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[Témoignage] Diversification

Comme Étienne Henriot, plusieurs producteurs relancent la culture du sarrasin


TNC le 09/10/2020 à 18:02
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Pratiquement disparu, le sarrasin (ou blé noir) retrouve une seconde jeunesse. Cette plante robuste se décline désormais dans de multiples recettes et se développe dans les champs bretons, mais pas seulement. Dans le nord de l'Yonne, Étienne Henriot fait le point sur son expérience après deux campagnes de sarrasin, cultivé sous le cahier des charges CRC.

Originaire d’Asie, le blé noir, qui n’est pas une céréale et appartient à la famille de la rhubarbe (polygonacée), a été rapporté en Bretagne par les croisés avant d’être popularisé par Anne de Bretagne à la fin du XVe. S’adaptant bien à la lande, il devient l’alimentation de base des paysans bretons et aurait permis d’éviter de nombreuses famines à ces populations pauvres. Mais, dans les années 1960, « avec l’apparition de la Politique agricole commune (Pac) la culture de blé noir a été délaissée au profit du maïs et du blé », plus rentables, raconte Christine Larsonneur, directrice de l’association Blé noir tradition Bretagne.

Voir : Le sarrasin, une culture au pouvoir nettoyant

Dans les années 1980, quelques producteurs, poussés par une demande de meuniers bretons, ont relancé sa culture. En juin 2010 une Indication géographique protégée (IGP) a été créée, décernée par l’Union européenne, dans les cinq départements de la Bretagne « historique ». 

« Dans l’air du temps »

À Saint-Grégoire, près de Rennes, Vincent Schmitt, 60 ans, montre le processus de fabrication de la « plante des 100 jours » (son autre surnom) dans sa meunerie avec les 14 phases de broyage, au milieu d’un bruit assourdissant. Troisième génération d’une famille de meuniers, il mesure pleinement l’engouement pour le blé noir. « Avec ses vertus spécifiques, il est dans l’air du temps ! Il ne nécessite pas d’intrants et ne contient pas de gluten. Et le breton est beaucoup plus fort en goût que celui d’importation… C’était le pain des pauvres mais c’est devenu un peu le pain des riches », s’amuse-t-il, soulignant que les Japonais en sont les plus grands consommateurs.

« Avec un rendement entre 800 kg et trois tonnes à l’hectare, ça n’intéressait personne mais aujourd’hui le sarrasin a une valeur marchande forte », ajoute-t-il. Car dans l’assiette, le sarrasin, également cultivé dans d’autres régions françaises (Auvergne, Sud-Ouest…), n’est plus synonyme uniquement de galette ou de crêpe. Il se décline en multiples produits, des pâtes à la bière, des biscuits apéritifs au whisky, en passant par des blinis, tandis que des chefs médiatiques comme Thierry Marx l’utilisent.

Du sarrasin en filière CRC

Face à cette demande des consommateurs et cherchant des cultures peu gourmandes en intrants, la filière CRC (Culture raisonnée contrôlée) s’est également intéressée au sarrasin. 213 ha en 2019 et 1 281 ha cette campagne ont ainsi été cultivés selon le cahier des charges de la filière. 

À lire : [Reportage] Blé en filière CRC – E. Duchesne : « Une production en phase avec les attentes des consommateurs »

Parmi les producteurs engagés, Étienne Henriot, qui cultive 270 ha au nord de l’Yonne et est également président du GIE CRC. Déjà engagé dans la démarche avec le blé tendre et le seigle certaines années, il a contractualisé avec son organisme stockeur (OS) 12 ha de blé noir dès 2019 et 27,5 ha cette année. Comme beaucoup d’agriculteurs de son secteur, il est demandeur de cultures de diversification. 

Quelques données sur l’exploitation d’Étienne Henriot : 
– En Gaec avec 1 associé
– SAU : 270 ha 
– Assolement (campagne 2019/20) : 83 ha blé tendre, 39 ha colza, 19,5 ha maïs grain, 42 ha orge d’hiver, 19,5 ha orge de printemps, 22 ha pois fourrager d’hiver, 27,5 ha sarrasin 27,5 ha et 17,5 ha jachère. 

Étienne Henriot énumère son itinéraire, plutôt concis  : « semis fin avril/début mai et récolte vers la mi-septembre ». Attention toutefois, ces deux étapes méritent quelques points d’attention. Côté semis, le choix des variétés est géré avec l’OS.

Pour la récolte de l’andain au ras-du-sol, la moissonneuse-batteuse doit être équipée d’un système pick-up.  (©Filière CRC)

« Et la récolte représente une étape délicate, précise l’agriculteur, car la graine de sarrasin est particulièrement fragile ». « Les conditions ont été idéales cette campagne. Nous avons pu andainer sous un climat chaud et sec au 15 septembre, puis récolter avec un système pick-up 5 jours après ». Le sarrasin se récolte à 14 % d’humidité, mais « malgré la dessication de la plante, il y a de nombreux déchets. Un gros travail de nettoyage et de séchage est donc nécessaire rapidement pour assurer la bonne conservation des grains. On ne doit pas dépasser 24 h entre la récolte et cette étape », note l’agriculteur. 

Si la culture résiste au stress hydrique, les fortes sécheresses estivales ont toutefois limité la floraison. Le rendement moyen tourne autour d’1 t/ha pour Étienne Henriot : « on dit que le rendement est bon plutôt à 2 t/ha, et très bon à 2,5 t/ha. Pour ces deux campagnes, le résultat est donc économiquement insuffisant », estime l’agriculteur. Il compte toutefois persévérer l’année prochaine avec cette culture et attend beaucoup aussi de la recherche (variétés plus résistantes). 

– Coût récolte :  140 €/ha =  50 €/ha andainage + 90 €/ha récolte avec système pick-up
– Produit : 390 €/t = 350 €/t + 40 €/t de prime CRC 

Retrouvez également : Filière CRC – Premières céréales certifiées sans résidus de produits phytos pour 2021