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Protéines végétales

La culture du soja peut-elle se développer dans le nord de la France ?


TNC le 21/09/2022 à 14:18
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(©TNC)

Avec l'évolution du climat et de la sélection variétale, le soja, culture à la fois exigeante en chaleur et en eau, peut-il trouver sa place dans les assolements de la moitié nord de la France ?

Principalement cultivé dans l’est et le sud-ouest de l’Hexagone, le soja étend petit à petit son territoire. D’après son dernier rapport mensuel, Agreste comptabilise 181 706 ha de soja en 2022. Et la sole pourrait atteindre 200 000 ha d’ici 2023, selon Bernard Gourgues, chef de marché soja pour Caussade Semences pro (Lidéa), compte-tenu du besoin en graines locales non OGM notamment. 

« Si le soja souffre encore de l’image d’une culture gourmande en eau et d’une marge inférieure aux autres grandes espèces, il présente aussi des bénéfices », qu’ont tenu à rappeler le semencier et différents intervenants le 12 septembre lors d’une journée organisée au sein du lycée agricole Le Paraclet, à Boves dans la Somme. 

Le contexte actuel change la donne

Parmi les atouts agronomiques mis en avant : « le soja est une légumineuse, il est donc capable de fixer l’azote de l’air. C’est aussi une très bonne tête d’assolement, peu consommatrice de produits phytosanitaires », souligne Maurane Pagniez, ingénieur développement chez Terres Inovia.

Le soja pouvait paraître peu compétitif en termes de charges opérationnelles (graphique ci-dessous), cependant la conjoncture actuelle rend la culture plus favorable. En effet, « ses charges ont peu évolué depuis 2020 comparées à d’autres cultures, du fait de son besoin nul en azote et du faible nombre d’interventions nécessaires au champ (moins de carburant) ».

Charges opérationnelles par culture et par poste en 2020. (©Chambre d’agriculture des Hauts-de-France)

Et son prix de vente est, aussi, plus intéressant : « entre 600 et 650 €/t pour cette année. Le prix moyen était de 573 €/t la campagne dernière », note Hugues Desmet, responsable collecte chez Valfrance. « Il n’y a pas de souci pour développer la culture au niveau des débouchés : le marché de l’alimentation animale recherche du soja non OGM local, et la demande pour l’alimentation humaine est aussi en plein essor. »

Pour la coopérative située dans l’Oise et la Seine-et-Marne, le soja reste toutefois un marché de niche : il représente environ 1 000 t cette année, sur les 800-850 000 t de collecte annuelle. Étant un allergène, la culture requiert un point d’attention particulier au niveau de la réception et du stockage : « les graines ne doivent pas entrer en contact avec d’autres produits. La coopérative dispose d’un seul site de stockage dédié ».

Concernant les normes de réception, le taux d’humidité du soja doit être de 16 % maximum. « Avec une récolte en octobre, on a souvent recours au séchage. L’an dernier, 100 % des sojas ont dû être séchés par exemple, comme les maïs et les tournesols. Cette année, c’est moins le cas ».

Plusieurs points d’attention néanmoins

Les autres points d’attention concernent davantage l’itinéraire technique de la culture. Dans le cadre de Cap Protéines, Terres Inovia a mis en place un observatoire d’une dizaine de parcelles depuis 2021 dans les Hauts-de-France. Si « le climat froid et pluvieux n’a pas été un facteur limitant pour récolter le soja en 2021 », Maurane Pagniez souligne « une forte pression pigeons à l’implantation pour une parcelle et des difficultés de salissement pour d’autres. Pour les parcelles récoltées, le rendement moyen était de 26,4 q/ha en 2021 (de 18 à 40 q/ha) ». 

L’observatoire a été reconduit pour cette campagne 2022 et a mis en avant « la sensibilité du soja au stress hydrique, particulièrement de la floraison à la première gousse brune. […] La sécheresse estivale a eu un impact sur les composantes de rendement :  nombre de gousses et de graines par plante notamment ». L’experte conseille alors d’éviter le soja dans des sols à faible réserve en eau (argilo-calcaire superficiel, sables…). 

Bernard Gourgues rappelle aussi de « privilégier les semis dans un sol réchauffé. La germination du soja nécessite une température de 10-11°C. » Il ne faut pas oublier, non plus,  l’inoculation (70 à 90 % de l’azote utilisé par le soja grâce à ses nodosités). Enfin, parmi les premières étapes à ne pas négliger : le choix d’un groupe de précocité adapté. « Ce sont les variétés 000 et 00 qui conviennent dans le le cas de la Normandie et des Hauts-de-France », précise-t-il. 

« Les investissements réalisés par les obtenteurs français permettent aujourd’hui d’avoir une génétique adaptée aux terroirs et aux conditions pédoclimatiques. Les progrès en termes de potentiel, tolérance aux maladies et agronomiques ont été fulgurants ces dernières années, […] et permettent d’avoir des niveaux de rentabilité acceptables pour les marchés du nord de la France, ce qui n’était pas le cas il y a encore quelques années, ajoute Patrice Jeanson, responsable programmes recherche du groupe Lidea. Enfin, des travaux de recherche continuent, avec les instituts techniques également, pour trouver les itinéraires techniques les plus appropriés ». Outre l’adaptation aux terroirs, les sélectionneurs entendent aussi répondre aux besoins du marché, notamment de l’agroalimentaire, en travaillant sur la composition des graines de soja (qualité et solubilité des protéines, composition en acides gras, goût…). 

Retrouvez aussi les guides techniques de Terres Inovia pour la culture du soja et du soja bio