Accéder au contenu principal
Bassines

Des éleveurs expliquent pourquoi ils investissent dans les retenues d’eau


TNC le 04/04/2023 à 14:31

Pour les éleveurs, l'irrigation contribue également à sécuriser la production de fourrage. (© Terre-net Média)

La Chambre d'agriculture des Deux-Sèvres a recueilli le témoignage de trois éleveurs ayant investi dans des retenues de substitution. Pour eux, l'accès à l'eau est une question de pérennité des exploitations, alors que la plupart d'entre eux est déjà engagé dans une démarche agroécologique.

Dans une série de vidéos publiées sur Youtube, la Chambre d’agriculture des Deux-Sèvres compile des témoignages d’éleveurs engagés dans les différents projets de retenues de substitution en construction dans le département. Pour eux, les bassines sont un moyen de gagner en autonomie dans la gestion de l’eau et de pérenniser leurs exploitations face au changement climatique.

Sur une exploitation de 185 ha, Ludovic Vassaux et son associé, Guillaume Raynaud, pensent qu’agriculture bio peut rimer avec retenue de substitution. Tous deux titulaires d’un BTS gestion et protection de l’environnement, ils ont fait le choix d’orienter leurs exploitations vers l’agroécologie. En bio depuis 2019, ils écoulent leurs bovins de race maraîchine en vente directe et pratiquent l’agriculture de conservation des sols. « Je pense qu’on ne peut pas nous en demander beaucoup plus », estime Ludovic. 

Nous avons déjà réduit nos prélèvements en eau de 64 000 m3.

Et si la livraison de leur retenue d’eau est encore en attente, les agriculteurs ont pris les devants pour travailler sur leur consommation d’eau. « Historiquement, le volume d’irrigation était de 120 000 m3 sur la ferme. Aujourd’hui, on est sur un contrat de 56 000 m», explique Guillaume. Les agriculteurs veillent également à n’irriguer que la nuit pour éviter l’évaporation.

Retrouvez le témoignage de Ludovic Vassaux et Guillaume Raynaud :

Pour afficher cette vidéo, veuillez accepter les cookies Youtube en cliquant ici

David Paillat, à la tête d’une exploitation de 420 ha et 135 vaches laitières à Mauzé-sur-Mignon, prétend également à des volumes d’eau. Mais il a travaillé son assolement pour limiter ses besoins. « Cela fait plus de 20 ans que je suis installé et nous avons diminué notre surface en maïs d’à peu près 50 % ». Il implante maintenant du tournesol ou du sorgho, moins gourmands en eau. « C’est notre manière à nous de nous adapter au changement climatique. »

Retrouvez le témoignage de David Paillat :

Pour afficher cette vidéo, veuillez accepter les cookies Youtube en cliquant ici

Avec 157 ha dans dans le sud Deux-Sèvres et 40 vaches parthenaises, Terry Boulay abonde dans ce sens. « Lorsque je me suis installé, je faisais beaucoup de maïs. Aujourd’hui, il n’y en a presque plus en irrigué. En dix ans, je suis passé de 55 ha de maïs sur la ferme à 15 au profit de la luzerne ou du soja… », insiste l’éleveur.

Retrouvez le témoignage de Terry Boulay :

Pour afficher cette vidéo, veuillez accepter les cookies Youtube en cliquant ici

Avoir de la visibilité sur les volumes

Et pour les agriculteurs, la retenue d’eau est un moyen d’avoir de la visibilité sur les volumes disponibles pour l’irrigation. « Grâce à la réserve, nous allons connaître dès le mois de mars le volume d’eau qui nous sera attribué pour l’été. Ca permet d’adapter les cultures de printemps qui seront implantées », précise David.

L’objectif est simple : stocker l’eau aux périodes où elle est abondante pour l’utiliser en période sèche. « Avec ce système, on aura une sécurité d’irrigation. Alors qu’aujourd’hui, on attend l’arrêté qui va nous interdire d’arroser », décrypte Terry. 

Et pour Ludovic, les retenues ne sont pas dénuées de vertus : « ce que j’apprécie sur les réserves, c’est qu’on peut irriguer l’été sans faire baisser le niveau des rivières, c’est plutôt un beau projet. »

L’irrigation, essentielle à la pérennité des exploitations

L’irrigation reste « essentielle » pour autoproduire les fourrages, comme pour les cultures de vente. « Sans l’irrigation, il nous faudrait une structure beaucoup plus grande pour pallier le manque de productivité », ajoute Ludovic. Pour certains, il s’agit même d’un levier pour continuer à avoir des cultures diversifiées et instaurer un  assolement cohérent. « Ça permet de faire des rotations de cultures intéressantes, et indirectement de diminuer l’utilisation de produits phytos », ajoute Terry qui s’est lancé dans l’agriculture de conservation des sols.

D’autant plus que l’accès à l’eau est un élément limitant : « sans irrigation, impossible de prétendre à des contrats de semence », rappelle Ludovic Vassaux.

J’ai été victime de dégradations

Mais cette guerre de l’eau commence à excéder les principaux intéressés. « J’ai été victime cet été de dégradations », révèle Terry Boulay. Un de ses tuyaux d’irrigation a été découpé en 23 morceaux juste avant le 14 juillet. « Cela m’a coûté la modique somme de 6 000 €. Sans compter la peur, le lendemain, de remettre l’enrouleur… »

Et la succession de manifestations n’arrange pas les choses. « Depuis deux ans, début de la construction de la SEV17, nous voyons à chaque fois des dérapages violents qui nous affectent », précise David. Pourtant, l’agriculteur a l’impression d’aller dans le bon sens. « C’est pénible de voir quelques individus penser qu’ils ont le monopole de l’environnement alors qu’on travaille depuis 20 ans à l’adaptation au changement climatique, et à la baisse d’utilisation de produits phytopharmaceutiques. »

Seule solution : appeler le consommateur à réfléchir sur le modèle agricole qu’il souhaite. « On nous dit qu’on doit travailler sans eau, mais c’est le meilleur moyen de nous faire quitter le métier » interpelle Guillaume. « Si on casse nos outils, on ne sera plus en mesure de produire et l’alternative, ça sera d’aller importer de la nourriture qui vient de l’étranger. C’est au consommateur de savoir ce qu’il veut » conclu David.