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Stratégie de commercialisation

Les 10 étapes clés pour réussir la vente de sa récolte


TNC le 06/07/2018 à 06:00
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La moisson en cours constitue le bilan de plusieurs mois de travail sur les plans techniques et agronomiques. Le bilan économique final ne peut se faire qu’une fois tous les grains vendus. Pour bien vendre ses récoltes, Agritel recense dix points clés. Dix étapes qui doivent ponctuer la démarche globale de commercialisation, à partir du choix des cultures qui seront emblavées, jusqu’à la vente du dernier lot.

  P our Agritel , réussir la commercialisation de ses récoltes ne s’improvise pas. La société spécialiste en stratégies des marchés agricoles et gestion de risque prix regrette que cette composante essentielle du métier d’agriculteur ne soit d’ailleurs pas davantage enseignée dans les différentes formations initiales préparant au métier, en particulier dans les lycées agricoles.

Mardi 3 juillet 2018, l’entreprise organisait une matinée d’information à destination de la presse, pour mieux comprendre l’enjeu de la commercialisation des grains, et détailler « les 10 points clés pour la réussir  ».

« Avant toute chose, un agriculteur doit bien prendre la mesure de l’importance des variations des prix, a expliqué Sébastien Poncelet, consultant chez Agritel. Le prix de vente est l’enjeu numéro un pour une exploitation céréalière », et non le rendement. « Sauf exception comme en 2016, il y a moins de variations de rendements qu’il n’y a de variation de prix. » Et cette importance des prix à prendre en compte va croissante à mesure que les aides directes de la Pac se réduisent. « Gérer sa commercialisation est ainsi aussi important que de gérer sa production sur le plan technique et agronomique. »

Outre les variations sur l’ensemble de la campagne, les plus importantes, il faut aussi compter sur des variations quotidiennes des cours qui peuvent être importantes. De 2003 à 2015, l’amplitude journalière moyenne du cours du blé sur Euronext était de 3 €/t !

La première étape dans la définition de sa stratégie consiste à choisir son mode de commercialisation. La gestion déléguée de la commercialisation, via sa coopérative ou son négoce, reste majoritaire. Mais « chacun est maître de sa barque ! Chaque barque et chaque capitaine est différent ! » Donc, à chaque exploitation sa stratégie de commercialisation.

« Vaut-il mieux vendre au prix de marché, ou au prix moyen de campagne ? Souhaite-t-on assumer la gestion du risque de prix ? Ou préfère-t-on la déléguer ? », questionne Sébastien Poncelet. « Une bonne manière de savoir ce qui convient le mieux est de regarder dans un dictionnaire les définitions des deux verbes « assumer » et « déléguer ». » Ceci dit, certaines exploitations peuvent se permettre de prendre plus de risques que d’autres.

« Il ne faut pas croire qu’en gérant soi-même la vente de sa récolte, on va mieux vendre qu’en la confiant à un tiers. Vendre tous les ans dans le tiers supérieur du marché, c’est impossible. »

En fait, l’agriculteur doit gérer deux risques : le risque de baisse des prix pour ses grains non encore vendus, et le risque de manque à gagner à la hausse pour les grains déjà vendus. « Trop d’agriculteurs ont tendance à se focaliser sur le deuxième. Mais en général, ils y perdent parce que le premier a été moins bien géré. »

Calculer son coût de production constitue une étape centrale dans sa stratégie. De ce calcul découle la fixation d’un prix objectif qui doit aussi tenir compte de la réalité du marché. « Ce prix objectif est-il réaliste par rapport aux prix observés ces dernières années ? », insiste Sébastien Poncelet. Au prix départ ferme envisagé, il faut ajouter la base Euronext – autour de 20 €/t – pour définir son objectif Euronext.

Évidemment, la stratégie à mettre en place ne peut faire fi de vos contraintes. « Il faut estimer de manière réaliste le volume à mettre en marché. » Le niveau maximum des ventes envisageables avant moisson ne doit pas être supérieur à l’estimation de la production minimale.

Les contraintes sont de quatre ordres : le volume à vendre, la qualité récoltée, votre logistique et surtout vos besoins de trésorerie. « Il ne faut pas vendre dans le seul but de payer ses factures car c’est souvent à ce moment-là que l’on vend le moins bien. » D’où l’obligation d’anticiper ses ventes et de s’en tenir globalement à son planning.

Pour celui qui veut couvrir sa production sur le marché à terme, il est indispensable de suivre les différents facteurs d’influence du marché. « Il y a d’abord l’analyse fondamentale et la méthode des bilans. » Autrement dit : suivre de près les niveaux de production et d’exportations des grands producteurs et exportateurs mondiaux. « La production d’une part, et les exportations d’autre part, sont les deux grandes variables des bilans. Le niveau des stocks est une donnée importante, mais elle varie moins fortement dans le temps. » Impossible, par exemple, de suivre convenablement le marché du colza sans s’informer du marché de l’huile de palme ou de celui du tourteau de soja. « Il faut connaître la tendance du moment et se demander quel est le « driver » du moment sur le marché. »

Les opérateurs sont aussi très sensibles aux différents risques liés au climat – le fameux Weather market – et l’évolution de la parité euro-dollar. Sans oublier, évidemment, les éléments conjoncturels. « Lorsque le Boeing MH17 de la Malaysia Airlines a été abattu par un missile en 2014 dans l’Est de l’Ukraine, le cours du blé a grimpé de 8 €/t dans les dix minutes qui ont suivi le drame. »

En pratique, deux grandes options s’offrent à vous si vous souhaitez utiliser des outils de couverture pour vos récoltes : utiliser les outils que peut vous proposer votre coopérative, ou ouvrir directement votre propre compte « marché à terme ».

Cette deuxième option présente des avantages mais aussi des inconvénients. Certes, vous pouvez couvrir votre production sans engager de physique, arbitrer, acheter et vendre des options à tout moment et mener une stratégie dynamique de votre couverture, mais le risque de base ne sera pas géré, vous devrez supporter le coût des passages d’ordre et consacrer davantage de temps pour assurer un suivi rigoureux de votre commercialisation.

« Il faut connaître et maîtriser les outils et techniques de commercialisation disponibles pour les utiliser à bon escient, rappelle Sébastien Poncelet. Tous les types de contrats ne sont pas faits pour toutes les exploitations. » Selon lui, environ 5 000 comptes sur le marché à terme sont actuellement ouverts et utilisés par des agriculteurs

« Déterminer une stratégie, c’est choisir entre éviter le risque, en réduisant sa production de blé par exemple, accepter le risque, en ayant la capacité de laisser passer les baisses et profiter des meilleurs moments pour vendre, réduire le risque, en contractualisant ses productions, ou transférer le risque, en le déléguant à la coopérative qui proposera un prix de campagne », explique Sébastien Poncelet.

L’un des moyens de limiter le risque est de fractionner les ventes. « Plus on fragmente ses ventes durant la campagne, moins on prend de risque. Mais il faut fragmenter tout en sachant ralentir ou accélérer en fonction des perspectives de marché et du niveau de prix par rapport au coût de production. » Autrement dit, l’expert conseille de vendre de manière « dynamique ». L’autre moyen de limiter les risques consiste à utiliser des options : des calls ou des puts.

Selon le spécialiste, « le marché chute souvent trois fois plus vite qu’il ne monte ». « Il faut apprendre à éviter d’être surpris par les surprises du marché », poursuit-il. D’où l’intérêt de bien connaître le « cycle psychologique de l’investisseur » : lorsque les prix repartent à la hausse, les émotions d’un investisseur passent d’abord du mépris, puis aux doutes, à la prudence, et ensuite à la confiance et l’enthousiasme. Lorsque les prix ne grimpent plus puis commencent à baisser, l’investisseur reste convaincu qu’il s’agit d’une simple pause dans la hausse. Il fera alors indifférent au début de la chute. Mais s’il s’agit d’une vraie chute des prix, il prendra peur et paniquera lorsqu’il sera déjà trop tard.

« Pour ne pas tomber dans ce piège, les agriculteurs doivent se fixer des dates limites pour déclencher les ventes avant moisson, pour assurer de gros besoins de trésorerie. »

Avant dernier point important : toujours suivre rigoureusement son exposition au risque, en suivant et consignant tous ses contrats et les volumes engagés. « On peut évaluer ce risque en suivant son taux de couverture, c’est-à-dire le pourcentage de la récolte engagée à prix de marché protégée contre la baisse des prix, mais aussi la sensibilité à la hausse, c’est-à-dire le pourcentage de la récolte pouvant profiter de la hausse des prix. »

Dernière étape indispensable : construire son plan de commercialisation, en intégrant les paramètres évoqués précédemment : la production attendue, l’objectif de prix, les besoins de trésorerie et le timing de ces besoins, les capacités de stockage et les contraintes logistiques, le niveau de risque consenti, le budget consenti pour l’achat d’options, etc.

« Préparer toute sa commercialisation à travers un plan d’action permet de réagir au bon moment sans se laisser emporter par ses émotions. Il y aura suffisamment d’aléas pendant la campagne. Il faut donc s’y préparer », insiste Sébastien Poncelet.