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Réserves d'eau

Contre les bassines, nouveau rassemblement samedi dans les Deux-Sèvres


AFP le 23/03/2023 à 10:05

Les Deux-Sèvres se préparent à une nouvelle manifestation interdite samedi contre les « bassines », des réserves d'eau dédiées à l'irrigation agricole, cinq mois après la dernière qui avait donné lieu à des affrontements avec les forces de l'ordre.

Des milliers de personnes sont attendues pour un rassemblement annoncé comme « historique » par ses organisateurs – le collectif « Bassines non merci », le mouvement écologiste des Soulèvements de la Terre et le syndicat Confédération paysanne – opposés à ces retenues creusées dans la terre.

Seize, d’une capacité totale d’environ 6 millions de mètres cubes, doivent être créées principalement dans le département pour stocker, en plein air, de l’eau puisée dans les nappes superficielles en hiver, afin d’irriguer les cultures en été quand les précipitations se raréfient, selon un principe de « substitution ».

Ce projet soutenu par l’Etat est porté par un groupement de quelque 450 agriculteurs qui y voient un moyen d’assurer la survie de leurs exploitations face aux sécheresses à répétition. Mais celle qui a marqué l’hiver a renforcé l’opposition aux « bassines », dénoncées par leurs adversaires comme un « accaparement » de l’eau par « l’agro-industrie » à l’heure du changement climatique.

Pour l’instant, une première réserve fonctionne à Mauzé-sur-le-Mignon et une autre est en construction à Sainte-Soline : toutes deux sont annoncées comme des cibles potentielles par les organisateurs de la manifestation. « Les forces de l’ordre seront débordées », a promis Julien Le Guet, porte-parole de Bassines non merci.

« Déni de démocratie »

Les rassemblements ont été interdits sur les deux communes par la préfecture des Deux-Sèvres, qui craint des violences ou des dégradations comme lors de précédentes manifestations en septembre 2021, mars et octobre 2022.

Mercredi, la préfecture de la Charente a condamné le « sabotage » par lacération des bâches d’une autre « bassine » située aux Gours, commune limitrophe des Deux-Sèvres.

Après la dernière manifestation, qui avait rassemblé plusieurs milliers de personnes à Sainte-Soline, cinq personnes ont été condamnées à des peines de prison avec sursis. Cinq mois plus tard, la justice a engagé la semaine dernière des poursuites contre Julien Le Guet, en prenant une mesure de contrôle judiciaire qui l’empêchera de manifester samedi. Les opposants ont dénoncé une « tentative d’intimidation » contre la mobilisation.

Les agriculteurs de la Coop’ de l’eau, coopérative qui doit gérer les futurs ouvrages avec l’Établissement public du Marais poitevin, rétorquent que ces mêmes opposants avaient été conviés aux concertations préalables au projet en 2018.

À l’époque, en échange d’une « eau sécurisée », les exploitants du territoire s’étaient engagés à réduire de 50 % l’usage de pesticides d’ici 2025 et à replanter une centaine de kilomètres de haies. Alors que les premiers résultats sont attendus ces été, des associations environnementales fustigent « lenteur » et manque « de transparence ».

« Harcèlement »

« Très inquiets » avant la manifestation, ces agriculteurs ont porté plainte pour des dégradations matérielles et pour « harcèlement moral » sur les réseaux sociaux. Le syndicat FNSEA a appelé au calme tout en réclamant des « condamnations appropriées ».

Pour Thierry Boudaud, qui dirige la coopérative, « il faut renouer le dialogue » mais « on ne peut pas négocier avec un pistolet sur la tempe », dit-il, alors que Bassines non merci et la Confédération paysanne réclament « un moratoire » pour lancer « un vrai projet de territoire » sur le « partage de l’eau ».

Avec des fermes de « 70 à 80 hectares par agriculteur », la Coop’ revendique « un modèle d’agriculture familiale et diversifiée » qui a entamé par endroits, comme dans le sud-ouest du département, « une transition » avec « la moitié des cultures converties en bio » en dix ans.

« Sans eau sécurisée, ce sera la victoire de l’agro-business avec des fermes de 1 000 hectares en cultures d’hiver sur chaque coin du territoire », met en garde Ludovic Vassaux, installé en polyculture-élevage bio en vente directe.

L’hydrogéologue Alain Dupuy, membre du comité scientifique de suivi des bassines, considère que le projet des Deux-Sèvres, avec « des nappes réactives » et un milieu agricole « qui a envie d’évoluer », peut constituer « une zone atelier où l’on pourrait vraiment apprendre ce qu’il faudrait mieux faire pour le futur ».

Mais les opposants redoutent un « bassinage du pays ». Un modèle qui serait « inefficace » avec des sécheresses à répétition et source de « mal-adaptation » au changement climatique, critique l’hydroclimatologue du CNRS Florence Habets.