncière : une incidence ?

À l’avenir, ces paramètres seront davantage examinés lors des transmissions d’exploitations et dans les dossiers d’installation agricole, estime-t-il. Les repreneurs devraient s’intéresser, entre autres, à la manière dont a été gérée la fertilité des sols . Comme il faut regarder l’aménagement de l’espace, des réseaux hydrographiques en particulier, le chargement en UGB/ha, etc.

« Ces critères sont encore peu étudiés alors qu’ils peuvent atténuer les chocs climatiques », répète l’expert qui pense qu’ils le seront de fait, d’ici quelques années, face à l’intensification de ces phénomènes.

Pour la transmission et l’installation : prendre en compte le changement climatique.

Quant à une éventuelle influence sur le prix des terres, Jean-François Vian doute qu’il y en ait vu l’ampleur de la demande en foncier agricole et parce que celui-ci ne se déprécie pas en fonction de la qualité des sols. La pression foncière devrait même s’accroître puisque la production à l’hectare va diminuer, ce qui risque d’inciter à l’agrandissement pour maintenir un niveau similaire et, en élevage, sécuriser les ressources fourragères. « La préservation des espaces, des écosystèmes, de la biodiversité joue sans doute, elle aussi, tout en étant de même très peu formalisée. Un sujet auquel nous, experts fonciers, réfléchissons également actuellement », complète le spécialiste.

De nouvelles missions pour les experts fonciers ?

Autres questions qui se posent : l’impact des démarches de labellisation bas-carbone et des crédits carbone pour estimer les biens fonciers. Et quel sera celui de l’agrivoltaïsme ? « Les experts fonciers interviennent en amont des projets, au travers des études agronomiques, foncières et environnementales, puis dans l’évaluation (valeur vénale) des terrains avec panneaux photovoltaïques (comme pour les bâtiments), voire en cas de litiges », précise Jean-François Vian. Ceci, pour la bonne compréhension et application de textes législatifs récents.

« Ces aspects sont au cœur de notre profession, notre indépendance est un atout », pointaient les experts fonciers lors d’une conférence, au Sommet de l’élevage, sur leur profession face au changement climatique. De même qu’ils alertaient sur le type de bail possible, « emphytéotique plutôt qu’à ferme », car constuire sur le sol d’autrui n’est pas sans risque même avec l’autorisation du propriétaire.

À noter que l’encadrement de ces installations nécessite, car dans leur définition même, le suivi d’indicateurs techniques (incidences agronomiques en termes d’assolement, de volumes produits et de qualité, la production agricole devant être significative ; adaptation au changement climatique ; protection contre les aléas ; amélioration du bien-être animal) et économiques (revenus apportés à l’hectare).

Avec, en complément, la réalisation d’audits réguliers et le contrôle de leur réservibilité : absence d’impact au sol (fondation, mode de fixation des panneaux), sur l’environnement (matériaux utilisés, produits issus de leur dégradation), de modifications topographiques, possibilité et moyens de démantèlement… Doivent être aussi contrôlées : l’emprise au sol, la production agricole, qui doit être significative et durable, et la rentabilité, qui doit l’être aussi. Reste à définir les intervenants et une méthodologie. Laquelle, comme les expertises foncières, actuelles et futures, « doivent être adaptées aux spécificités territoriales » et s’appuyer sur « un état des lieux initial ».