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Environnement

La Nouvelle-Aquitaine parie sur le marché du carbone


TNC le 29/12/2021 à 11:55
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En Nouvelle-Aquitaine, les agriculteurs qui s’engageront pendant cinq ans à réduire leur empreinte carbone de 15 %, auront une prime de 1 800 €. (©Pixabay)

Le marché du carbone a le vent en poupe et certains acteurs, comme la région Nouvelle-Aquitaine, incitent les agriculteurs à y entrer. Reste à convaincre ces derniers d’intégrer un dispositif qui peut les contraindre à faire évoluer leur système de production. Certains producteurs ont déjà franchi le cap comme en témoigne un document à paraître au Cniel.

La Nouvelle-Aquitaine, plus grande région agricole de France d’une superficie aussi grande que l’Autriche parie sur le marché du carbone avec une MAEC forfaitaire « transition bas carbone », la seule en France, dans le cadre de la prochaine Pac. « Les agriculteurs s’engagent pendant cinq ans à réduire leur empreinte carbone de 15 %, entraînant une prime de 1 800 € sur les cinq ans », résume Thierry Coutand, sous-directeur à la direction de l’agriculture de la région, lors d’un débat public intitulé « Pac et Pacte vert » à Limoges, le 18 novembre 2021.

« L’objectif est de lancer le mécanisme et d’enclencher une réduction des émissions de carbone », explique-t-il, évoquant un « marché du carbone, dans tous les cas, bien encadré par la puissance publique ». Il reconnaît que ce mécanisme de rémunération s’inscrit en parallèle à d’autres démarches comme celle de France Carbon Agri Association, présidée par Marie-Thérèse Bonneau, par ailleurs vice-présidente de l’interprofession laitière. L’association négocie avec des « acheteurs de crédits carbone nationaux ou locaux pour garantir une juste rémunération » et « sécuriser » la rétribution des agriculteurs vis-à-vis de ces crédits carbone.

Dans tous les cas, l’exploitant doit réaliser un bilan carbone avant de s’engager et un autre en fin d’engagement pour pouvoir prouver que le plan d’actions mis en œuvre sur l’ensemble de l’exploitation a bien eu l’effet escompté.

Le diagnostic CAP’2ER, un outil indispensable…

Pour effectuer ces bilans au départ et à l’arrivée, le diagnostic CAP’2ER semble être le diagnostic de référence en élevage, avec une application concrète au sein de programmes comme Life Beef Carbon ou Life Carbon Dairy. En élevage laitier, les éleveurs ont commencé à avoir un peu de recul sur cet outil, comme le montre le Cniel dans un document qui doit sortir prochainement et qui reprend le témoignage de plusieurs d’entre eux. Ces derniers ont mis en œuvre des modifications de leur système de production, à la suite du ou des diagnostics, pour faire évoluer positivement leur bilan carbone : diminution de l’âge au vêlage, pâturage tournant, couverture de la fosse à lisier, épandeur à pendillard, etc. Et, selon eux, les résultats sont au rendez-vous.

« Tant qu’un bilan n’est pas fait, il est difficile de savoir où on en est quant à nos émissions de carbone », observait ainsi Yohan Serreau, éleveur laitier, témoignant dans le document. Reste que dans certaines situations, l’outil CAP’2ER interroge car il ne prend pas encore en compte les vergers et les bois, pourtant source de biodiversité et de stockage de carbone.

…mais qui peut laisser perplexe

Dans certaines situations, le résultat peut même laisser interrogatif comme en témoigne un éleveur laitier : « Pour avoir un bon diagnostic, il faut un maximum d’animaux avec un maximum de productivité. C’est très frustrant surtout que je préfère soigner mes génisses un peu plus longtemps par exemple que de les mettre trop tôt à la reproduction. Au final, tout animal improductif augmente le bilan carbone, ce qui amène à une intensification de la production, à l’inverse de mes choix actuels ».

De même si le marché du carbone s’ouvre réellement dans quelques années, les éleveurs ayant trop rapidement amélioré leur bilan carbone auront plus de mal à valoriser un différentiel par la suite. Et certains éleveurs expliquent très clairement que leur « première motivation », dans la réalisation de ces diagnostics, « est avant tout financière ».

Au salon Tech’&Bio, en septembre dernier, Philippe Tresch, animateur du réseau Inosys Bovins Viande de Rhône-Alpes et Paca, se voulait rassurant : « l’outil est en train d’évoluer avec un enrichissement sur le volet sol, phytosanitaire, agroforesterie, etc ». Une vision partagée par Elisabeth Castillan, cheffe de projet Environnement en élevage laitier à l’Idele, qui confirme elle aussi que « l’outil est à faire bouger d’ici 2022 ».