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Avis d'experts

Fortes gelées matinales : quelles conséquences pour les cultures ?


TNC le 09/04/2021 à 06:03
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Après des températures particulièrement élevées la semaine passée, le retour des gelées prononcées depuis le 6 avril 2021 inquiète sur le terrain. Pour les experts, les impacts pourraient être importants selon les cultures et les situations. Bien sûr, il faudra attendre le redoux pour mesurer réellement les conséquences sur les parcelles, notamment pour les céréales et le colza.

On a tendance à l’oublier… mais ce type d’épisode froid est relativement fréquent. « Cela revient pratiquement tous les ans, avec plus ou moins d’intensité, rappelle Jean-Charles Deswarte, ingénieur Arvalis-Institut du végétal. Le dernier épisode marquant remonte à avril 2017 ». Pour 2021, la particularité réside surtout « dans l’ampleur des fluctuations des températures, entre des maximales autour de 25°C la semaine dernière et l’apparition de minimales nettement négatives ces jours-ci ».

Une situation très contrastée pour les céréales selon la localisation et le stade

Pour les céréales à paille, il est difficile d’établir un diagnostic précis sur les conséquences de ces gelées. « Les situations vont être contrastées, en fonction de l’espèce, du stade et de l’exposition », reconnaît l’expert. « Du point de vue de la topographie, les fonds de vallée, les bords de haie et les versants nord vont être les secteurs les plus exposés car ces facteurs impactent très fortement l’intensité et la durée du gel. À température égale, les cultures les plus avancées (entre 2 nœuds et dernière feuille pointante, voire méiose localement) sont plus fragiles que celles qui entament juste leur montaison (stade épi 1 cm). »

À noter aussi : « on suppose que les blés durs et les orges d’hiver sont plus sensibles que le blé tendre. Les orges de printemps semées en automne dans les secteurs du Centre-Est sont sans aucun doute les situations les plus à risque », ajoute Jean-Charles Deswarte. « Les effets du vent et de la neige sont difficiles à cerner. Le vent peut générer des brûlures sur feuille, alors que les très faibles chutes de neige n’auront sans doute pas de rôle de protection significatif ».

Retrouvez les premiers constats d’Arvalis par grande région : 

Situation des céréales à paille dans différents bassins de production selon Arvalis au 7 avril 2021. (©Arvalis-Institut du végétal)

Les cultures vont reprendre leur croissance dans les jours à venir, avec la disparition progressive des gelées. L’expert recommande d’être vigilant : « l’apparition des symptômes sur épi ne sera effective que dans une semaine ou deux, alors que les brûlures de feuille s’observeront très rapidement. Si la destruction d’épis se confirme, l’impact sur les cultures sera directement dépendant de la capacité des plantes à faire monter des talles à la place du maître-brin. Cette capacité pourrait être altérée si l’absence de pluie induit des stress hydriques et azotés prononcés ».

Pour plus de détails, retrouvez l’article Arvalis : Gelées matinales marquées : les céréales à paille sous surveillance

Ne pas sous-estimer le pouvoir de compensation du colza

Du côté des colzas, là aussi, il est encore tôt pour se prononcer. Selon Terres Inovia, cette culture devient sensible au gel « dès la montaison et particulièrement durant la floraison ». Les températures négatives peuvent provoquer « des pertes de boutons (avortement), pouvant cependant être compensées. À partir de – 5 °C (température seuil), on peut observer des pertes de feuilles et de hampes, plus dommageables pour la culture ».

Cependant Nicolas Latraye, ingénieur régional Hauts-de-France, insiste sur le « fort pouvoir de compensation du colza. Il faudra voir au cas par cas, en fonction de l’état sanitaire de la parcelle ». Il devrait y avoir peu d’impacts « pour les colzas en bonne santé et avec un bon pivot, mais ce sera plus délicat pour les plantes déjà affaiblies, par les larves d’altises notamment ». « Le gel vient, en effet, exacerber les blessures déjà présentes », ajoute Samuel Dubois, chef de marché hybride France chez RAGT Semences.

Betteraves sucrières : un ressemis à envisager en dessous de 40 000 plantes/ha

Comme nous l’indiquait en début de semaine Ghislain Malatesta, responsable du département « expérimentation et expertises régionales » à l’Institut technique de la betterave (ITB), l’inquiétude est également de mise pour les betteraves sucrières, surtout pour les parcelles levées. « Les températures négatives enregistrées ces dernières nuits pourraient, en effet, occasionner des pertes de pieds », précise François Courtaux, responsable régional Hauts-de-France à l’ITB. 

Parmi les symptômes potentiels : « cotylédons couleur bronze à violet, port tombant, tigelle translucide ou pincée avec nécrose. Les plantules dépérissent rapidement et disparaissent », indique Henry de Balathier, responsable régional Île-de-France à l’ITB. L’expert recommande alors de réaliser un diagnostic à la parcelle et pour cela : « repérer individuellement plusieurs séries de plantules par un marquage au sol et suivre leur évolution dans les deux jours qui viennent. En dessous de 40 000/50 000 betteraves vivantes à l’hectare (soit 20 à 25 au décamètre), un ressemis sera inéluctable. Au dessus de cette population, il ne faut pas l’envisager, pour deux raisons :

  • « La première étant l’avance de végétation de ces betteraves (2 à 4 semaines) gage de rendement. »
  • « La seconde étant une protection néonicotinoïdes efficace pour se prémunir de la jaunisse virale. »

« En effet, en cas de ressemis dans la même parcelle, la législation actuelle interdit l’utilisation de semences de betteraves traitées aux néonicotinoïdes ».