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Colza et céréales à paille

Miser davantage sur les variétés hybrides ?


TNC le 05/06/2020 à 18:04
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Pour la campagne 2019-2020, 6 % des orges d’hiver et 1 % des blés tendres d’hiver sont concernés par les variétés hybrides. (©Saaten-Union)

Productivité, régularité de rendement, qualité du grain, résistance aux maladies… grâce à ces différents atouts, les variétés hybrides ont connu un véritable essor dans les années 2010. Qu’en est-il aujourd’hui ? Leur intérêt technico-économique est-il avéré pour toutes les situations ?

Les premières variétés hybrides de colza débarrassées de leurs défauts sont arrivées sur le marché en 2003-2004. Toutefois, la différence de productivité entre les hybrides et les meilleures lignées (+ 10 % de rendement) a réellement opéré entre 2008 et  2010, accélérant la bascule du marché en faveur des premières. « En 2013, on comptait 80 % d’hybrides parmi les semences certifiées. Depuis, l’essor s’est poursuivi et cette part atteint aujourd’hui 95 % », indique Arnaud Van Boxsom, responsable de l’évaluation des variétés chez Terres Inovia.

Outre la productivité, l’engouement pour les variétés hybrides s’explique par une « meilleure vigueur à l’automne, une capacité de ramification renforcée et une meilleure résistance à l’égrenage, précise l’expert. De plus, l’écart avec les lignées tend à se creuser encore davantage. En France, par exemple, la dernière inscription d’une variété lignée remonte à 2014 avec ES Mambo ».

Intérêt confirmé ?

Si les atouts du colza hybride sont reconnus, son intérêt technico-économique peut cependant être parfois remis en cause, par exemple pour les terres à faible potentiel ou les régions fortement impactées par les ravageurs d’automne. Compte tenu du surcoût à l’achat d’une variété de colza hybride, globalement évalué autour de 15 €/ha, les agriculteurs concernés par ces conditions de production préfèrent « engager le moins de frais possibles », et privilégient alors les semences fermières (variétés lignées). Pour rappel, le taux d’utilisation des semences fermières en colza était de 18 % en 2013 et de 15 % en 2019. Toutefois, avec ces semences-là, « ces agriculteurs se privent du progrès génétique et de la qualité de germination des semences certifiées. Quelques variétés hybrides montrent également des comportements intéressants face aux ravageurs », note Arnaud Van Boxsom. Il est toutefois « difficile de dire aujourd’hui que tous les hybrides peuvent représenter un avantage économique dans toutes ces situations ».

Outre le choix de la variété, bien soigner l’implantation du colza est indispensable pour sa réussite. « On dit souvent que ¾ du rendement se joue à ce moment-là », ajoute Arnaud Van Boxsom. L’institut technique travaille d’ailleurs sur différents leviers agronomiques pour un colza plus robuste : « semis plus précoces, colza associé, utilisation d’un semoir monograine, travail du sol, fertilisation au semis… ». Pour l’expert, il est important « d’y investir du temps ».

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La rentabilité économique des céréales à paille hybrides semble, quant à elle, bien davantage remise en cause, compte tenu de la très faible proportion des variétés implantées par rapport aux surfaces totales en France. Ainsi, seulement 6 % des orges d’hiver et 1 % des blés tendres d’hiver sont concernés pour la campagne 2019-2020 (voir graphique). En 2015,  Arvalis-Institut du végétal avait estimé globalement entre 75 et 130 €/ha l’écart entre le prix d’une semence hybride et celui d’une lignée. Le gain de rendement requis pour couvrir cette dépense supplémentaire s’établissait alors entre 5 et 9  q / ha, pour une collecte à 140 €/t. « L’effet hétérosis est moins marqué pour ces espèces que pour d’autres, comme le maïs ou le colza, indique Philippe du Cheyron, spécialiste des variétés de céréales à paille chez Arvalis-Institut du végétal. L’écart de prix d’achat des semences certifiées entre hybrides et lignées est donc un point très sensible, même si les hybrides sont semées à des densités plus faibles pour minimiser ce surcoût. Mieux vaut raisonner à la variété en considérant d’abord la précocité, la qualité technologique, la résistance à la verse et aux maladies… »

Proportion des variétés hybrides par rapport à la surface totale par espèce

« Valoriser les contextes exigeants »

Le blé hybride montre surtout « une capacité à valoriser les contextes exigeants comme les blés sur blé, les terres à potentiel limité ou les blés de maïs où la tolérance à la fusariose offerte par de nombreux hybrides est un argument-clé », confie Emmanuel Sterlin, responsable marketing et communication du semencier Saaten-Union. Il peut également « être recommandé en bonnes terres pour la performance rendement, notamment avec l’arrivée d’une nouvelle génération de blé hybride aux caractéristiques optimisées, dont la première est la variété Hyligo ».

Alors qu’aujourd’hui, les variétés de blé tendre hybrides disponibles sur le marché sont toutes « produites par voie chimique (stérilisation du pollen des plantes femelles par l’application d’un gamétocide), plusieurs sélectionneurs, dont Syngenta et BASF, travaillent également à la production par voie génétique (stérilité mâle cytoplasmique associée à une restauration de fertilité), comme utilisée pour les orges hybrides », ajoute Philippe du Cheyron. Par exemple, BASF envisage ainsi l’arrivée de huit nouvelles variétés de blé tendre d’ici 2023-2025. Toutes ces innovations pourraient bien faire bouger les choses dans les années à venir, comme cela s’est produit pour le colza…

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